Le président du conseil d'administration d'une entreprise de vente par correspondance a conservé le numéro de carte de crédit qu'une cliente avait fourni en vue du règlement d'une précédente commande et a débité le compte de la cliente à son insu. Le président du conseil d'administration a été déclaré coupable d'abus de confiance par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence le 29 avril 1999.
La cour d'appel s'est fondée sur la remise, par le prévenu, à un sous traitant, du numéro de carte de crédit qu'une cliente avait fourni à l'entreprise de vente en vue du règlement d'une précédente commande, et de l'autorisation de prélèvement qu'elle lui avait consenti dans le même but. Selon les juges du fond, ces faits commis alors que leur auteur ne pouvait ignorer que l'autorisation était périmée, caractérisaient le détournement de l'autorisation, qui constitue une valeur patrimoniale.
Le président du conseil d'administration forme alors un pourvoi au motif que le détournement n'est punissable en vertu de l'article 314-1 du code pénal que s'il porte sur une chose corporelle, et le fait d'avoir abusé d'une autorisation de prélèvement d'une cliente doit échapper au délit d'abus de confiance.
La question qui se posait devant la cour de cassation était donc la suivante : Un détournement de numéro de carte bancaire, ou en d'autres termes le détournement d'un bien incorporel peut il constituer un abus de confiance au sens de l'article 314-1 du code pénal ?
[...] Or le vol et le recel punissent des agissements frauduleux. Ne faudrait-il pas généraliser les agissements frauduleux sur les biens incorporels, que cela soit au titre du vol et du recel ? En effet on peut penser que la protection des individus passe avant des considérations juridiques abstraites telles que nous les avons vues sur la distinction entre objet et chose. On pourrait se dire que dès qu'il y a par des agissements frauduleux atteints aux droits d'autrui, il y a vol ou recel. [...]
[...] La cour revient donc sur sa position avec l'arrêt du 14 novembre 2000. La cour n'opère pas réellement un revirement de jurisprudence, elle a juste interprété le nouveau texte en prenant en compte les nécessités commerciales et économiques de notre époque et la volonté du législateur d'élargir l'abus de confiance aux biens incorporels. Ainsi la nouvelle formulation de l'abus de confiance retenue par le législateur n'a pu que favoriser l'admission du numéro de carte de crédit parmi les biens susceptibles d'être détournés. [...]
[...] - Vers un statut pénal de l'information ? : Mais pour certains auteurs cette conception des choses est en contradiction avec le principe de légalité. Pour certains en effet, il n'est pas concevable d'intégrer l'information dans une catégorie juridique existante afin d'en déduire une appropriation frauduleuse. A l'inverse de ce qui vient d'être dit ils préconisent une intervention du législateur pour définir les atteintes à l'information afin de répondre au besoin d'une protection pénale d'un certain nombre d'informations. [...]
[...] La solution est en sens inverse pour l'abus de confiance, puisque le législateur a modifié l'article 314-1 qui utilise le terme de bien quelconque Ainsi contrairement à ce qui a été décidé jusqu'alors pour l'abus de confiance, il peut désormais porter sur un bien incorporel. C'est le changement de terminologie de l'article qui explique cette décision, les juges ont appliqué le texte à la lettre, ils ont fait une interprétation littérale du texte. On peut se demander ce qui va alors être décidé pour l'escroquerie, puisqu'elle vise en effet tout comme l'abus de confiance, les biens quelconques. [...]
[...] Les dispositions n'étant pas très claires et les juges ont décidé de s'orienter vers les infractions de droit commun, en l'espèce l'abus de confiance. - Le recours nécessaire à l'abus de confiance : La cour a donc dématérialisé l'abus de confiance afin de combler le vide juridique qui existait sur la question des biens incorporels. Les juges ont donc été dictés par l'évolution économique et technique que le droit pénal ne pouvait pas ignorer. Les juges doivent se mettre en phase avec la société actuelle, et le droit ne peut ignorer la société dans lequel il évolue. [...]
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