En matière pénale, le juge doit procéder à la qualification de l'infraction relative au litige. Pour cela, il doit déterminer l'élément légal qui lui correspond. Néanmoins, se posent parfois certains problèmes et notamment celui du conflit de lois dans le temps. Comme l'analyse le doyen Roubier, on parlera de situation juridique en cours lorsque la situation est née avant l'entrée en vigueur d'un texte et dont les effets se poursuivent après la promulgation d'un texte nouveau. La situation juridique est en cours jusqu'au jugement.
La cour de cassation, chambre criminelle du 26 janvier 2005 est amenée à se prononcer sur ce domaine.
En l'espèce, Mr Claude X, chef de parc à la DDE du Jura, passe, en 1995, un marché d'une valeur supérieure à 300 000 francs, sans recourir à une mise en concurrence, par le biais d'un fractionnement des commandes à une société prête-nom et permet ainsi à la société USMO d'avoir un avantage injustifié au sens de l'article 432-14 du Code pénal. Le 7 mars 2001, un décret d'application plus doux, puisqu'il prévoit « que les marchés publics peuvent être passés sans formalité préalable lorsque le seuil ne dépasse pas 90 000 euros », portant code des marchés publics est édicté. Il entre en vigueur, dans le code des marchés publics, le 8 septembre 2001. Les faits relatifs au litige ont été commis avant l'entrée en vigueur du texte, mais le jugement intervient après celle-ci.
Mr X est alors poursuivi pour le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics sur le fondement de l'article 432-14 du Code pénal.
Le problème qui s'est posé aux juges était le suivant :
Le principe de rétroactivité in mitius peut-il être appliqué à un décret d'application, pour des faits antérieurs à son entrée en vigueur, lorsque le texte légal de l'incrimination n'a pas été modifié ?
[...] Selon la jurisprudence constante, une telle rétroactivité n'est pas, dès lors que le texte n'a pas pour effet de retirer aux faits leur caractère punissable dès lors que le fait que le seuil de francs susvisé ait été porté à euros n'a pas eu pour effet de retirer aux faits poursuivis leur nature délictuelle Il s'agit du second argument retenu par la cour d'appel pour refuser la rétroactivité de l'article 28 du code des marchés publics. Cet argument est repris dans la décision de la cour de cassation. En effet, la cour de cassation retient que la procédure d'appel d'offres reste obligatoire. On entend par appel d'offres, la procédure de droit commun de passation des marchés publics excédant certains montants, soumise à publicité préalable, dans laquelle la personne choisit sans négociations avec les candidats, l'offre économiquement la plus avantageuse. [...]
[...] En ce sens, la défense de Mr X repose sur le fait que la non-rétroactivité l'article 28 du code des marchés publics résultant du décret du 7 mars 2001, qui donne un avantage au prévenu le prive d'un procès équitable. En lui appliquant l'article 432-14 du code pénal sans inclure la modification du décret, tel que la retenue la cour d'appel, le prive de ce droit fondamental. Mr X invoque également la violation de l'article 7 de la présente convention. [...]
[...] En effet, la personne poursuivie ne peut pas être condamnée sur le fondement d'une infraction qui n'existait pas au moment des faits. On retrouve l'idée de la légalité. En ce sens, en vertu de l'article 112-2 du Code pénal prévoyant que sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ; toutefois ces lois lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation prononcées pour des faits postérieurement à leur entrée en vigueur la chambre criminelle dans un arrêt du 24 mai 2006 a estimé qu'une loi plus sévère n'a pas d'effet rétroactif . [...]
[...] Cette non-application de la rétroactivité de la loi pénale plus douce pour ces matières est apparue dans une décision de la cour de cassation du 10 novembre 1970, qui s'est ensuite généralisée. Concernant les domaines voisins, on constate que les arrêts les plus significatifs ont été rendus en matière d'union douanière. Par exemple, La convention de Schengen a fait disparaître les frontières dans son espace. Une directive de 1991 prévoyait déjà que les frontières disparaîtraient en 1993. Ce qui laisse donc aux professionnels presque deux ans pour se préparer. [...]
[...] La Chambre Criminelle appuie son raisonnement sur le fondement des articles 6 et 7 de la CEDH, 112-1 et 432-14 du Code Pénal de l'annexe du décret du 7 mars et 593 du CPP. Attendu que la cour d'appel a écarté, à bon droit, l'application des dispositions de l'article 28 du Code des marchés publics résultant du décret du 7 mars 2001, ayant relevé le seuil au-delà duquel la procédure d'appel d'offres est obligatoire, dès lors, d'une part, que les faits ont été commis antérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, d'autre part, que le texte législatif, support légal de l'incrimination, n'a pas été modifié Lors d'un conflit de lois dans le temps, le principe est celui de l'application immédiate de la loi plus douce néanmoins celui-ci présente certaines limites (II). [...]
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