Avec les accords de Londres et le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, ce crime contre l'humanité se trouvait sacralisé et enfin reconnu juridiquement et par écrit. Mais ces dispositions adoptent une définition restrictive du crime contre l'humanité surtout sur le plan historique. Les juridictions françaises qui ont eu à se prononcer sur la qualification de certains actes graves et inhumains en crime contre l'humanité, tout en se basant sur ces dispositions ont retenu cette définition restrictive et cet arrêt du 17 juin 2003 met parfaitement en exergue cette affirmation.
En effet, une personne a révélé avoir pratiqué ou ordonné de pratiquer sur une population civile des tortures et exécutions sommaires dans un livre. Une association a porté plainte et s'est constituée partie civile contre personne non dénommée pour crime contre l'humanité. La chambre d'accusation retient que les faits dénoncés ne peuvent être poursuivis sous la qualification de crime contre l'humanité et entrent dans les prévisions de la loi du 31 juillet 1968 portant amnistie. Cette chambre confirme ainsi l'ordonnance antérieure.
Un pourvoi en cassation a été formé. La question de droit qui est posée à la chambre criminelle de la Cour de cassation est celle de savoir dans quelle mesure est-il possible techniquement de qualifier de crime contre l'humanité des faits de tortures et d'exécutions sommaires intervenus durant la guerre d'Algérie?
[...] La Cour tout d'abord met en exergue le critère historique. Selon elle, les dispositions de la loi du 26 décembre 1964 et celles du Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du 8 aout 1945, ne concernent que les faits commis pour le compte des pays européens de l'Axe En matière de crime contre l'humanité, le renvoi se fait automatiquement vers le statut du tribunal de Nuremberg. Mais ce statut en son article 6 ne couvre que les actes commis par les puissances de l'Axe durant la Seconde Guerre mondiale. [...]
[...] En outre, elle explique que la coutume internationale ne saurait pallier l'absence de texte incriminant, sous la qualification de crime contre l'Humanité, les faits dénoncés par la partie civile Ce raisonnement est tout à fait justifié au regard du droit international. En premier lieu, les crimes contre l'humanité sont des crimes hors du commun et des crimes d'Etat. Et dans la société internationale qui est caractérisée par l'inexistence d'une hiérarchie, comme est dans une société de souverain, un Etat ne peut pas juger un autre. [...]
[...] La Cour de cassation aurait pu enfin combler le vide juridique qui pour le crime contre l'humanité subsiste entre 1945 et 1994. Elle lance au contraire clairement le message inverse, semblant verrouiller toute possibilité de poursuites pour cette période. La décision rendue dans l'affaire Aussaresses est un double rendez-vous manqué. Elle symbolise le tabou français sur la recherche et la répression des crimes commis en Algérie et au surplus elle illustre le conservatisme de ceux qui refusent de voir les évolutions récentes de la justice pénale internationale. [...]
[...] On fait primer la coutume sur la loi française Mais est- ce que la jurisprudence Kadhafi n'est pas remise en cause? La réponse est négative car on retient la solution inverse seulement en matière de crime contre l'humanité. Cette jurisprudence faisant primer le droit interne sur le droit international relatif aux crimes contre l'humanité est explicable. Le droit français est un droit écrit et le droit international est un droit coutumier. En droit international pénal, le crime contre l'humanité existe sous la forme d'une coutume dès les lendemains de la Première Guerre mondiale. [...]
[...] Or le crime contre l'humanité présente deux caractères. Un certain nombre d'éléments du droit international liés au crime contre l'humanité ont été pris en considération par le droit français mais son caractère coutumier est écarté. Et comme on est dans le domaine pénal, le principe de légalité des délits et des peines exige l'existence d'un texte régulière en fond et forme qui pose l'infraction mais n'admet pas la coutume. En droit français, du fait de la mise à l'écart de la coutume, les vides juridiques se multiplient. [...]
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