Déductibilité fiscale Dépenses illicites juge
Selon P. Serlooten « Il n'appartient pas à l'administration fiscale et au juge de l'impôt de s'immiscer dans la gestion de l'entreprise et de sanctionner la moralité des actes commis par l'exploitant ». Ainsi, dès lors qu'un acte est effectué dans l'intérêt de l'entreprise, il peut bénéficier d'un droit à déduction, pourvu que l'exercice de ce droit ne soit pas expressément interdit par la loi, peu importe la moralité de cet acte. C'est ce qu'illustre la déductibilité fiscale des dépenses illicites.
En effet, en principe, les frais généraux exposés par l'entreprise constituent des charges déductibles du résultat comptable et fiscal. Ce principe est posé à l'article 39-1 du Code Général des Impôts (CGI) et comporte de nombreuses exceptions prévues par la loi ou par la jurisprudence. À ce titre, l'article 39-2 du CGI vient établir que les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. Il n'est pas fait de distinction selon que la réglementation violée est d'origine interne ou communautaire, qu'elle soit infligée par un tribunal ou par une autorité administrative indépendante (Autorité de la Concurrence, AMF,…).
[...] Néanmoins, sur ce sujet le Conseil d'État est en contradiction avec la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui estime que le simple fait de s'exposer à un risque de condamnation d'une sanction pénale ou fiscale constitue un acte anormal de gestion, et exclut, sans avoir à apprécier le risque pris eu égard au profit recherché par l'entreprise, tout droit à déduction (Cass. crim octobre 1997). L'administration fiscale retient ce même point de vue. Néanmoins, depuis la réforme de 2008, une telle question ne se pose plus, toute sanction ayant pour origine un comportement illicite étant exclue expressément de tout droit à déduction par l'article 39-2 du CGI. [...]
[...] Néanmoins, on peut tout de même observer qu'alors qu'initialement, le juge accordait le bénéfice de déduction à toutes les sanctions pécuniaires autres que pénales, en 2008 le législateur est venu apporter un encadrement supplémentaire au juge, le privant de la possibilité d'aller trop loin dans l'admission du droit à déductibilité. Ainsi, ses prérogatives s'en sont trouvées réduites. En effet, la crainte était alors qu'en laissant la possibilité au juge d'admettre le droit à déduction à davantage de sanctions pécuniaire, cette pratique aurait conduit à irresponsabiliser en quelque sorte le contribuable. [...]
[...] En effet, à l'origine, le juge admettait la déductibilité des sanctions administratives. À ce titre, le 24 décembre 2004, le Conseil d'État avait rendu un avis admettant la déductibilité des sanctions prononcées par le Conseil de la Concurrence entre 1986 et 2001. En effet, alors que le juge admettait la déductibilité des sanctions administratives, le législateur est venu apporter une précision supplémentaire quant à l'interdiction de ces sanctions par le biais de la loi NRE de 2001, loi venant modifier l'article 39-2 du CGI en vigueur à l'époque. [...]
[...] Déductibilité fiscale des dépenses illicites : le juge va-t-il trop loin ? Selon P. Serlooten Il n'appartient pas à l'administration fiscale et au juge de l'impôt de s'immiscer dans la gestion de l'entreprise et de sanctionner la moralité des actes commis par l'exploitant Ainsi, dès lors qu'un acte est effectué dans l'intérêt de l'entreprise, il peut bénéficier d'un droit à déduction, pourvu que l'exercice de ce droit ne soit pas expressément interdit par la loi, peu importe la moralité de cet acte. [...]
[...] Et a contrario, tout comportement illicite pouvait trouver une justification dans l'intérêt de l'entreprise. Ainsi, le juge pouvait être considéré comme allant trop loin dans la reconnaissance d'une déductibilité des sanctions prononcées à l'égard des contribuables ayant eu un comportement illicite, leur offrant alors une impunité considérable. Tout se passait comme si l'État prenait à sa charge le paiement de cette sanction. Cela pouvait donc avoir pour conséquence d'irresponsabiliser l'entreprise qui ne verrait alors plus d'obstacle à accomplir un acte illicite dès lors qu'elle considérait qu'accomplir cet acte était dans l'intérêt de l'exploitation. [...]
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