En droit pénal, des causes objectives d'irresponsabilité permettent de légitimer des actes qui sont normalement répréhensibles et qui perdent de ce fait leur caractère délictuel. Ces causes d'irresponsabilité sont dites objectives car elles ne sont pas liées à la personnalité du délinquant mais à des circonstances qui lui sont extérieures et forment des faits justificatifs.
Parmi ces causes objectives d'irresponsabilité se trouvent l'ordre ou l'autorisation par la loi ou le règlement dont il est question dans cet arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 18 février 2003. En l'espèce un gendarme à motocyclette a poursuivit, dans le cadre de ses fonctions, sur une distance d'environ 6 km, le conducteur d'un véhicule qui malgré la sirène, qu'il ne pouvait n'avoir identifiée, et les sommations de s'arrêter a poursuivit son intention de fuir. Le gendarme a alors fait usage de son arme de service pour parvenir à immobiliser le véhicule, tuant le fuyard. Le gendarme est donc poursuivit pour homicide involontaire. En première instance le prévenu est relaxé du chef des poursuites, jugement qui est ensuite confirmé en appel par un arrêt par la cour d'appel Caen du 19 octobre 2001. Suite à cet arrêt le ministère public forme un pourvoi en cassation. La cour d'appel de Caen fonde sa décision sur l'autorisation qui est donnée aux gendarmes de faire usage de leur arme de service dans des conditions déterminées par un décret du 20 mai 1903 et plus particulièrement dans son article 174. Le pourvoi quant à lui oppose à l'arrêt attaqué que l'autorisation octroyée aux gendarmes par ledit décret n'est pas légale puisqu'il n'appartient qu'à la loi de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés fondamentales et celles sur la procédure pénale. De ce fait le pourvoi dénonce la non conformité du règlement sur lequel est fondée la décision de la Cour d'appel au principe de légalité. Dans sa seconde branche le pourvoi remet en cause la nécessité de l'utilisation faite par le gendarme de son arme de service et notamment en ce que le risque prit, en maniant une arme à feu tout en conduisant une motocyclette, n'était pas proportionné à l'intérêt que le prévenu entendait préserver. Enfin, dans la troisième branche, le pourvoi soutient que l'autorisation dont peut se prévaloir le gendarme ne fait pas obstacle à ce que sa responsabilité pénale soit engagée à raison de la faute involontaire qu'il a commis.
La question se pose de savoir si la commission d'une infraction non intentionnelle, résultant d'agissements couverts par une cause objective d'irresponsabilité, peut être justifiée au regard du texte instaurant cette cause d'irresponsabilité.
La Cour de cassation semble répondre positivement à la question en ne cassant la décision de la cour d'appel de Caen en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils.
Il convient donc de s'intéresser sur cette possibilité reconnue aux gendarmes de pouvoir dans certains cas porter atteinte à l'intégrité physique d'autrui sans risquer de voir leur responsabilité pénale engagée. Toutefois cette autorisation est soumise à des conditions de mise en œuvre très strictes.
Nous dégagerons donc dans un premier temps l'origine de cette autorisation dont à fait usage le prévenu en l'espèce (I) puis nous nous attacherons à vérifier si les conditions de sa mise en œuvre ont été respectées en l'espèce ou si comme le soutient le pourvoi ce ne fut pas le cas (II).
[...] Toutefois la Cour de cassation, faisant application du principe de la dualité des fautes au civil et au pénal, casse l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, et reconnaît le prévenu civilement responsable du dommage causé. [...]
[...] De plus le gendarme est tenu de faire des sommations préalables avant de faire usage de son arme. En l'espèce, il ressort des constations qui ont été faites que la victime ne pouvait ignorer qu'il était poursuivit par un gendarme lui intimant l'ordre de s'arrêter. Il découle de tout ceci que l'article 174 du décret de 1903 était bien applicable en l'espèce et que par conséquent le pourvoi n'est fondé ni sa première ni sur sa seconde branche. Cependant la jurisprudence, tant française qu'européenne, pose des conditions complémentaire dont la réalisation en l'espèce est remise en cause par le pourvoi. [...]
[...] Par cet ajout de condition la Cour de cassation entend rappeler que le seul ordre, ou la seule autorisation, d'un texte ne suffit pas à justifier les atteintes graves portées à la vie susceptibles de survenir. En faisant cela la Cour de cassation intègre, à l'hypothèse de l'autorisation légale ou réglementaire, les conditions de mise en œuvre de la légitime défense. Il ressort de cet arrêt que la Cour de cassation s'aligne sur la position de la Cour de justice des communauté européennes qui dans des décisions de 1995 et 1997 avait déjà considéré que le recours à la force par les autorités de polices doit avoir été rendu absolument nécessaire pour assurer la défense d'autrui En l'espèce il est possible de discuter le caractère absolument nécessaire de la volonté du prévenu de vouloir immobiliser le véhicule en fuite cependant si le simple fait de vouloir cette immobilisation en lui même n'est pas suffisant pour retenir la nécessité absolue, l'article 174 du décret de 1903 n'a que très peu d'intérêt. [...]
[...] De ce fait la branche du pourvoi selon laquelle le décret de 1903 invoqué comme source de l'autorisation donnée aux gendarmes de faire usage de leur de service n'est pas conforme au principe de légalité n'est pas fondé. En l'espèce le règlement donnant naissance à l'autorisation de violer la loi pénale est l'article 174 du décret 20 mai 1903. Cet article autorise les gendarmes en service à faire usage de leur arme pour immobiliser un véhicule ne réagissant pas à ses sommations de s'arrêter. [...]
[...] La question de la proportionnalité entre le risque pris et l'intérêt défendu Dans cet arrêt le pourvoi relève la prise de risque non proportionnée par le gendarme dans sa volonté d'immobiliser l'automobiliste. En effet pour faire usage de son arme le gendarme a du, d'une main tenir son arme et de l'autre conduire une motocyclette à une vitesse non négligeable. Par cette conduite incertaine le prévenu s'est exposé à ce que, involontairement, un coup de feu parte avec la possibilité de blesser quelqu'un, le conducteur, comme en l'espèce, ou un tiers présent sur les lieux. [...]
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