Il est des sujets qui déchaînent les passions juridiques et qui dérangent la communauté des juristes. Ces sujets brûlants touchent au Droit dans son essence, c'est-à-dire dans ses fondements moraux, religieux et philosophiques. Tel est le cas pour certains pans du droit de la famille (Controverse autour du PACS), ou encore la question du préjudice d'être né (affaire Perruche), et, à travers différents prismes (l'avortement, l'homicide involontaire), le « statut » du fœtus en Droit français.
Or, c'est de cela qu'il s'agit dans l'arrêt que nous allons étudier.
Les faits relèvent d'une horreur quotidienne : alors qu'elle circulait en voiture avec des passagers, Mme X se trouve percutée par un automobiliste ivre (l'alcotest prouvera que son taux d'alcoolémie était de 1,02g/litre de sang, donc au-dessus du taux légal qui est de 0,80g/litre de sang). Deux jours après cet accident de la circulation, Mme X, qui était enceinte de six mois lors de l'accident accouche d'un enfant mort né. En effet, le fœtus est décédé à la suite de lésions cérébrales causées par l'accident de la circulation.
Elle agit donc contre le chauffard pour homicide involontaire sur le fœtus.
En effet, les éléments constitutifs de l'infraction semblaient être réunis en l'espèce.
D'abord, à l'origine directe du dommage, il y a une faute d'imprudence (prendre le volant en état d'ivresse) et un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (en l'espèce, la disposition du code de la route interdisant la conduite en état d'ivresse).
Ensuite, il y a bien un dommage puisque non seulement les passagers et le conducteur de la voiture où se trouvait Mme X sont blessés, mais cette dernière perd, du fait de cet accident, son futur enfant.
Le Tribunal Correctionnel de Metz reconnaît le chauffard coupable d'homicide involontaire retenant « le rôle causal direct »de l'accident dans la mort de l'enfant au « préalable viable ». la Cour d'Appel de Metz, ne retient pas cette solution. Au contraire, la juridiction du second degré infirme le jugement du Tribunal correctionnel en précisant que, bien que« n'ayant pas respiré à la naissance du fait de l'accident », l'incrimination d'homicide volontaire ne pouvait être retenue puisque « l'enfant mort-né n'est pas protégé pénalement au titre de l'infraction concernant les personnes, que pour qu'il y ait personne, il faut qu'il y ait un être vivant, c'est-à-dire venu au monde et non encore décédé, que la loi pénale est d'interprétation stricte, qu'ainsi le chef poursuivi ne constitue aucune infraction à la loi pénale ». Le chauffard est relaxé.
Un premier pourvoi est formé par le Procureur Général qui contestait cette relaxe du fait que l'enfant n'avait pas respiré lors de sa naissance prématurée alors que la loi n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître. Un second pourvoi est formé, cette fois par le mère de l'enfant qui soutenait que l'enfant était mort en raison de l'accident et qu'il n'avait pas respiré fauter d'air dans ses poumons à la naissance.
La question qui se posait donc à l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation etait de savoir si l'atteinte involontaire au fœtus pouvait être punie, selon les dispositions de l'article 226-1 du Code Pénal, du chef d'homicide involontaire. Autrement dit, la Cour de Cassation devait préciser si le fœtus etait protégé pénalement contre les atteintes involontaires.
Dans une formulation des plus elliptiques et concises, la Haute Juridiction rejette les pourvois au motif que « le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ». Se trouve donc confirmée la jurisprudence récente rendue par la Chambre Criminelle le 30 juin 1999 (Arrêt Golfier).
La formulation du dispositif de l'arrêt lie l'article 226-1 à l'existence de personnalité juridique chez la victime. Cette solution suppose que le fœtus ne soit pas une personne et qu'ainsi, le principe de la légalité s'oppose à l'extension de la protection des personnes à une non-personne (une chose).
C'est pour cela que, pour étudier cet arrêt, il faut se demander au préalable quel est le statut (ou régime) juridique du fœtus (I) pour ensuite voir que l'application du principe d'interprétation stricte de la loi pénale dépend de cette qualification (II).
[...] Cet arrêt revêt une importance particulière : il est rendu par la formation la plus solennelle de la Cour de Cassation et quoiqu'on en dise, une force prétorienne particulière. La solution est donc désormais définitive : le fœtus n'est pas une personne, mais, comme le dit de façon provocatrice le Professeur Rassat, une chose au regard du droit pénal. Allant même plus loin, ce même Professeur indique que le fœtus ne bénéficie d'aucun statut mais d'un régime, comme les choses. [...]
[...] Or en l'espèce, l'intention du législateur n'était pas d'exclure de la protection pénale l'enfant à naître (au lieu autrui il y aurait eu personne Ceci montre bien que ce fondement est donc sinon artificiel, du moins injustifié. La Cour de Cassation a opté pour ce fondement dans un but de politique et d'architecture juridiques. L'on peut espérer l'émergence d'une nouvelle notion de droit à cote de la personnalité juridique. B. Un souci d'architecture juridique La Cour de Cassation a choisi ce fondement dans un but de politique et d'architecture juridique. En effet, le fœtus a un régime juridique particulier : c'est celui de l'IVG. [...]
[...] Au lieu de cela, la Cour de Cassation a préféré se ranger derrière l'article 111-4 du Code Pénal (interprétation stricte de la loi pénale) qui apparaît comme le véritable fondement de la décision étudiée. II. Interprétation stricte ou restrictive de la loi pénale ? Dans sa rédaction elliptique, la Cour de Cassation donne comme fondement à sa décision le respect de l'interprétation stricte de la loi pénale se bornant ainsi à protéger les seules personnes» et ce pour des raisons contestables d'architecture juridique(B). A. [...]
[...] Pour lui, il vaut mieux s'atteler à définir les termes de l'article en lui-même que de recenser les titres des chapitres, sections et paragraphes du Code. Quand bien même l'on attacherait à cela une quelconque importance, le terme personne n'exclut pas de facto l'enfant à naître) comme le fœtus n'est pas une personne (incertitude légale, jurisprudentielle et doctrinale), il ne peut être victime d'une atteinte involontaire et entrer du même coup sous la protection de l'article 226-1. Alors que le bon raisonnement aurait pu être le suivant : l'article 226-1 vise à protéger autrui, c'est à dire l'Etre Humain dans sa vérité biologique (Doyen Carbonnier), le fœtus est un Etre en devenir, il peut donc bénéficier de la protection pénale. [...]
[...] Dans les deux matières, la situation est confuse. En effet, en droit civil, la doctrine se partage sur le point de savoir si l'embryon est une personne ou un amas de cellules ou bien encore une personne en devenir. Des indices vont dans les deux sens : par exemple, en droit des successions, la capacité d'un fœtus viable à hériter pourrait faire pencher la balance vers le critère de viabilité, d'un autre côté, un amendement visant à déclarer l'embryon comme personne dès le commencement de la vie a été refusé lors de l'élaboration des lois dites bioéthiques. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture