L'arrêt présenté a pour objet l'application de la loi pénale dans le temps.
En effet, l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 7 avril 2004 porte essentiellement sur le principe de la rétroactivité in mitius : l'application rétroactive de la loi pénale plus douce aux procédures en cours.
En l'espèce, M.X et M.B ont été accusés du délit de favoritisme ; ils ont passé des marchés de travaux, de fournitures et d'études pour le compte d'hôpitaux universitaires entre 1992 et 1994, en violation des dispositions du Code des marchés publics, alors applicables.
Ils ont été condamnés en 1ère instance pour violation des dispositions du Code des marchés publics et pour favoritisme.
Entre temps, un Décret est venu modifier le Code des marchés publics et dispose désormais que « les marchés publics peuvent pour l'avenir être passés sans formalité préalable lorsqu'un certain seuil d'argent n'est pas dépassé » ce qui « supprime l'exigence de respecter les règles de mise en concurrence des candidats aux marchés publics d'appel d'offres ».
La cour d'appel se base sur ce Décret pour infirmer la décision des juges de 1ère instance : pour elle, « les dispositions nouvelles s'appliquent indiscutablement au prévenu, s'agissant d'une disposition pénalement sanctionnée plus douce et d'une instruction non définitivement jugée ». Ainsi le principe de l'application rétroactive de la nouvelle loi pénale plus douce est invoqué par les juges d'appel. C'est sur ce principe qu'elle relaxe les deux prévenus.
Le procureur général, chargé de la bonne application du droit, forme un pourvoi en cassation dont le moyen unique se base sur la violation des articles 112-1 et 432-14 du Code pénal.
Pour le procureur général, «la règle de la rétroactivité in mitius ne saurait s'appliquer en matière pénale ; que, lorsqu'une disposition législative, support légal d'une incrimination, demeure en vigueur, l'abrogation ou la modification de textes réglementaires auxquels elle peut se référer n'a aucun effet rétroactif» et que « la référence faite par la loi pénale à une disposition réglementaire ne pouvant avoir pour conséquence de modifier la nature ou le domaine de celle-ci ; que si le droit international prévoit bien la rétroactivité in mitius de la loi, seule la loi de pénalité est concernée ». Il ajoute que le Décret a prévu un « dispositif de droit transitoire excluant sa rétroactivité ».
La question essentielle qui se pose désormais est donc de savoir si, en l'espèce, le nouveau Décret, disposition pénale plus douce, peut s'appliquer rétroactivement et donc permettre la relaxe des deux prévenus. De façon plus générale, on se demande si la rétroactivité in mitius est effective dans le cas d'un règlement et non d'une loi.
[...] Cette exception est elle-même discutée, sur le fondement du Pacte international et sur des sources constitutionnelles (nous verrons ceci dans la seconde partie de l'étude) Il faut tout de même noter que certaines solutions longtemps admises, maintenant la loi ancienne plus sévère, ont été abandonnées : -cela a été le cas pour les amendes fiscales et douanières (on invoquait jadis, pour le maintien de la loi ancienne, les droits acquis de l'administration). Mais la chambre criminelle (1978, 1993) a fait retour au principe : désormais, le texte nouveau plus doux s'applique, sauf disposition contraire. [...]
[...] De plus, l'alinéa 3 de cet article ne limite en rien aux seules lois le jeu de la rétroactivité de la nouvelle disposition pénale plus douce mais précise au contraire que les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes Ainsi l'on peut se demander pourquoi la Cour de cassation ne suit pas la lettre de l'article et s'autorise à limiter le jeu de cette disposition aux seules lois pénales plus douces, à l'exclusion des règlements. [...]
[...] -Certains auteurs ont souligné qu' on objecte parfois que le Conseil constitutionnel se réfère quand à lui au principe évasif de la nécessité des peines posés par l'article 8 DDHC ; mais à supposer même que ce rattachement puisse justifier des entorses à la rétroactivité in mitius, il ne saurait qu'accroître les pouvoirs du législateur et non pas affranchir le juge du devoir de respecter un texte aussi clair -D'autres considèrent que la décision du Conseil constitutionnel s'impose à tous (et même à la Haute juridiction) et ne permet, par conséquent, aucune exception au principe de la rétroactivité in mitius. Dès lors que le Conseil constitutionnel a consacré le principe de la rétroactivité in mitius en matière législative, la hiérarchie des normes impose qu'il en soit fait application en matière réglementaire. Il faut tout de même noter qu'une petite partie des auteurs de la doctrine considère, au contraire, que la décision du Conseil n'est pas forcément incompatible avec la jurisprudence de la chambre criminelle. [...]
[...] Le procureur général, chargé de la bonne application du droit, forme un pourvoi en cassation dont le moyen unique se base sur la violation des articles 112-1 et 432-14 du Code pénal. Pour le procureur général, règle de la rétroactivité in mitius ne saurait s'appliquer en matière pénale ; que, lorsqu'une disposition législative, support légal d'une incrimination, demeure en vigueur, l'abrogation ou la modification de textes réglementaires auxquels elle peut se référer n'a aucun effet rétroactif» et que la référence faite par la loi pénale à une disposition réglementaire ne pouvant avoir pour conséquence de modifier la nature ou le domaine de celle-ci ; que si le droit international prévoit bien la rétroactivité in mitius de la loi, seule la loi de pénalité est concernée Il ajoute que le Décret a prévu un dispositif de droit transitoire excluant sa rétroactivité La question essentielle qui se pose désormais est donc de savoir si, en l'espèce, le nouveau Décret, disposition pénale plus douce, peut s'appliquer rétroactivement et donc permettre la relaxe des deux prévenus. [...]
[...] De façon plus générale, on se demande si la rétroactivité in mitius est effective dans le cas d'un règlement et non d'une loi. La Cour de cassation, au visa des articles 112-1 et 432-14 du Code pénal, répond que : -Les nouvelles dispositions réglementaires du Code des marchés publics ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, dès lors que le texte législatif, support légal de l'incrimination, n'a pas été modifié -La cour d'appel a méconnu les textes susvisés en expliquant que les nouvelles dispositions permettent de constater que l'élément légal de l'infraction de favoritisme à disparu alors que l'article 432-14 du Code pénal, support légal de l'incrimination de favoritisme, demeure en vigueur Pour étudier la décision de la Cour, on peut tout d'abord examiner le principe de la subsistance de la loi pénale ancienne plus sévère puis constater que ce principe est controversé par un certain nombre d'arguments juridiques I Le principe du maintien de la loi ancienne plus sévère Ce principe est une déformation du principe de la rétroactivité in mitius : l'application immédiate des lois plus douces, favorables à l'intéressé, à des faits antérieurs non jugés définitivement. [...]
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