L'affaire Pessino pose, à nouveau, le problème de l'interprétation stricte de la loi et relance le débat de la rétroactivité des revirements de jurisprudence en France. Problème auquel la Cour de cassation a du répondre à cette question, une deuxième fois, dans son arrêt d'Assemblée plénière en date du 13 février 2009.
Une SCI avait obtenu un permis de construire en vue d'édifier un hôtel à Cannes. Sur une action d'une association de défense, le sursis à exécution du permis fut prononcé par le tribunal administratif de Lyon dans un arrêt du 11 octobre 1993, puis réaffirmé dans un arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 29 mars 1994. Le gérant, bien qu'il ait été averti de ces décisions, continua les travaux entre le 25 octobre et le 16 novembre 1993. Le Tribunal de grande instance de Grasse, dans un arrêt du 9 février 2000 déclara le requérant coupable d'avoir exécuté des travaux de gros oeuvre en dépit d'une décision ordonnant le sursis à exécution ; il fut condamné à payer une amende de 228.674 euros et la démolition des travaux fut ordonnée. En appel, dans un arrêt du 3 juillet 2001 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, les faits furent requalifiés au cours des débats en délit d'exécution de travaux sans permis de construire préalable, prévu et réprimé par le Code de l'urbanisme, le gérant de l'hôtel est alors condamné à 1500000 Francs d'amende et à la remise en état des lieux sous astreinte. Le requérant se pourvoit en cassation, faisant valoir que le fait de continuer des travaux entrepris malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à exécution du permis de construire ne constituait pas une infraction pénale. La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta son pourvoi le 6 mai 2002. Le gérant décide alors se faire prévaloir ses droits devant la Cour européenne des droits de l'homme en alléguant que les faits lui étant reprochés « ne constituaient pas une infraction au moment de leur commission et que seul un revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation leur avait rétroactivement conféré le caractère de délit ».
[...] C'est sur cet article que la CEDH s'est fondée lors de sa décision du 10 octobre 2006 (affaire Pessino). Elle en effet, condamné la France pour violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. La France a donc été condamnée par la juridiction des droits de l'homme. Nous allons maintenant nous interroger à la raison de cette condamnation et au principe de prévisibilité de la jurisprudence. B. La prévisibilité de la jurisprudence Dans son arrêt de la du 6 mai 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassa6on avait rejeté le pourvoi et s'était donc alignée sur la posi6on de la Cour d'appel. [...]
[...] En hypothèse, les juridic6ons de droit interne ne sont pas dans l'obliga6on de respecter la décision de la CEDH mais, dans les faits, ceIe affirma6on n'est pas exacte. La CEDH a en effet le pouvoir de condamner l'Etat membre lorsque celui-‐ci ne respecte pas la Conven6on de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Les juridic6ons des Etats membres ont donc tout intérêt à suivre l'avis de la CEDH si elles ne veulent pas subir de condamna6ons pécuniaires. Le revirement de jurisprudence opéré par l'assemblée plénière de la Cour de cassa6on n'apparait donc pas comme étant autonome. [...]
[...] Après que l'affaire ait été rejetée par la chambre criminelle de la Cour de cassa6on, le gérant de l'hôtel a cherché à faire valoir ses droits devant la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui a conduit au réexamen de l'affaire par l'assemblée plénière de la Cour de cassa6on. II. Un revirement jurispruden6el Nous allons nous interroger à l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le droit posi6f français puis nous nous intéresserons à la qualité du revirement jurispruden6el opéré par la Cour de cassa6on A. [...]
[...] Pour la Cour européenne des droits de l'homme, cela était cons6tu6f d'une viola6on de l'ar6cle 7 de la Conven6on ; elle a affirmé, dans son arrêt du 10 octobre 2006, que l'ar6cle 7 de la Conven6on interdit que le droit pénal soit interprété extensivement au détriment de l'accusé, par exemple par analogie Beccaria a écrit que Les juges des crimes ne peuvent avoir le droit d'interpréter largement la loi pénale, pour la seule raison qu'ils ne sont pas législateurs En effet, il existe un effet pervers à la non-‐applica6on du principe d'interpréta6on stricte de la loi pénale. La doctrine constate que le principe de légalité criminelle est en déclin depuis plusieurs années. Cela va, de plus, à l'encontre du principe de prévisibilité des interpréta6ons jurispruden6elles. En droit pénal, les citoyens sont censés savoir avant de commeIre un acte si cet acte est suscep6ble d'être incriminé et quelles sont les peines encourues. [...]
[...] L'assemblée plénière de la Cour de cassa6on, qui est la forma6on supérieure de la Cour de cassa6on, se trouve donc réunie pour juger de ceIe affaire. Le juge judiciaire opérer un raisonnement par analogie pour déterminer une infrac6on pénale ? Les juges judiciaires sont censés se soumeIre à un principe de légalité pénale ce qui nous amène au revirement jurispruden6el opéré par la Cour de cassa6on dans l'arrêt présenté en commentaire (II). I. L'affirma6on du principe de légalité criminelle Le principe de légalité criminelle est composé de plusieurs éléments, et notamment certains corollaires tels que l'interpréta6on stricte de la loi pénale ainsi qu'un principe de prévisibilité de la jurisprudence A. [...]
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