Peut-on mourir deux fois ? Peut-on tuer une personne déjà morte ? Des questions en apparence vides de tout sens car leurs réponses semblent évidentes. Monsieur Alain Prothais, professeur des universités s'est d'ailleurs penché sur ce sujet controversé et nous dit que « si on ne peut, à l'évidence, consommer l'impossible, on peut toujours le tenter. Par définition, la théorie de la tentative permet de réprimer dans les cas où la consommation ne le permet pas ».
Dans cet arrêt de la Chambre criminelle du 16 janvier 1986, la Cour de cassation a du s'interroger sur la question de l'homicide volontaire sur une personne déjà morte.
En l'espèce, à la suite d'une rixe, un individu a été assommé à coup de barre de fer par un homme qui a maintenu ladite barre jusqu'à ce que l'individu cesse de respirer. Un autre homme, le lendemain, croyant que la victime était toujours en vie, est venu l'achever en lui assénant des coups de bouteille sur le crâne et en lui serrant le cou avec un lien torsadé. Les résultats de l'autopsie ont démontré que seules les violences infligées par les coups de barre de fer ont causé la mort de la victime. Seul le premier homme aurait donc donné la mort. Pourtant, le second est mis en accusation pour tentative de meurtre, laquelle tentative est manifestée par un commencement d'exécution qui n'a manqué son effet que par suite de circonstance indépendante de sa volonté (...)
[...] Par conséquent, pour caractériser le meurtre, l'élément matériel doit résulter d'un acte positif ayant matériellement conduit au décès d'autrui puisque la valeur protégée par le Code pénal dans ce cas est la vie Dans l'espèce, il s'agit de s'interroger sur la présence ou non de cet élément matériel. Or, l'acte matériel de violence n'a pas pu conduire à la mort de la victime, celle-ci étant déjà décédée. C'est ce que va souligner le prévenu en disant qu'il n'a pas pu tenter de tuer puisque la victime était déjà morte. En effet, si l'on suit l'idée de la thèse objective, il faut aboutir à l'impunité absolue, l'impunité générale. [...]
[...] Le second homme accusé forme alors un pourvoi en cassation. Pour se défendre, le demandeur au pourvoir invoque la contradiction entre les faits énoncés par l'arrêt attaqué dans motifs et ceux mentionnés dans le dispositif. D'autre part, il souligne qu'il ne peut être retenu à son encontre le chef de commission d'une tentative d'homicide volontaire suite aux coups portés volontairement sur l'individu, celui-ci étant déjà décédé au moment de son acte. Le problème juridique posé à la Cour de cassation a été de savoir quelle qualification pénale retenir si un individu frappe à mort un homme décédé lorsque l'auteur des faits a l'intention de le tuer mais est dans l'ignorance qu'il était déjà mort. [...]
[...] Garraud et Roux disent que là où la matière criminelle fait défaut, il ne peut y avoir de répression Le système pénal français repose sur une règle fondamentale : pour caractériser une infraction, il faut qu'un texte l'incrimine. Il ne peut exister de tentative de commission d'homicide volontaire sur un cadavre sans que l'infraction principale s'y rapportant ne soit légalement prévue comme l'exige le principe de légalité des délits et des peines : nullum crimen, nulla poena sine lege L'article 111-2 et 111-3 seraient-ils bafoués par la Cour de cassation ? [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation estime qu'une tentative d'homicide volontaire sur un cadavre doit être réprimée à partir du moment où l'auteur croyait la victime en vie au moment de son acte. Il est donc possible de commettre une tentative de meurtre sur un mort si l'on ignore qu'il est mort et si l'on commence l'exécution du crime. Cet arrêt permet de préciser la notion de tentative et d'infraction impossible : il aurait pu être pensé, a priori, qu'une tentative de meurtre ne pouvait être retenue qu'à l'encontre d'une personne vivante. La Chambre criminelle a privilégié une solution différence fondée sur des préoccupations d'ordre répressif. [...]
[...] Mais, le fait que la victime soit déjà morte peut constituer une cause extérieure. Ainsi, l'agent ne s'est pas arrêté car la victime est déjà morte. Ce problème aurait pu être soulevé, néanmoins, pour entrer dans le champ d'application du désistement volontaire, la cause extérieure doit être simultanée à l'acte. En l'espèce, la mort de l'individu est intervenue antérieurement aux actes de violences de l'agent. En effet, l'infraction précédant celle du second agent avait été consommée, l'objectif étant la mort de l'individu. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture