Le 5 octobre 1998, Pascale Y, enceinte de 8 mois est grièvement blessée dans un accident de la circulation impliquant Noëlle Y. Transférée à l'hôpital dans un état très grave, elle a subi une amputation de la jambe ainsi qu'une césarienne, vu son état de grossesse avancé. A 16 H 39, elle met au monde un garçon, prénommé Yoan, qui décède des blessures occasionnées par le choc à 17 H 39. Le 22 novembre 2001, le tribunal correctionnel de Nanterre statue sur les intérêts civils et déclare Noëlle Y coupable d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre et la condamne à un an d'emprisonnement avec sursis, 5000 francs d'amendes et 18 mois de suspension du permis de conduire. Le 30 janvier 2003, la Cour d'Appel de Versailles confirme cette condamnation. Un pourvoi est alors formé par le procureur Général près la Cour d'Appel de Versailles. Les visas concernent l'article 221-6 du Code pénal qui incrimine l'homicide involontaire, c'est-à-dire le fait de causer par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi la mort d'autrui. La question qui se pose est celle de la portée de cet article 221-6 : est-il applicable au cas de l'enfant qui, peu de temps après sa naissance, décède des suites de lésions subies dans le ventre de sa mère lors d'un choc provoqué par l'imprudence d'un tiers ?
Cet arrêt s'inscrit dans le cadre d'une jurisprudence assez restrictive, et controversée, qui n'admet pas facilement que l'incrimination d'homicide involontaire puisse être appliquée à un fœtus : elle adopte en effet une définition assez restreinte de la notion d' « autrui » mentionnée dans l'article 221-6. Comme nous le verrons, cette solution, qui s'explique par l'ambiguïté qui existe en droit quant au statut du fœtus, est critiquée par une large partie de la doctrine. L'apport de notre arrêt est alors de déterminer les cas où l'article 221-6 du Code pénal peut s'appliquer : nous verrons alors que la question cruciale est le degré d'autonomie atteint par le fœtus et du moment où le décès a été constaté, avant ou après sa naissance.
[...] Loin de contredire la Cour de cassation sur ce point, certains auteurs remettent en cause la pertinence même du critère de viabilité : en effet, pour nombre d'entre eux, la vie est un processus continu, et la viabilité est une notion contingente, qui dépend des cas d'espèce et qui évolue avec les progrès de la science. Il est impossible d'établir un seuil objectif au- delà duquel le fœtus, considéré comme viable, pourrait bénéficier de la protection du droit pénal. En outre, aucun texte ne parle de la viabilité comme d'une condition pour bénéficier d'une protection pénale. [...]
[...] Enfin dans certains Etats, aux Etats-Unis notamment, l'enfant conçu est pénalement protégé en tant que tel Etats des Etats-Unis accordant cette protection de la conception à la naissance (ce qui implique une interdiction de l'avortement). Les conventions internationales ne précisent pas ce qu'ils entendent par le terme de personne et si l'enfant conçu en fait partie. En droit interne, la situation est tout autant confuse : faut-il que l'enfant soit juridiquement reconnu pour qu'il puisse bénéficier de la protection pénale de l'article 221-6 ? Ou bien suffit-il qu'il soit biologiquement en vie, voire qu'il soit simplement viable ? [...]
[...] Le statut du foetus, commentaire de l'arrêt 03-82344 du 2 décembre 2003 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation Le 5 octobre 1998, Pascale enceinte de 8 mois est grièvement blessée dans un accident de la circulation impliquant Noëlle Y. Transférée à l'hôpital dans un état très grave, elle a subi une amputation de la jambe ainsi qu'une césarienne, vu son état de grossesse avancé. A 16 H 39, elle met au monde un garçon, prénommé Yoan, qui décède des blessures occasionnées par le choc à 17 H 39. [...]
[...] Cet arrêt s'inscrit dans le cadre d'une jurisprudence assez restrictive, et controversée, qui n'admet pas facilement que l'incrimination d'homicide involontaire puisse être appliquée à un fœtus : elle adopte en effet une définition assez restreinte de la notion d' autrui mentionnée dans l'article 221-6. Comme nous le verrons, cette solution, qui s'explique par l'ambiguïté qui existe en droit quant au statut du fœtus, est critiquée par une large partie de la doctrine. L'apport de notre arrêt est alors de déterminer les cas où l'article 221-6 du Code pénal peut s'appliquer : nous verrons alors que la question cruciale est le degré d'autonomie atteint par le fœtus et du moment où le décès a été constaté, avant ou après sa naissance. [...]
[...] Enfin, il semble illogique de ne pas réprimer l'atteinte involontaire à la vie du fœtus, alors qu'est réprimée l'atteinte à son intégrité : on en vient à la situation paradoxale où mieux vaut tuer accidentellement un fœtus que le blesser : aucune peine n'est encourue si l'atteinte est suffisamment grave pour causer la mort. II. Les cas d'application de l'article 221-6 : une détermination en fonction de la naissance et de la viabilité de l'enfant à naître ? La distinction selon le moment d'intervention du décès 1. [...]
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