« La faute caractérisée est une création de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. L'alinéa 4 de l'article 121-3 du code pénal fait référence à cette nouvelle faute pénale, catégorie à laquelle appartiennent déjà la faute simple et la faute délibérée » (Ponseille). L'affaire traitée par la chambre criminelle de la cour de cassation le 5 octobre 2004 concerne ce nouveau type de faute consacré par la loi de 2000.
En effet, le 8 juillet 2000 à Cornillon-Confoux, un feu s'est déclaré au cours du moissonnage d'un champ de blé au moyen d'une moissonneuse batteuse conduite par un salarié d'Olivier X, locataire de la machine en crédit-bail. En raison de la sécheresse, et du vent fort, le feu s'est propagé et a nécessité l'intervention de 600 pompiers parmi lesquels deux d'entre eux ont trouvé la mort ce jour là. Olivier X est alors poursuivi du chef d'homicide involontaire sur la personne d'Olivier Y et de Pierre B.
[...] Il avait poursuivi l'exploitation illicite jusqu'au 2 juin 1987, date de l'accident, sans alerter sa hiérarchie de la situation illégale. Dans un arrêt du 21 décembre 2000, la Cour d'appel de Lyon a considéré qu'il avait contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, et ce au titre d'une double faute. Une faute délibérée d'abord, pour ne pas avoir respecté les dispositions relatives aux installations classées soumettant à autorisation la fabrication des matières dangereuses. Une faute caractérisée ensuite, en faisant exécuter des travaux nécessitant l'emploi d'outils électriques, tels que meuleuses et chalumeaux, tout en poursuivant l'exploitation du produit à l'origine de l'accident, ce qui avait exposé les deux victimes à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer du fait de sa qualité de professionnel et de sa formation d'ingénieur. [...]
[...] Ainsi, c'est parce que l'incendie, provoqué par le dysfonctionnement de l'engin, a bien eu lieu qu'il est bien prouvé que le prévenu a eu la volonté de passer outre ce risque. Dans le même sens de cet arrêt, concernant l'établissement de la connaissance du risque au regard des compétences professionnelles du prévenu : suite à un incendie dans un site très exposé d'une société pétrolière, deux salariés furent mortellement blessés. Le chef d'établissement fut poursuivi et condamné. L'incendie avait été provoqué par l'inflammation d'un produit dangereux dont la fabrication n'était plus couverte par une autorisation valable depuis le 12 mars 1987. [...]
[...] Une telle exigence n'est pas requise pour la faute caractérisée. Ainsi, il n'y a aucun texte législatif, réglementaire qui réprime le fait de ne pas faire contrôler le moteur d'une moissonneuse-batteuse auprès d'un concessionnaire. De même que ni la loi ni le règlement ne prohibent expressément l'utilisation d'une moissonneuse-batteuse [ . ] par un vent supérieur à 40 km C'est d'ailleurs un autre moyen du pourvoi formé par le prévenu. Bien qu'il n'y ait aucun texte législatif ou réglementaire, les juges ont pu déclarer le prévenu coupable d'homicide involontaire sur le fondement de la faute caractérisée. [...]
[...] A ce sujet, la cour d'appel relève que concernant la faute caractérisée du dysfonctionnement de la machine, le prévenu avait à sa disposition une notice technique. Ainsi, comme le prévoyait la notice technique en possession du prévenu un contrôle de la moissonneuse- batteuse devait être effectué au bout de 1000 heures de service. En l'espèce, le compteur de la moissonneuse révélait une utilisation de celle- ci depuis 1173 heures. Etant donné donc, non pas une disposition législative, mais une disposition textuelle tout de même, à savoir la notice de la machine, le prévenu s'est abstenu de faire de contrôle du moteur en toute connaissance de cause Concernant la seconde faute caractérisée que relève les juges du fond, à savoir l'utilisation de la machine en période de sécheresse et par vent fort, les juges présument également une connaissance du risque et donc la volonté de passer outre. [...]
[...] La question susceptible d'être posée dans cet arrêt est de savoir si un individu propriétaire d'une machine qui n'a pas respecté les indications d'entretien prescrites par la notice technique, et qui de plus fait utiliser cet engin par un employé en période de sécheresse et de vent fort peut voir engager sa responsabilité pénale lorsqu' un incendie se déclare des suites d'un mauvais fonctionnement de cette machine et provoque la mort de deux personnes ? Le 5 octobre 2004, la chambre criminelle de la cour de cassation rejette le pourvoi formé par X. [...]
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