Au titre de l'escroquerie reposant sur des manœuvres frauduleuses, la Cour de cassation a été amenée à de nombreuses reprises à se prononcer sur des cas de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), notamment dans un arrêt de la Chambre criminelle du 14 novembre 2007.
En l'espèce, le dirigeant d'une société soumise à la TVA ne comptabilisait pas des factures au taux réduit de 5,5% et leur substituait des fausses factures au taux normal de 19,6%. La société mentionnait donc, dans la déclaration mensuelle, un montant déductible inexact, et sollicitait le remboursement des crédits de taxe ainsi constitués. Le dirigeant de la société fut poursuivi pour escroquerie. La Cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 23 mars 2007, le relaxe et déboute la partie civile de ses demandes. Le procureur général et l'Etat français, partie civile, forment un pourvoi en cassation.
Une déclaration fictive de TVA qui repose sur une comptabilité inexacte et destinée à donner lieu à des crédits indus est-elle constitutive d'une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d'escroquerie ?
[...] Mais la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dès un arrêt du 16 juin 1966, a décidé qu'il importait peu que le paiement des crédits indus intervienne par une telle compensation ou par un chèque ou virement. La remise ne faisant donc pas de doute, les crédits de taxe ayant bien été remboursés, il faut aussi s'interroger sur l'existence d'une tromperie. Il s'agit là de l'élément psychologique qui a amené le destinataire de l'acte frauduleux à ne pas se rendre compte des manœuvres dont il était victime. [...]
[...] En l'espèce, la Cour décide qu'il y a mise en scène, puisque le prévenu a truqué sa comptabilité puis demandé le remboursement de sommes indues. La solution de la Cour de cassation ainsi explicitée, il convient d'en analyser la portée, du point de vue de la jurisprudence antérieure mais aussi de l'application qui pourra en être faite dans le futur. II. Un arrêt de principe soulevant des difficultés d'application au regard des manœuvres frauduleuses Si l'arrêt du 14 novembre 2007 se situe dans la continuité de la jurisprudence antérieure, il ne va pas sans susciter quelques difficultés de mise en œuvre. [...]
[...] Une abstention est en effet incompatible avec le terme manœuvres La Chambre criminelle de la Cour de cassation l'a affirmé dans un arrêt du 5 juillet 1956. Dans l'arrêt du 14 novembre 2007, l'existence d'actes positifs ne fait aucun doute, puisque l'assujetti à la TVA a non seulement sciemment omis de comptabiliser des factures au taux réduit de mais leur en a substitué de fausses au taux de 19,6%. Ensuite, les manœuvres frauduleuses ne sauraient se réduire à de simples mensonges, et c'est en cela que l'arrêt du 14 novembre 2007 présente un particulier intérêt. [...]
[...] La Cour sanctionne ici l'établissement d'un circuit commercial fictif, dans le but de créer un crédit de taxe à la valeur ajoutée. Dans une telle hypothèse en effet, les manœuvres s'ajoutant au mensonge pour le corroborer sont évidentes, puisque des sociétés de façade ont été créées. De la même manière, la Cour a validé une condamnation pour escroquerie suite à l'organisation d'un circuit fictif de facturations, afin d'éluder le paiement d'une partie des taxes à la valeur ajoutée due par une société (Chambre criminelle octobre 1971). [...]
[...] La Chambre criminelle a affirmé cette solution dans un arrêt du 20 juillet 1960, et l'a confirmée ensuite à plusieurs reprises, comme dans un arrêt du 1er juin 2005 relatif à des chèques sans provision. Dans l'arrêt de principe du 14 novembre 2007, la haute juridiction casse l'arrêt de la Cour d'appel, estimant que constituent une mise en scène caractérisant les manœuvres frauduleuses visées par l'article 313-1 du Code pénal des demandes de paiement de crédits indus de TVA justifiées par des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires indiquant un montant fictif de taxe déductible sous le couvert d'une comptabilité inexacte, dissimulant le montant de la taxe effectivement décaissée Cette solution s'explique par le fait que le prévenu ne s'est pas contenté d'allégations mensongères formulées par écrit. [...]
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