Les infractions d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique requièrent un dommage, une faute, et un lien de causalité entre ce dommage et cette faute. La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 octobre 2004, a été amenée à apprécier la teneur de ces deux derniers éléments constitutifs.
Un automobiliste roulant à la vitesse autorisée, ébloui par le soleil, heurte un piéton se trouvant sur un passage protégé. La victime est atteinte de plaies superficielles et d'une fracture ayant nécessité une opération chirurgicale. Dix jours plus tard, la victime décède suite à une infection nosocomiale.
Les premiers juges, tout comme la Cour d'appel, condamnent l'automobiliste pour homicide involontaire et contravention au Code de la route. L'automobiliste forme un pourvoi en cassation. La Cour d'appel a relevé que l'automobiliste avait été ébloui par le soleil, mais qu'en ne cédant pas le passage au piéton, il avait créé la situation qui a permis la réalisation du dommage, et commis ainsi une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer.
L'automobiliste qui a heurté un piéton, décédé dix jours plus tard des suites d'une infection nosocomiale contractée lors de l'opération consécutive à cet accident, peut-il être condamné du chef d'homicide involontaire pour avoir commis une faute caractérisée, en relation indirecte avec le décès ?
[...] Le pourvoi note que l'automobiliste ne saurait être présumé avoir eu connaissance du risque d'être heurté encouru par un piéton engagé sur la chaussée dès lors qu'il n'était pas en mesure de l'apercevoir Il est très probable que la Cour de cassation, si elle avait retenu l'existence d'un lien de causalité, aurait été sensible à cet argument et aurait considéré que la faute aggravée n'était pas caractérisée. A titre de comparaison, la Cour de cassation, dans un arrêt de la Chambre criminelle du 4 juin 2002, a décidé qu'était fondée la relaxe d'un maire du chef d'homicide involontaire suite à la chute sur un enfant de la barre d'une cage mobile de gardien de but, alors qu'il n'était pas prouvé que le prévenu avait eu connaissance de la présence de telles cages sur un terrain municipal, par ailleurs équipé de cages fixes, et donc moins dangereuses. [...]
[...] La Cour de cassation, dans l'arrêt du 5 octobre 2004, censure l'interprétation des juges du fond quant à l'existence du lien de causalité entre le fait fautif de l'auteur de l'infraction, qui a heurté un piéton sur un passage protégé, et le décès de celui-ci des suites d'une infection nosocomiale. La Cour estime en effet que les juges du fond auraient dû rechercher si l'infection nosocomiale n'était pas le seul fait en relation de causalité avec le décès Il n'est pas requis du lien de causalité qu'il soit exclusif, un même dommage pouvant avoir plusieurs causes. [...]
[...] La Cour de cassation relève que le piéton ne souffrait que de trois plaies superficielles et d'une fracture, qui a nécessité l'intervention chirurgicale. La contraction d'une infection nosocomiale ne serait pas intervenue si l'automobiliste n'avait pas heurté le piéton, mais il existe une rupture du lien de causalité entre le fait fautif et le dommage. En effet, la cause exclusive du décès est la contamination par l'infection nosocomiale, ainsi que la Cour d'appel l'a elle-même relevé, et l'automobiliste n'a pu en aucun cas être à l'origine de cette contamination. [...]
[...] Là encore, la Cour de cassation n'a pas jugé nécessaire de se prononcer sur ce point, puisque le défaut de lien de causalité certain suffisait à écarter la responsabilité de l'automobiliste. Il est possible cependant, compte tenu des similitudes que les faits de l'espèce entretiennent avec ceux de l'arrêt de 1958 précité, que la Cour de cassation, si elle avait eu à se prononcer sur ce point, soit allée dans le sens du pourvoi. La solution de la Cour de cassation semble donc justifiée à de nombreux titres, non seulement en raison du motif soulevé par la Cour elle-même, que des moyens développés par le pourvoi et dont l'argumentation ne saurait laisser indifférent. [...]
[...] Dans le cadre de la causalité indirecte, il est indispensable que la faute de l'auteur de l'infraction soit une faute aggravée au sens de l'article 121-3 du Code pénal. L'article 121-3 énonce les deux types de fautes aggravées pouvant exister : il s'agit, d'une part, de la violation de façon manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, et d'autre part, de la faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur de l'infraction ne pouvait ignorer. [...]
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