Pour que les juridictions françaises puissent connaître une affaire il faut, en principe, que l'infraction ait été commise sur le territoire de la République. Mais face à la structure complexe de certaines infractions ainsi qu'au développement de la criminalité transnationale, et pour lutter contre le risque d'impunité, le législateur a dû mettre en place un véritable « arsenal répressif » donnant, sous certaines conditions, compétence à la loi française.
Suite à la découverte à Louvain au domicile de Cornélius Y, de nationalité belge, d'oeuvres d'art volées en France entre 1960 et 1978, le procureur de la République de Limoges se saisit de l'affaire et par un réquisitoire introductif ouvre une information judiciaire des chefs de recels de vols aggravés, donnant ainsi compétence aux autorités françaises et à la loi française en vertu de la règle de l'unité des compétences législative et juridictionnelle.
La Cour d'appel de Limoges rejette le déclinatoire de compétence soulevé par les prévenus et confirme la solution rendue par la chambre de l'instruction, donnant ainsi compétence aux juridictions françaises et à la loi française.
Selon l'article 113-2 du Code pénal, pour que la loi française soit compétente par application du principe de territorialité, il faut qu'au moins un des éléments constitutifs de l'infraction réputée commise sur le territoire de la République, ait lieu sur ce dernier. Or en l'espèce il résulte des investigations que les vols qualifiés d'éléments constitutifs par la Cour d'appel ont été commis en France. Les autorités françaises sont donc compétentes pour connaître de cette affaire.
[...] Cette interprétation n'est cependant pas exempte de toutes critiques. Le risque de dénaturation de l'infraction d'origine : l'utilité du délit de vol absorbé par celui de recel ? L'argumentation du pourvoi insiste sur la nécessité de distinguer les infractions de vol et de recel qui constituent des délits autonomes. En effet selon le pourvoi, si le vol peut constituer une infraction préalable, il ne saurait être un élément constitutif du délit de recel permettant d'en déduire systématiquement, sans en rapporter la preuve, la volonté de receler la chose volée sans porter atteinte aux articles 113-2, 321-1 et 111-3 du Code pénal. [...]
[...] La cour ne répond pas à cette argumentation préférant donner la compétence à la loi française et confirme ainsi une jurisprudence constante. En effet en matière notamment de recel, elle avait admis dès 1986 que la prise de possession en France d'objets en provenance frauduleuse, réalisée par l'intermédiaire de tiers agissant pour le compte d'un étranger résidant hors du territoire national, caractérise l'élément matériel constitutif du délit de recel justifiant la compétence de la juridiction répressive française En l'espèce, d'une part l'auteur du recel se distingue de l'auteur du vol et d'autre part, la preuve de l'appréhension matérielle, par la détention des oeuvres d'art volées, est caractérisée. [...]
[...] En d'autres termes et même s'il n'est pas prouvé de manière certaine que le recel des objets ait eu lieu en France, elle assimile l'infraction de recel commise en l'espèce, à une infraction de recel qui aurait été commise dans tous ses éléments constitutifs en France à partir du moment où l'un d'entre eux, l'élément matériel, a été réalisé sur ce même territoire. Ainsi d'une part, le caractère continu de l'infraction de recel ne permet pas de rejeter l'éventualité du recel commis en France même si, selon les arguments du pourvoi, aucune preuve de ce dernier n'est rapportée en l'espèce. D'autre part, selon le raisonnement de la Cour d'appel, peu importe que le recel ait été commis en France ou à l'étranger, puisque la preuve des vols commis en France est rapportée. [...]
[...] Pour une illustration négative de l'extension de la compétence de la loi française par indivisibilité contrairement à ce que soutenait la partie civile, v. Cass. crim nov : Bull. crim. n°274 ; RSC note Vermelle ; Dr. pén (2e esp.), obs. Maron. M. Segonds, Le principe de territorialité à l'épreuve passée, présente et future du délit de recel, JCP2008, II 10047. [...]
[...] L'infraction de recel est donc bien réputée commise sur le territoire de la République ce qui justifie l'intervention des autorités françaises et l'application de la loi pénale française[2]. Cette solution ne va pas sans rappeler un arrêt[3] dans lequel un prévenu était poursuivi pour recel de pièces détachées détournées au préjudice d'une entreprise française dont les objets provenaient. L'intéressé de nationalité italienne et résidant en Italie s'était contenté de passer commande par téléphone et télex sans ne s'être jamais rendu sur le territoire de la République. [...]
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