La torture (l'activité consistant à produire une souffrance intense ou longue, psychologique ou physique, en évitant ou du moins en retardant la mort) existe au moins depuis l'antiquité et a probablement toujours été utilisé. Ainsi, Au Moyen Âge et jusqu'au 18ème siècle en Europe, on la considérait comme un moyen légitime d'obtenir des aveux ou des informations de la part des suspects, informations utilisées au cours du procès. Elle est maintenant interdite par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987) et la troisième Convention de Genève.
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a également fait face à ce traitement inhumain. L'article 3 dispose que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Sur le plan interne français, le Code pénal ne se réfère pas directement aux « traitements inhumains ou dégradants », mais préfère la notion « d'actes de barbarie », qui ne sont pas distingués de la torture (art. 222-1 et 222-6 NPC). Ils ne donnent lieu à aucune définition spécifique et sont passibles des mêmes peines. L'amalgame ainsi créé a conduit le juge à se fonder le plus souvent sur l'article 3 de la CEDH. L'arrêt rapporté ici traite ce point en précisant que l'isolement en prison d'un terroriste ne constitue pas un traitement inhumain et dégradant, mais viole l'article 13 (recours effectif devant une instance nationale).
En l'espèce, le requérant Ramirez Sanchez dit « Carlos » est condamné à perpétuité en 1994 pour le meurtre de trois policiers. De plus, il est mis en examen pour des actes terroristes. Il est soumis à un régime d'isolement, régulièrement prorogé depuis son incarcération. Il se plaint des conditions de détention dans une cellule de 6,84 m² et des conséquences du régime imposé qui lui interdisent tout contact avec d'autres détenus et ne lui permettent pas d'exercer une quelconque activité hors de sa cellule. Il déplore également de ne pas recevoir suffisamment de visites qui se limitent à celles de ses avocats et d'un prêtre, une fois par mois, pour ce dernier.
La Cour décidera que l'exclusion d'un détenu de la collectivité carcérale ne constitue pas en elle-même une forme de traitement inhumain et n'atteint donc pas le seuil de gravité requis pour que l'article 3 soit méconnu.
Le requérant avait saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à obtenir l'annulation d'une des décisions ordonnant son placement à l'isolement. Par un jugement du 25 novembre 1998, le tribunal rejeta sa demande en rappelant qu'il s'agissait d'une mesure intérieure non susceptible d'être déférée au juge administratif. La Cour notera que le Conseil d'Etat modifia sa jurisprudence en juillet 2003, en admettant qu'une mesure de mise à l'isolement pouvait être déférée devant le juge administratif. La CEDH conclut à la violation de l'article 13 de la Convention du fait de l'absence en droit français d'un recours qui eût permis au requérant de contester les mesures de prolongation de mise à l'isolement.
La Cour répondait à deux questions ici : l'isolement en prison d'un terroriste constitue il un traitement inhumain et dégradant en vertu de l'article 3 ? L'absence en droit interne d'un recours permettant au requérant de contester les mesures de prolongation de mise à l'isolement viole-t-elle l'article 13 ?
S'il y a de nombreux recours sur le terrain de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), la CEDH répond ici, au fond, sur le régime d'isolement administratif en vigueur dans les prisons françaises. Si cet arrêt se rapporte aux traitements inhumains et dégradants, la déficience de recours était aussi soulevée.
En conséquence, l'appréciation de l'isolement en prison qui ne se révèle pas contraire à l'article 3 de la CESDH (I) précédera la carence de recours pour le prisonnier dans ce cas (II).
[...] On pense notamment à Mme Condolezza Rice en 2005, chargée par le président George W. Bush et la CIA, de justifier les enlèvements et tortures commis dans le monde entier par les Américains, et en particulier chez leurs amis syriens, jordaniens, saoudiens, égyptiens et libyens, qui avait donné comme exemple le cas de Ramirez Sanchez. Mme Rice s'était flattée de ce que la Cour européenne des droits de l'homme avait validé cet enlèvement. Dès lors, on pouvait douter de la légitimité d'une juridiction agissant de la sorte. [...]
[...] De plus, le fait que M. Ramirez Sanchez n'ait pas exercé de recours auprès du directeur de la prison ou de ses autorités hiérarchiques a pu être considéré comme secondaire. Mais, Carlos avait formé deux recours devant le juge administratif, et s'était heurté à l'application de la théorie des mesures d'ordre intérieur et au refus du juge administratif d'examiner sa requête. En conséquence, il ne disposait donc pas d'un recours effectif en droit interne lui permettant de contester sa mise à l'isolement. [...]
[...] Ramirez Sanchez apparaît clairement comme ayant pesé sur ce constat de non violation de l'article 3. Le requérant était placé à l'isolement et, dans le cadre légal du régime de détention applicable, il pouvait regarder la télévision, disposer de livres, de deux heures de promenade quotidienne, de deux visites médicales par semaine, de nombreuses visites d'avocats auxquels il faut ajouter des visites fréquentes d'une avocate devenue son épouse. On peut ajouter la visite d'une fois par mois d'un prêtre, d'une possibilité d'utiliser une salle d'activité (il ne l'a pas utilisé) et également d'un enseignement individuel en français (qu'il a refusé). [...]
[...] De plus, le requérant était en parfaite forme physique et mentale, cette absence de pathologie susceptible d'empêcher ce mode détention ne lui est pas non plus favorable. Dès lors, la décision de mise à l'isolement pouvait s'expliquer par ce statut de terroriste qui se qualifie lui-même sur ce sujet comme un révolutionnaire de profession et les risques qu'il faisait courir sur l'ordre et la sécurité dans l'établissement. D'ailleurs, la Cour rappelle que l'isolement du requérant n'est pas quasi- total mais il se trouve qualifié d'isolement social relatif justifiant par là même, pour elle, la non violation de l'article 3. [...]
[...] Au fur et à mesure, la jurisprudence de la CEDH y a donné une autonomie de plus en plus affirmée. En ce sens que l'on pouvait établir sur la seule base de la violation de l'article 13 un constat de violation de la Convention. Dans un premier temps, cette autonomie était cantonnée pour la demande des requérants à l'allégation d'une violation des droits et libertés protégés par la Convention, cela sous réserve que le grief invoqué soit plausible et défendable au sens de la Convention. [...]
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