La question de la modulation des sanctions fiscales et des intérêts de retard a fait couler beaucoup d'encre, la doctrine plaçant en général, un grand espoir dans la Convention européenne des droits de l'homme.
L'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme prévoit le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable par un tribunal impartial pouvant décider du bien- fondé de toute accusation en matière pénale.
Dans son arrêt Bendenoun , la CEDH a jugé que l'article 6 §1 était applicable à la matière des sanctions fiscales. Ainsi, la Cour a fait entrer dans le champ d'application du « droit à un procès équitable », au titre de la matière pénale, les pénalités fiscales.
Selon la Cour, quatre facteurs confèrent à une majoration (en l'espèce la majoration de l'art 1729-1 du CGI) la nature d'une sanction à caractère pénal :
-La pénalité fiscale doit être générale, et elle doit concerner tous les citoyens.
-Elle ne doit pas tendre à la réparation pécuniaire d'un préjudice mais doit viser pour l'essentiel à punir pour empêcher la réitération d'agissements semblables.
-La majoration d'impôts doit se fonder sur une norme générale, qui doit avoir un but à la fois préventif et répressif.
-Elle doit avoir des conséquences financières considérables.
La CEDH n'a validé le système des sanctions fiscales françaises que sous l'expresse réserve suivante : « Pareil système ne se heurte pas à l'article 6 de la convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte. »
De même, le Conseil Constitutionnel fait application des principes de la matière pénale aux sanctions fiscales (cons. Const., 30 décembre 1982). Enfin, le Conseil d'Etat assimile les majorations pour manœuvres frauduleuses à des accusations en matière pénale au sens de l'article 6§1 C°EDH. (CE, 31 mars 1995, section, Ministre c/ SARL Auto-Industrie Méric.)
En matière pénale, les peines sont toujours considérées comme étant des peines maximales. Dans le prononcé de la peine, le juge, conformément à la loi et au principe d'individualisation des peines tient compte de la personnalité de l'auteur de l'infraction et de sa capacité de réhabilitation pour prononcer une peine. Le juge pénal est ainsi habilité à moduler les peines.
Les sanctions fiscales les plus fréquentes sont celles qui sanctionnent la mauvaise foi, les manœuvres frauduleuses, la carence déclarative ou l'abus de droit.
Or le service de l'assiette prononce la sanction à un taux fixe (10%, 40%, 80% ou 100% des impositions redressées) et établit lui-même automatiquement l'avis de mise en recouvrement.
Dans cette procédure, il ne sera tenu compte de la personnalité de l'auteur de l'infraction pour l'application des sanctions ni pendant la phase de prononcé, ni pendant la phase d'exécution de la sanction. La seule occasion d'individualiser la peine sera le contrôle de la sanction par le juge s'il est saisi par le contribuable sanctionné.
Dès lors, on peut se demander si le juge de l'impôt doit être habilité à se comporter comme un juge pénal et ainsi s'octroyer un pouvoir de modulation des sanctions.
Les jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat divergent sur l'analyse des conséquences qu'il convient de tirer des stipulations de l'article 6§1 de la C°EDH.
Le Conseil d'Etat a refusé au juge de l'impôt tout pouvoir de modulation des taux de majoration prévus par la loi. Par ailleurs, il a refusé de voir, par principe, dans l'intérêt de retard une sanction fiscale.
Nous exposerons l'état de la jurisprudence sur le pouvoir du juge de moduler les sanctions fiscales (I), avant de donner une appréciation sur le bien-fondé des différentes approches qui existent en la matière (II).
[...] Et on a pu constater que le Conseil constitutionnel avait expressément validé un dispositif de sanction automatique applicable dès lors qu'un manquement à une obligation était constaté, et ce, malgré la désapprobation des députés qui l'avaient saisi (validation de l'article 85 de la loi de finances pour 1998, modifiant l'article 1740 ter du CGI relatif à la dissimulation des fournisseurs ou des clients dans le cadre d'une activité professionnelle). La loi fiscale et le droit constitutionnel des sanctions n'impliquent donc pas que le juge puisse moduler les sanctions fiscales. [...]
[...] Ainsi, les arrêts précités ne remettent pas en cause la soumission des sanctions fiscales concernées à l'article de la convention. Mais ils n'octroient pas au juge de l'impôt le pouvoir de les moduler, et ne considèrent pas que ce constat se heurte à ce même article. En ce qui concerne la modulation par le juge des intérêts de retard, le CE et la Cour de cassation ont des positions convergentes : l'intérêt de retard n'a pas la nature d'une sanction fiscale et ne peut donc faire l'objet d'une modulation. [...]
[...] L'individualisation des peines consiste à considérer que la justice pénale doit juger un homme et non une infraction et que le juge doit décider de la peine en fonction de la personnalité de l'auteur de l'infraction. Ce principe s'impose au juge de l'impôt. C'est donc d'individualisation dont il faudrait parler ici. Or s'agissant d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, l'individualisation des peines, même en l'absence de disposition expresse de la loi, exige de moduler le quantum de la sanction ou d'en dispenser son auteur. Or aucune disposition du CGI n'écarte expressément la possibilité pour l'autorité administrative ou le juge de modérer le quantum des sanctions fiscales. [...]
[...] Les jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat divergent sur l'analyse des conséquences qu'il convient de tirer des stipulations de l'article de la C°EDH. Le Conseil d'Etat a refusé au juge de l'impôt tout pouvoir de modulation des taux de majoration prévus par la loi. Par ailleurs, il a refusé de voir, par principe, dans l'intérêt de retard une sanction fiscale. Nous exposerons l'état de la jurisprudence sur le pouvoir du juge de moduler les sanctions fiscales avant de donner une appréciation sur le bien-fondé des différentes approches qui existent en la matière (II). [...]
[...] Pour lui, cette garantie existe dès lors que le juge substitue son appréciation à celle de l'Administration, pour vérifier si les faits étaient de nature à justifier la sanction, telle qu'elle a été prévue par la loi. La garantie d'un plein contrôle de proportionnalité est donc parfaitement satisfaite en contentieux fiscal, puisque ce dernier est effectivement de pleine juridiction. Le seul cas dans lequel le juge dispose d'un pouvoir de modulation est celui du cumul entre sanctions pénales et administratives. Alors les autorités administratives et judiciaires doivent veiller au respect de l'exigence de proportionnalité selon laquelle le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé des sanctions encourues. [...]
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