À l'image de la perpétuelle recherche par l'enquêteur de police du mobile du criminel dans les affaires de meurtre, on comprend l'importance du rôle joué par celui-ci et de son aspect indissociable du crime. Cependant, en matière pénale, le mobile n'est pas un élément tout aussi fondamental que l'élément intentionnel. Il semble même que ce soit deux notions distinctes qui jouent des rôles déterminés et bien différents.
Dans cette affaire, le prévenu, Thierry Huet, était poursuivi pour avoir mis son compte bancaire à la disposition du patron du bar où il travaillait et où se déroulaient des actes de prostitution, afin que les recettes de ces activités y soient déposées transitoirement. La Cour d'appel l'ayant condamné pour proxénétisme aggravé par aide et assistance à la prostitution d'autrui, Huet a formé un pourvoi en cassation, en arguant de ce qu'il avait été obligé d'agir de la sorte afin de conserver son emploi de barman et qu'il n'avait pas tiré le moindre profit économique de l'opération. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, au visa notamment des articles 225-5 et 225-7 du nouveau code pénal.
En vertu de l'article 225-5, est incriminée et sanctionnée du chef de proxénétisme toute aide, assistance ou protection de la prostitution d'autrui. Les peines prévues peuvent être aggravées lorsque certaines circonstances sont caractérisées, comme dans le cas où cette assistance est procurée à la prostitution de mineurs ou de plusieurs personnes (article 225-7).
Outre la sévérité des sanctions, l'intérêt principal de l'arrêt tient en l'approbation par la Cour régulatrice de l'arrêt par lequel les juges du fond ont refusé d'intégrer le mobile dans la caractérisation de l'élément moral de l'infraction, en rejetant le moyen tiré de la contradiction de motifs : « Que, par ailleurs, le fait que, pour apprécier la peine, il ait été tenu compte que le prévenu ait invoqué, pour mobile, avoir voulu préserver son emploi dans l'établissement, n'est nullement en contradiction avec l'élément intentionnel du délit dont il a été déclaré coupable ». La jurisprudence oppose en effet une indifférence de principe au mobile, qu'elle distingue nettement de l'élément moral et intentionnel du délit. Quelle est donc la valeur et le rôle du mobile ? De quelle façon le juge peut-il en tenir compte ?
Nous nous attacherons d'abord à la qualification retenue par le législateur et l'autorité judiciaire en ce qui concerne le délit de proxénétisme (I) ; puis nous étudierons la distinction de principe entre élément intentionnel et mobile (II).
[...] La lourdeur de sa peine s'explique manifestement par d'autres circonstances. B / Les circonstances aggravantes La nature des circonstances aggravantes - Les peines prévues par la loi en matière correctionnelle ou criminelle peuvent être aggravées lorsque les faits incriminés ont été commis dans certaines circonstances. Les circonstances aggravantes tiennent à des données expressément et préalablement qualifiées par le législateur : elles tiennent au contexte particulier dans lequel le délit a été commis, aux moyens employés, à la situation des victimes (des mineurs, en l'espèce), à la qualité du délinquant - Cela peut aboutir concrètement à l'élévation du maximum des peines encourues, sachant que les peines ne peuvent être cumulées. [...]
[...] - Inversement, le législateur peut choisir de prendre en compte le mobile pour aggraver la peine. C'est alors le mobile, la circonstance aggravante. Ainsi des crimes de terrorisme, qui ont pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur - Mais, dès lors que cela ne concerne pas la structure de l'infraction, cela ne saurait avoir d'influence sur la décision de la Cour de Cassation. Si des circonstances atténuantes sont en l'espèce accordées au prévenu par la Cour d'appel, en raison du mobile qu'il met en avant (il aurait agi pour conserver son emploi), c'est une question qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. [...]
[...] - La circonstance aggravante qui semble avoir conduit à la condamnation de Thierry Huet est ainsi le fait que l'aide et assistance à la prostitution dont il a été déclaré coupable concernaient la prostitution de mineurs de plus de 15 ans (Droit pénal 1998, p note Véron). Car, les mineurs, dans le droit pénal contemporain, sont tout particulièrement protégés. Cependant, le réel intérêt de l'arrêt réside dans la place accordée au mobile du prévenu vis-à-vis de l'élément intentionnel ? Quel rôle joue le mobile dans un tel cas ? [...]
[...] La Cour de Cassation rejette le moyen au motif que l'on ne saurait confondre mobile et intention, qui sont deux éléments indépendants et qui ne jouent pas le même rôle dans la qualification pénale. Mais quelle place est donc accordée mobile en matière pénale ? Peut- on retenir en le mobile une circonstance atténuante comme l'avait fait la Cour d'Appel ? B / Le mobile, circonstance atténuante Une indifférence de principe - En principe, le mobile ne joue aucun rôle en droit pénal français, dans la caractérisation de l'infraction. [...]
[...] Quelle est donc la valeur et le rôle du mobile ? De quelle façon le juge peut-il en tenir compte ? Nous nous attacherons d'abord à la qualification retenue par le législateur et l'autorité judiciaire en ce qui concerne le délit de proxénétisme ; puis nous étudierons la distinction de principe entre élément intentionnel et mobile (II). I La qualification du proxénétisme En vertu de l'article 225-5 du nouveau code pénal, le proxénétisme est notamment le fait pour quiconque, de quelque manière que ce soit, d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui, ou encore d'en tirer profit. [...]
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