En l'espèce, deux employés affectés à l'atelier de photocomposition d'une entreprise d'imprimerie ont réalisé des travaux personnels préalables à la constitution de leur propre société, en appréhendant 70 disquettes qui ont été entreposées au domicile personnel de l'un deux, qu'ils ont ensuite rapporté au siège de l'entreprise et en réalisant la reproduction des informations de 47 d'entre elles.
Les responsables de l'entreprise d'imprimerie assignent les deux employés pour vol. Les juges de première instance confirment leur demande. Les employés font appel. La cour d'appel les déboute de leur demande. Ils se pourvoient en cassation. La cour de cassation rejette les pourvois.
Les questions de droit qui se posent sont d'une part de savoir si l'information est un bien susceptible d'appropriation qui peut être volé. Et d'autre part si l'appréhension temporaire d'un objet appartenant à autrui peut être constitutive de vol.
[...] Aussi la jurisprudence antérieure à cet arrêt est peu claire et ne tranche pas la question de savoir si l'on peut voler un bien incorporel. Il faut aussi rapprocher l'arrêt du 12 janvier 1989, d'un arrêt de la chambre criminelle du 3 août 1912 qui considère que l'énergie peut être volée, ce qui est aujourd'hui consacré dans l'article 311-2 du Code pénal . Mais contrairement à l'énergie , l'information proprement dite n'a pas de valeur objectivement appréciable . Aussi la doctrine qui traditionnellement ne s'interrogeait pas de savoir si l'on pouvait voler un bien incorporel , a commencé à y débattre dans à la fin des années 70 et plus particulièrement dans les années 80 et La question qui se pose face à la décision de la cour de cassation est si celle-ci a pris réellement parti face à ce débat , autrement dit il faut s'interroger si la cour de cassation en prononçant un arrêt de rejet n'a pas voulu prendre position en faveur de la consécration du vol d'information Dans le cas où on interpréterait la décision de la cour de cassation comme étant pour la reconnaissance du vol de choses incorporelles , cela reviendrait à dire qu'elle reconnaît le vol de chose incorporelle et plus précisément le vol d'information en dehors de tout support matériel. [...]
[...] Postérieurement à cet arrêt , un arrêt de la chambre criminelle du 1er mars 1989 a semé également des doutes quant à savoir si la cour de cassation ne consacrait pas le vol d'information . La cour d'appel avait déclaré le prévenu coupable de vol concernant des biens incorporels qui étaient juridiquement de la propriété de l'entreprise , mais là encore la cour de cassation se contente de rejeter le pourvoi en considérant que les éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnels de l'infraction de vol ont été caractérisés. [...]
[...] Chambre criminelle de la Cour de cassation janvier 1989 - le vol d'informations L'article 311-1 du Code pénal définit le vol comme étant la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui l'article 379 de l'ancien Code pénal employait également le mot chose dans la définition du vol. Dès lors ce terme est de nature à engendrer quelques difficultés d'interprétation, car il donne l'impression d'un champ d'application extrêmement large. L'arrêt de la chambre criminelle du 12 janvier 1989 illustre ces difficultés : En l'espèce, deux employés affectés à l'atelier de photocomposition d'une entreprise d'imprimerie ont réalisé des travaux personnels préalables à la constitution de leur propre société, en appréhendant 70 disquettes qui ont été entreposées au domicile personnel de l'un deux, qu'ils ont ensuite rapporté au siège de l'entreprise et en réalisant la reproduction des informations de 47 d'entres elles. [...]
[...] II] la précision de l'intention frauduleuse Il faut voir en quoi la cour de cassation admet que l'appropriation temporaire de la chose est constitutive de vol ( puis d'apprécier en quoi cette solution vide de son contenu l'exigence d'un dol spécial ( A.l'admission de la soustraction temporaire de la chose La cour d'appel a donc déclaré les deux prévenus coupables de vol car ils ont soustrait des disquettes le temps nécessaire à la reproduction des informations . La cour de cassation rejette les pourvois en considérant que l'ensemble des éléments constitutifs des délits dont ils ont été reconnus coupables a été relevé par les juges du fond . La cour de cassation admet donc que les éléments tant matériels que moraux de l'infraction de vol sont constitués . [...]
[...] Et par la même il devient encore plus douteux que la chambre criminelle de la cour de cassation en rejetant les pourvois ait voulu implicitement le consacrer à son tour . Ainsi la décision de la cour de cassation bien qu'effectivement ambiguë et imprécise ne tranche pas le débat , et ne prend pas parti sur la question de savoir si l'information est une chose appropriable susceptible d'être volée . La solution de la cour de cassation est donc critiquable sur deux points : d'une part elle est peu claire et précise ce qui entraîne nécessairement des ambiguïtés quant à sa portée , d'où un débat qui s'engagea quand elle fut prononcée à l'époque entre ceux qui y voyaient une consécration du vol d'information et ceux qui y voyaient une portée plus limitée , d'autre part la cour de cassation en choisissant de ne pas prendre parti ne permet pas de clarifier la situation des biens incorporels quant au vol . [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture