La nécessité d'un élément légal pour l'existence d'une infraction entraine comme conséquence, l'impossibilité d'appliquer une loi pénale nouvelle à des faits antérieurs à sa promulgation ou à sa date d'entrée en vigueur. C'est la question de l'application de la loi pénale dans le temps. À ce principe, la doctrine a toutefois dégagé en la rétroactivité in mitius, une exception, dont cet arrêt est justement une parfaite illustration.
Un homme a été condamné pour escroquerie, abus de confiance, faux en écriture de commerce et abus de biens sociaux. Il a notamment été condamné à dix ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale en application de l'article 4 de la loi du 30 aout 1947. Il a alors formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 2 avril 1992. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi dans un arrêt du 15 mars 1993. Le demandeur au pourvoi a alors saisi la Cour européenne des droits de l'homme au motif que sa cause n'avait pas été entendue de manière équitable par la Cour de cassation. La CEDH a rendu un arrêt, en faveur du requérant, le 31 mars 1998.
[...] Ainsi en vertu du principe de rétroactivité des lois pénales plus douces et de leur application aux infractions n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, il y a lieu d'annuler l'arrêt en ce qu'il a prononcé la peine de dix ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale alors que l'article 131-27 du nouveau Code pénal, établit que cette interdiction ne peut dépasser une durée de cinq ans. La Cour de cassation annule ainsi l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles dix ans plus tôt, et ce sans renvoi. [...]
[...] En relevant d'office le moyen de l'application rétroactive in mitius, la Cour montre son attachement à ce principe essentiel en droit pénal. En effet alors qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'appliquer ce principe en 1993, elle l'applique ici de sa propre initiative. Elle ne profite pas du fait que le prévenu n'a pas présenté ce moyen dans son pourvoi pour éviter de l'appliquer. Elle montre au contraire qu'elle est attachée au respect de ce principe et déterminée à faire bénéficier le prévenu de la loi nouvelle favorable. [...]
[...] Il n'y avait donc aucune application possible du principe de rétroactivité des lois pénales plus douces en faveur du prévenu et ce dernier faisait l'objet d'une condamnation définitive. Pourtant la CEDH a permis au prévenu de tenter à nouveau sa chance. En effet après avoir formé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, cette dernière a condamné la France pour non-respect de l'article 6 de la CEDH. Il a alors demandé à ce que son moyen soit de nouveau examiné par la Cour de cassation. [...]
[...] L'exception la plus importante au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale nouvelle tient au caractère plus doux de la loi pénale de fond. La rétroactivité in mitius de la loi pénale ne joue que si l'infraction est commise avant l'entrée en vigueur de la loi et à condition que l'infraction n'ait pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée. La rétroactivité s'applique par conséquent en cause d'appel et devant la Cour de cassation puisqu'un jugement est passé en force de chose jugée quand il n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif, or en matière pénale, le pourvoi en cassation est suspensif. [...]
[...] La cour a toutefois considéré que la loi de 1994 était plus douce, car elle réduisait la peine temporaire, d'une durée minimum de 5 ans à une durée maximum de 5 ans, et a donc appliqué la rétroactivité in mitius, faisant ainsi comme si l'entrée en vigueur du Code pénal nouveau avec son article 131-27 abrogeait implicitement la durée prévue par la loi de 1947. Pourtant l'article du 30 aout 1947 prévoyait les modalités des peines accessoires d'interdictions d'exercer une profession commerciale. En revanche l'article 131-27 (al qui est cité par la Cour de cassation s'applique aux peines complémentaires d'interdiction. [...]
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