Incriminé par l'article 314-1 du Code pénal (CP), l'abus de confiance sanctionne les détournements commis, notamment, dans le cadre contractuel suite à une inexécution relevant de la mauvaise foi ou d'une intention de nuire et portant sur une chose remise à titre précaire. Cette notion de « remise précaire » dans l'abus de confiance constitue une formule classique en vertu de laquelle, en principe, celui qui bénéficie de la remise n'a pas la libre disposition du bien, mais a seulement la détention à titre précaire. Le non-respect de cette exigence suscite de nombreux contentieux comme il a été le cas dans l'affaire portée devant la chambre criminelle de la cour de cassation le 14 février 2007.
En l'espèce, il s'agissait pour une banque (la BFC) de consentir un prêt immobilier à une cliente (Hélène X) ayant pour obligation contractuelle d'affecter les fonds remis à la construction de deux villas. L'emprunteuse ayant cessé de s'acquitter du montant de ses mensualités, la déchéance du terme a été prononcée et une procédure de saisie immobilière a été diligentée par la banque. Lors de cette dernière, il est apparu que la bénéficiaire des fonds n'avait fait construire qu'une seule maison, utilisant les fonds restants pour des besoins et opérations autres que ceux mentionnés au contrat et avait fait établir frauduleusement par l'architecte des situations de travaux mensongères la faisant échapper aux contrôles que la plaignante avait tenté de mettre en place. Suite à ces faits, la banque a attaqué l'emprunteuse devant la juridiction du premier degré du fait du délit d'abus de confiance mais les juges ont considéré ce délit comme purement civil, écartant ainsi la thèse de l'abus de confiance.
Pour apprécier si ces faits sont susceptibles de recevoir la qualification d'abus de confiance, il appartiendra aux juges de rechercher si le cadre dans lequel le bien prétendument détourné a été remis a opéré, ou non, un transfert de propriété de ce bien. Précisément, il s'agit de savoir si, le fait de prêter une somme d'argent, dans le cadre d'un prêt bancaire déterminant son affectation, entraine un transfert de propriété ou bien une simple remise précaire.
[...] En effet, la remise de la chose ne peut porter que sur des biens valeurs ou fonds, ce qui en l'espèce est le cas, car la chose remise consiste en une somme d'argent. Cette condition bien que respectée ne suffit pas dans la mesure où cette remise n'a pas été faite à titre précaire comme le demande la loi, mais a été l'objet d'un transfert de propriété au bénéfice de l'emprunteur. Ainsi, les manœuvres frauduleuses de l'emprunteur invoquées par la banque en ce qu'elle a fait établir frauduleusement par l'architecte des situations de travaux mensongères et a fait en sorte d'échapper aux contrôles que la plaignante tentait de mettre en place démontrent non pas une intention de détourner de l'argent, élément intentionnel du délit d'abus de confiance comme le suppose la banque, mais seulement la mauvaise foi dans l'exécution des obligations qui lui incombent en raison du contra de prêt qui la lie à la banque. [...]
[...] Par conséquent, et selon le principe rappelé par l'arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation le 19 septembre 2007, dan le cadre de l'abus de confiance seule la détention de la chose doit être transférée a un tiers et non pas la propriété et, dans la mesure où le remettant demeure propriétaire, le détenteur ne peut pas user librement de la chose remise à titre précaire, qu'il doit restituer au terme convenu. En revanche, lorsque la chose est remise en pleine propriété, comme c'est le cas en l'espèce, son utilisation est laissée à la libre disposition du propriétaire. Le transfert de propriété de la chose exclut donc l'abus de confiance, une des conditions essentielles de l'infraction faisant défaut : la remise à charge de restitution. [...]
[...] Ainsi désormais, en principe, il suffit de caractériser l'existence du contrat, quelle que soit sa qualification, pour que la condition soit satisfaite, la seule exclusion demeurant étant le contrat de vente. Cependant, certains contrats peuvent soulever des difficultés quant à la finalité de la chose remise et à son affectation et il existe toujours une certaine distinction concernant le prêt à usage et le prêt de consommation. En effet, il résulte des dispositions de l'article 1874 du code civil qu'il y a deux sortes de prêt : Celui des choses dont on peut user sans les détruire, appelé prêt à usage ou commodat et celui des choses qui se consomment par l'usage qu'on en fait appelé prêt de consommation A. [...]
[...] De cette qualification découle la notion de transfert de propriété. En effet, l'emprunteur dans le cadre d'un prêt de consommation, devient le propriétaire des sommes empruntées à charge pour lui de les rembourser conformément aux dispositions du contrat. Le prêt de consommation est exclu du domaine de l'abus de confiance, et ce, même si la convention indique que le prêteur a en vue une affectation déterminée des fonds prêtés. Or, la qualification d'abus de confiance avancée par la banque pour dénoncer le manquement de l'emprunteur à ses obligations de remboursement ne peut être retenue valablement. [...]
[...] -S'estimant victime d'une injustice, Hélène X forme alors un pourvoi contre la décision de la Cour d'appel mais sans respecter le délai de cinq jours imparti par le code de procédure pénale. Il est fait état dans les moyens de défense d'une part, du dépassement de ce délai, rendant irrecevable le pourvoi en cassation de la requérante et, d'autre part, du fait que, selon l'organisme bancaire, le non-respect de la destination des sommes prêtées, mentionnée dans le contrat, était constitutif d'un délit d'abus de confiance. [...]
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