Commentaire d'arrêt, Assemblée plénière, Cour de cassation, 15 avril 2011, réforme de la garde à vue, procès équitable, CESDH, assistance d'un avocat
Le droit au procès équitable est un droit fondamental prévu à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) qui doit être respecté par les États adhérents dans toutes les phases de la procédure pénale, de l'enquête au jugement. Il a connu une récente évolution dans le sens d'une augmentation de ses éléments constitutifs impulsée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Désormais, pour être conforme à l'article 6, la GAV doit permettre l'assistance d'un avocat pour le garder à vue et la notification du droit au silence. Toutefois, cette nouveauté pose des problèmes d'entrée en vigueur dans certains pays. Tel en a été le cas en France.
Les juges de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation ont alors dû se prononcer sur la question à l'occasion de l'arrêt du 15 avril 2011.
En l'espèce, il s'agissait d'une femme de nationalité étrangère placée en garde à vue pour défaut de situation régulière. Elle avait demandé à s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure, mais n'a eu accès à cet avocat que deux heures et quarante minutes après le début du placement alors même que les interrogatoires par les fonctionnaires de police avaient débuté.
[...] C'est là une illustration des limites de la hiérarchie des normes telle qu'on la conçoit aujourd'hui. L'objectif de la Cour de cassation serait alors de préserver la sécurité juridique et la bonne administration de la justice en répondant à la non- conventionalité de l'article 63-4, mais cela va avoir l'effet inverse. B. Un revirement aux conséquences préjudiciables Cette décision de la Cour de cassation tout comme les trois autres rendues le même jour viennent toutes annuler des GAV qui se sont déroulées antérieurement à la réforme. [...]
[...] De plus, on peut penser que cette prise de décision de la part de la Cour de cassation, si elle se réitère, va affaiblir le rôle de la QPC comme l'affirment certains auteurs tels que Jean-Pierre MARGUENAUD. Ce dernier considère que dans le cas d'une jurisprudence de la Cour qui viendrait contredire la loi, il ne serait plus nécessaire de recourir d'urgence à la QPC pour empêcher l'application d'une loi inconventionnelle puisque les juridictions judiciaires auront dû respecter sans attendre la CEDH. [...]
[...] C'est pourquoi cette décision de faire prévaloir le droit de la CESDH en opérant en conséquence un contrôle de conventionalité du droit commun de la GAV est une décision surprenante. Pour se faire, les juges vont reprendre la solution retenue par la chambre criminelle dans l'arrêt du 19 octobre 2010 et ils vont déclarer l'inconventionalité de l'article 63-4 au motif que le droit au procès équitable ne peut être effectif si la personne placée en GAV ne peut pas bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires. [...]
[...] Son rôle n'est donc pas de décider de la règlementation qui doit entrer en vigueur. Or ici, la Cour de cassation va se substituer au législateur d'abord en décidant l'applicabilité directe et immédiate des arrêts rendus par la CEDH contre d'autres États ensuite en anticipant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, et ce de manière rétroactive A. L'application immédiate de la jurisprudence de la CEDH consacrant l'assistance de l'avocat La question de la GAV est une question qui a été soulevée à de nombreuses reprises dans plusieurs pays adhérents à la CESDH et qui a entrainé la saisine puis la condamnation de certains États par la CEDH pour non-respect de l'article 6 de la CESDH qui garantit le droit à un procès équitable. [...]
[...] Ce revirement de jurisprudence va dans un second temps être complété par sa décision rendue dans l'affaire DAYANAN contre Turquie du 13 octobre 2009. La Cour vient préciser que l'assistance de l'avocat doit intervenir dès le moment du placement en GAV ou en détention provisoire, et que cela constitue un élément fondamental du procès équitable même si la loi nationale en vigueur de l'époque ne le prévoyait pas. Elle ajoute également que cela est valable pour toutes les infractions sans distinction selon la nature de celles-ci. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture