Beccaria, dans son ouvrage « Des délits et des peines » disait : « Les châtiments n'ont pour but que d'empêcher le coupable de nuire désormais à la société et de détourner ses concitoyens de la voie du crime ».
La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 23 mars 2004, devait examiner la requête d'un dirigeant d'une société, la Société industrielle et agricole de Bretagne (SIAB). Cette société, spécialisée dans le traitement des fruits et du lait, s'est vue reprocher une pollution, à trois reprises, par des gardes du Conseil supérieur de la pêche, de la rivière « La Vilaine ». Plusieurs causes à cette pollution ont été dénombrées, telles le défaut manifeste du réseau des eaux résiduaires, la défectuosité d'un joint d'une pompe à soude, l'absence de mise en place d'un trop plein, qui aurait empêché le déversement direct des eaux polluées, et enfin un défaut d'étanchéité du bassin de réception des eaux résiduaires. C'est le directeur général de la société, M. Gilles X. titulaire d'une délégation de pouvoirs, qui a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour pollution de cours d'eau.
M. Gilles X. a contesté l'étendue et la portée de cette délégation devant le tribunal correctionnel, et a donc fait appel. La Cour d'appel, elle, confirme le jugement de première instance. M. Gilles X. a donc formé un pourvoi en cassation.
Le directeur de la société a fait valoir qu'il n'avait pas effectivement et directement contribué au dommage, en disant qu'un cadre présent sur les lieux ne l'aurait pas mis en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour éviter la pollution, lui n'étant presque jamais présent sur les lieux. Il relève que la Cour d'appel ne lui a pas laissé les moyens de se défendre en invoquant la règle de la causalité directe au lieu de la causalité indirecte dont il était question pendant les débats précédents, qu'elle a donc violé l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Selon lui enfin, la Cour d'appel n'a pas qualifié de faute caractérisée, au sens de l'article 121-3 alinéa 4 qu'elle a écarté, ni de violation délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
La Chambre criminelle devait donc s'atteler à vérifier la nature de la faute du directeur de la société, et répondre au problème juridique suivant : Le dirigeant d'une société étant seul investi des pouvoirs de direction est-il auteur direct ou indirect d'un dommage résultant de son inaction?
Les magistrats répondent tout d'abord que la Cour d'appel a mal interprété les faits en qualifiant de direct le comportement de Gilles X., mais décide de ne pas casser l'arrêt, les juges du fond ayant dégagé les faits suffisant à établir une faute caractérisée, suffisante pour engager sa responsabilité pénale.
Dans le cadre de l'étude de cette décision, il faut analyser le raisonnement de la Cour visant à qualifier la causalité (I), puis soulever le fait qu'une faute qualifiée est nécessaire à l'engagement de la responsabilité pénale en cas de causalité indirecte (II).
[...] ET LE DOMMAGE, À SAVOIR LA POLLUTION DE LA RIVIÈRE. B UNE CAUSALITÉ INDIRECTE RETENUE PAR LA CHAMBRE CRIMINELLE LES MAGISTRATS DE LA COUR DE CASSATION ONT SOUHAITÉ TRANCHER L'INCERTITUDE QUE CONTENAIT LA DÉCISION DE LA COUR D'APPEL, QUI AVAIT RETENU UNE CAUSALITÉ DIRECTE. ILS DÉCIDENT DE NE PAS CASSER L'ARRÊT, CAR, SELON LEUR FORMULE, LA CENSURE N'EST PAS POUR AUTANT ENCOURUE, DÈS LORS QU'IL RÉSULTE DES PROPRES CONSTATATIONS DE L'ARRÊT LES JUGES DU FOND ONT SIMPLEMENT MAL QUALIFIÉ LES FAITS, QUI RELÈVENT DE LA CAUSALITÉ INDIRECTE. [...]
[...] CASS. CRIM MARS 2004 BECCARIA, DANS SON OUVRAGE DES DÉLITS ET DES PEINES DISAIT : LES CHÂTIMENTS N'ONT POUR BUT QUE D'EMPÊCHER LE COUPABLE DE NUIRE DÉSORMAIS À LA SOCIÉTÉ ET DE DÉTOURNER SES CONCITOYENS DE LA VOIE DU CRIME LA CHAMBRE CRIMINELLE DE LA COUR DE CASSATION, DANS UN ARRÊT RENDU LE 23 MARS 2004, DEVAIT EXAMINER LA REQUÊTE D'UN DIRIGEANT D'UNE SOCIÉTÉ, LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE ET AGRICOLE DE BRETAGNE (SIAB). CETTE SOCIÉTÉ, SPÉCIALISÉE DANS LE TRAITEMENT DES FRUITS ET DU LAIT, S'EST VUE REPROCHER UNE POLLUTION, À TROIS REPRISES, PAR DES GARDES DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA PÊCHE, DE LA RIVIÈRE LA VILAINE PLUSIEURS CAUSES À CETTE POLLUTION ONT ÉTÉ DÉNOMBRÉES, TELLES LE DÉFAUT MANIFESTE DU RÉSEAU DES EAUX RÉSIDUAIRES, LA DÉFECTUOSITÉ D'UN JOINT D'UNE POMPE À SOUDE, L'ABSENCE DE MISE EN PLACE D'UN TROP PLEIN, QUI AURAIT EMPÊCHÉ LE DÉVERSEMENT DIRECT DES EAUX POLLUÉES, ET ENFIN UN DÉFAUT D'ÉTANCHÉITÉ DU BASSIN DE RÉCEPTION DES EAUX RÉSIDUAIRES. [...]
[...] EN L'ESPÈCE, LA COUR D'APPEL A CHERCHÉ À VOIR SI GILLES X. AVAIT LES MOYENS, LA COMPÉTENCE, ET L'AUTORITÉ NÉCESSAIRE, ET A DÉDUIT QU'IL ÉTAIT SEUL À AVOIR LA COMPÉTENCE DE DIRIGEANT AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ ET QU'IL LUI APPARTENAIT DE METTRE EN PLACE LES MOYENS VISANT À ÉVITER TOUT RISQUE DE POLLUTION. IL NE POUVAIT IGNORER, DE PAR SA FONCTION, LES RISQUES INHÉRENTS À CE GENRE DE SOCIÉTÉ, AUX RISQUES DE POLLUTIONS DE LA VILAINE. CE CONTRÔLE IN CONCRETO DES JUGES VISE À AMÉLIORER L'APPLICATION DE LA LOI, POUR NE PAS CRÉER DE RÉPRESSION AVEUGLE, OU LAISSER IMPUNIS DES ACTES RÉPRÉHENSIBLES. [...]
[...] IL AVAIT VRAISEMBLABLEMENT LES MOYENS DE PRÉVENIR LE DOMMAGE, ET LA COUR D'APPEL S'EST FONDÉE SUR LE FAIT QU'IL AVAIT LE POUVOIR DIRECT D'EMPÊCHER LE DOMMAGE DE SURVENIR, ET QU'IL ÉTAIT DONC L'AUTEUR DIRECT DU DOMMAGE. ILS SE CONTENT DONC DE QUALIFIER LA FAUTE SELON L'ARTICLE 121-3 ALINÉA 3 DU CODE PÉNAL. LES MAGISTRATS DE LA CHAMBRE CRIMINELLE REQUALIFIENT, SUBSTITUENT, LA QUALIFICATION D'AUTEUR DIRECT EN AUTEUR INDIRECT, PUISQUE C'EST EN L'ESPÈCE LE CAS POUR M. GILLES X., MAIS TOUT EN S'ASSURANT QU'IL SOIT TOUJOURS RESPONSABLE, EN RETENANT LA CAUSALITÉ INDIRECTE CERTES, MAIS LA PRÉSENCE D'UNE FAUTE CARACTÉRISÉE LE REND COUPABLE DU DÉLIT DE POLLUTION DE COURS D'EAU, PRÉVU À L'ARTICLE L.432-2 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT. [...]
[...] I LA RECHERCHE DE LA CAUSALITÉ CET ARRÊT, À TRAVERS LES INTERPRÉTATIONS DE LA COUR D'APPEL ET DE LA COUR DE CASSATION RAPPELLE LES PRINCIPES DE LA CAUSALITÉ LA CAUSALITÉ INDIRECTE ÉTANT RETENUE PAR LA CHAMBRE CRIMINELLE A LES PRINCIPES DE LA CAUSALITÉ POUR ATTRIBUER UNE FAUTE À UN QUELCONQUE AGENT, IL EST ESSENTIEL DE QUALIFIER PÉNALEMENT UN LIEN DE CAUSALITÉ. L'ARTICLE 121-3 ALINÉA 3 DU CODE PÉNAL ÉVOQUE LA CAUSALITÉ DIRECTE ENTRE LES AGISSEMENTS DE L'AGENT ET LE RÉSULTAT, LE DOMMAGE. [...]
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