Le statut pénal du foetus est une question qui déchaîne les passions doctrinales. En effet, depuis une dizaine d'années la Cour de cassation a rendu des décisions qui, ignorant le foetus en tant qu'être vivant, ont été l'objet de controverse.
En l'espèce, il s'agit d'un arrêt rendu par le 29 juin 2001 par la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière. Un conducteur, M.Z, en état d'ébriété, a blessé une femme enceinte, Mme X, qui a perdu le foetus âgé de six mois qu'elle portait des suites de l'accident. En première instance, M.Z avait été condamné pour blessures involontaires à l'égard de Mme X et pour homicide involontaire à l'égard du foetus. La Cour d'Appel de Metz, saisie de l'affaire, rend le 3 septembre 1998 un arrêt par lequel elle infirme la première décision, à savoir qu'elle retient uniquement les blessures involontaires sur Mme X, en excluant le chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître, considérant que l'incrimination d'homicide involontaire ne peut être retenue que pour un enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré. L'affaire est ensuite portée devant la Cour de cassation.
[...] Car les conséquences pénales qui en découlent seront inexistantes si le foetus ne survit pas. On se trouve ici confronté à un problème d'éthique, de morale. Comment un système pénal peut-il privilégier le fait d'anéantir la vie ? On aurait pu penser que la Cour européenne des Droits de l'Homme apporterait une réponse, mais dans une décision du 8 juillet 2004, celle-ci laisse aux Etats le soin d'apprécier "le point de départ du droit à la vie", c'est-à-dire que la Cour, dans un souci de protection de la souveraineté des Etats membres, ne prend pas le risque d'imposer une solution. [...]
[...] II - Les conséquences de l'interprétation stricte de la loi pénale Nous allons tout d'abord évoquer la conséquence majeure de l'interprétation stricte de la loi pénale en matière de protection de l'enfant à naître, à savoir sa réification avant de s'intéresser aux incohérences du droit que cette étude soulève La réification du foetus Le foetus, l'enfant à naître, la personne en devenir ; ce que nous avons tous été ne serait donc qu'une chose, moins considérée que l'animal. Par cette décision, la Cour de Cassation réaffirme la jurisprudence qu'elle applique depuis les années 1990, à savoir que la mort après la vie est répréhensible, mais que la mort avant même d'avoir commencé la vie n'est rien. [...]
[...] Il faudrait une intelligence législative qui organiserait clairement le statut du foetus et de l'embryon. Dans cet arrêt, la Cour de cassation explique que " l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable". Propos confirmé par la jurisprudence (évoquée plus haut) du 2 décembre 2003. Cependant, le foetus doit nécessairement être viable, ce qui constitue un paradoxe évident puisque si l'enfant à naître est forcé de sortir du corps de sa mère prématurément, ses chances de survie sont naturellement réduites. [...]
[...] Cet arrêt du 29 juin 2001, rendu par la Cour de cassation réunie sous sa forme la plus solennelle, présente un intérêt majeur dans la mesure où la question du statut pénal du foetus est au centre des débats politiques et doctrinaux sans encore avoir fait l'objet de législation spécifique. En 2001, la doctrine partisane d'une reconnaissance de l'enfant dès sa conception osait espérer un revirement de jurisprudence de la part de la Cour de cassation, qui n'a pas eu lieu : La Cour de Cassation a refusé de retenir l'incrimination d'homicide involontaire à l'encontre d'un homme qui a involontairement donné la mort à un foetus âgé de six mois. [...]
[...] La Cour de cassation, en fondant sa décision sur le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, remet en cause l'efficacité même de ce principe et sa dimension protectrice de la victime. B - Les incohérences du Droit L'interprétation stricte de la loi pénale, principe qui a toute son importance et tout son intérêt en Droit pénal français, connaît donc quelques défaillances. Autrui, tel que l'a pensé le législateur, prenait-il en compte l'enfant à naître ? On ne peut pas le penser dans la mesure ou l'IVG a été légalisée par la loi Veil de 1975. Mais la légalisation de l'avortement empêche-t-elle réellement de réprimander les atteintes involontaires au foetus ? [...]
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