En 2004, la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la caisse nationale d'assurance maladie a indemnisé 1,4 millions d'accidents du travail, parmi lesquels 700 000 ont donné lieu à des arrêts de travail. Ces accidents touchent plus particulièrement les métiers dits « manuels » dans des secteurs tels que le bâtiment et les travaux publics ou l'industrie métallurgique, par exemple. Outre les blessures subies par le salarié et les difficultés qui en résultent pour l'entreprise, ces accidents posent une question beaucoup plus vaste dans la mesure où ils concernent toute la société, plus particulièrement en ce qu'ils sont indemnisés par la caisse d'assurance maladie. Ainsi, depuis un certain nombre d'années, par le biais notamment de la responsabilité des personnes morales, le législateur a voulu contribuer à réduire le nombre de ces accidents.
En date du 24 octobre 2000, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation en matière de responsabilité pénale des personne morales.
Le 24 mars 1994, au sein de l'entreprise Tecphy, un ouvrier s'est vu confier par J-P.R, le contremaître en poste de nuit, une tâche de redressement d'une tôle à l'aide d'une masse. En lui confiant cette tâche, le contremaître a décidé de recourir à un procédé de fortune, n'utilisant ni harnais, ni nacelle élévatrice et sans en informer sa hiérarchie. En chutant de l'échelle sur laquelle il était posté pour redresser la tôle, haute de 2,9 à 4 mètres, l'ouvrier s'est grièvement blessé.
En conséquence, J-P.R, le contremaître, G.B, responsable de l'entretien, G.M, directeur de l'usine, ainsi que la société Tecphy, en tant que personne morale, ont été poursuivis pour blessures involontaires devant la juridiction pénale. Statuant sur cette affaire, la Cour d'Appel de Lyon a relaxé G.B et G.M, ainsi que la société Tecphy. Seul J-P.R a été condamné pour blessures involontaires, considérant qu'il n'avait pas informé sa hiérarchie lorsqu'il avait confié cette intervention à l'ouvrier. Toutefois, sa culpabilité ne permettait pas d'engager la responsabilité pénale de la société, en l'absence de toute délégation de pouvoirs en matière de sécurité. Un pourvoi en cassation a été formé.
La responsabilité pénale de la société peut-elle être engagée, même en l'absence de condamnation du chef d'établissement ou du délégataire en matière de sécurité ?
La Chambre criminelle a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon en ce qu'il relaxait la société Tecphy, estimant qu'au-delà de la faute d'un salarié et au-delà du fait que la responsabilité pénale des autres personnes ne pouvait être engagée, il convenait de s'interroger tout de même sur l'éventuelle responsabilité de la personne morale.
Afin d'étudier cet arrêt de la Cour de cassation, il faut, dans un premier temps, s'intéresser à l'application faite de la loi du 10 juillet 2000 concernant les personnes physiques et à ses effets sur le responsabilité de la personne morale (I). Dans un second temps, il est nécessaire de constater un élargissement de la responsabilité des personnes morales (II).
[...] Afin de dégager le sens de la décision de la Chambre criminelle, il convient de mettre en lumière les notions de représentants et d'organes. Par organes, il faut entendre les personnes physiques qui se voient conférer par la loi une fonction particulière dans l'organisation de la personne morale. Les représentants englobent un certain nombre de personnes physiques, telles que les chefs d'entreprise ou les mandataires spéciaux. Mais, dans un arrêt du 30 mai 2000, la Chambre criminelle a considéré que le salarié d'une société titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité est un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 Au sein de la société Tecphy, J-P.R, contremaître, bien qu'ayant chargé la victime de l'intervention à l'origine de ses blessures et bien qu'étant passé outre les obligations de sécurité posées par le règlement, n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité En conséquence, J-P.R ne pouvait en aucun cas être considéré comme un représentant de la société. [...]
[...] A mesure que la responsabilité des personnes physiques tend à ce réduire dans certaines matières, la responsabilité des personnes morales est accrue. Néanmoins, il faut se questionner que ce changement, dans la mesure où la notion de personne morale et, plus précisément de responsabilité des personnes morales, devient sans cesse plus floue. Une infraction peut désormais être le seul fait de la personne morale. Il convient toutefois de nuancer un peu ce propos dans la mesure où il semble pour le moment impossible d'étendre une telle jurisprudence aux infractions intentionnelles, du fait de la difficulté de constituer l'élément moral. [...]
[...] La Haute juridiction expose ici une situation dans laquelle l'infraction n'est imputable qu'à la personne morale. Par conséquent, il est possible de voir dans cette interprétation de la loi pénale un élargissement de la responsabilité des personnes morales. B. Une extension du champ de la responsabilité des personnes morales Cette interprétation, tout à fait logique au regard de la lettre de la loi du 10 juillet 2000, doit cependant être considérée par rapport à l'article 121-2 du Code Pénal. Cet article expose, dans son alinéa 1er notamment, les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales. [...]
[...] Au-delà des personnes physiques, il est important de s'intéresser à l'engagement de la responsabilité des personnes morales, rendue possible par le Code Pénal entré en vigueur en 1994. B. L'incidence d'un éventuel engagement de la responsabilité des personnes physiques sur la responsabilité pénale de la personne morale L'article 121-2 du Code Pénal dispose, dans un alinéa 1er, que les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement ( ) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants Ainsi, dès lors qu'un représentant ou un organe de la personne morale se rend coupable d'une infraction, la responsabilité pénale de cette dernière est nécessairement engagée. [...]
[...] Un pourvoi en cassation a été formé. La responsabilité pénale de la société peut-elle être engagée, même en l'absence de condamnation du chef d'établissement ou du délégataire en matière de sécurité ? La Chambre criminelle a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon en ce qu'il relaxait la société Tecphy, estimant qu'au-delà de la faute d'un salarié et au-delà du fait que la responsabilité pénale des autres personnes ne pouvait être engagée, il convenait de s'interroger tout de même sur l'éventuelle responsabilité de la personne morale. [...]
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