Il existe en droit français, différentes mesures d'aménagement d'une peine possible. La suspension de peine, par exemple, est une mesure judiciaire permettant de reporter dans le temps l'exécution de la peine. Cette mesure a été récemment précisée par la loi du 4 mars 2002 qui créée la suspension médicale de peine, en plus de la suspension de droit commun.
La suspension médicale de peine peut être accordée à deux conditions. En effet, l'article 720-1-1 du code de procédure pénale pose «... pour les condamnés dont il est établi qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention... ». Cette suspension médicale de peine repose sur deux expertises concordantes, et provoque des difficultés d'application dans la pratique, comme en l'espèce qui nous occupe.
L'arrêt de la Chambre criminelle du 12 février 2003, statue sur une suspension médicale de peine par l'engagement d'un pronostic vital. En effet, Maurice Papon, reconnu coupable de complicité de crime contre l'humanité par un arrêt de la Cour d'assises de la Gironde du 2 avril 1998, est notamment condamné à dix ans de réclusion criminelle.
Ayant commencé à exécuter sa peine le 22 octobre 1999, il fait une première demande de suspension médicale de peine, auprès du juge de l'application des peines de Paris, qui l'a rejette par une décision du 3 juin 2002, sur le fondement de la loi du 4 mars 2002. Papon interjette appel. La Cour d'appel saisie suspend la peine privative de liberté, et astreint le condamné à l'obligation d'établir sa résidence à Gretz-Armainvilliers, ainsi qu'à tenir le juge de l'application des peines de Melun informé de toute modification de son lieu de résidence ou d'hospitalisation. Ainsi la Cour d'appel se base sur le rapport des deux expertises concordantes disant que son état de santé « présente un faisceau de pathologies engageant le pronostic vital » et qu'il est « durablement incompatible avec la détention ». De plus, la Cour d'appel se prononce en affirmant que cette mesure n'est pas de nature à troubler l'ordre public.
La Chambre criminelle saisie d'un pourvoi formé par le Procureur général près la Cour d'appel de Paris, doit se prononcer sur le fait de savoir si la décision de la Cour d'appel de Paris était légalement fondée. Le Procureur général invoque le fait que la Cour d'appel n'a pas examiné le risque pour l'ordre public causé par cette décision, et ce au vu de l'existence d'éléments extérieurs à la personne de Papon, « au regard de la gravité et du retentissement d'une condamnation prononcée
[...] Elle explique que l'une comme l'autre sont destinées à permettre de vérifier que les conditions fixées par l'article 720-1-1 alinéa 1 du code de procédure pénale demeurent remplies Ainsi, ces mesures sont imposées au condamné pour contrôler ses actes une fois libéré, et pour pouvoir notamment savoir où il se trouve pour réaliser de nouvelles expertises ou des actes de surveillance. Tout cela est nécessaire pour vérifier que son état de santé justifie toujours la suspension médicale de peine. Même si nous pouvons considérer que la mesure de fixation de résidence ou d'hospitalisation est assez souple car elle peut être choisie par le condamné, elle est nécessaire, et peut dans certains cas être fixée d'office par le juge dans les limites territoriales déterminées par lui- même. [...]
[...] La Chambre criminelle ne reprend donc pas l'une des conditions fixées par la Cour d'appel de Paris et par la jurisprudence antérieure, qui consistait en ce que la suspension médicale de peine soit un risque pour l'ordre public. En effet, la Cour d'appel rappelait l'âge et l'état de santé du condamné pour conclure que sa libération ne pouvait pas troubler l'ordre public. Cependant, la Chambre criminelle exclut toute référence à la dangerosité du condamné ou à un possible trouble à l'ordre public. [...]
[...] Mais la Chambre criminelle a préféré ne pas prendre en compte la condition jurisprudentielle, en se tenant à la lettre de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale. On peut s'interroger sur les raisons qui l'ont poussé à juger ainsi. B - Une possible remise en cause d'une jurisprudence constante : l'abandon de la condition de dangerosité du condamné Une première interprétation pourrait amener à dire que les juges ne prennent en compte que l'aspect de sécurité publique dans la notion d'ordre public, car c'est l'un de leur objectif en tant que juridiction d'application des peines. [...]
[...] De plus, alors que le législateur a écarté cela, cet arrêt pourrait initier l'utilisation de voies de recours concernant les obligations imposées aux condamnés, en acceptant de se prononcer sur cette éventuelle contradiction. Il faut également noter que la Chambre criminelle a reconnu une base légale à l'utilisation de ces mesures. B - La légalité des mesures de contrôle Le juge détermine les obligations et mesures imposées à Papon par l'application de l'article D. 147-2 du code de procédure pénale. En effet, le décret d'application du 26 avril 2002 précise les modalités de la loi du 4 mars 2002. [...]
[...] En effet, dans son attendu, la Chambre criminelle précise les conditions relatives à l'état de santé du condamné qui sont nécessaires pour la suspension médicale de peine, et exclut toute condition relative à la dangerosité du sujet ainsi que celle relative à un éventuel trouble à l'ordre public. De plus, pour exclure la notion d'ordre public, la Cour se réfère à ces deux aspects, quand elle parle de la nature des infractions sanctionnées elle renvoie à la dangerosité du condamné, donc à la sécurité publique. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture