Dialogue des juges, Conventions Européenne des Droits de l'Homme
Dans ses conclusions relatives à l'arrêt Sté Norelec le commissaire du Gouvernement Séners s'adressait en ces termes au Conseil d'Etat : « Vous savez que cette jurisprudence n'est pas en harmonie avec celle de la Cour de cassation, mais cette divergence est assumée et vote position est en cohérence avec la politique jurisprudentielle à laquelle vous restez fidèles et qui consiste à ne pas aller au-delà – ou plus vite – que ce que commande la jurisprudence de la Cour de Strasbourg » ; ces propos étant l'illustration parfaite de ce que peut constituer le dialogue des juges et des difficultés pouvant en résulter. En effet, la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) depuis son entrée en vigueur en 1953 n'a de cesse de prendre de l'importance dans la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales en permettant un contrôle judiciaire du respect de ces droits individuels. Les dispositions de la CEDH constituant un plancher des droits à respecter et en deçà duquel les Etats seront sanctionnés.
La CEDH constitue aujourd'hui une véritable source de droit, et notamment fiscal, dont l'interprétation et l'application vont voir se confronter tant les juridictions nationales que la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) ; en résultant comme le soulignait dès 1978 B. Genevoi dans ses conclusions sur l'arrêt Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit que, « à l'échelon de la Communauté européenne, il ne doit y avoir ni gouvernement des juges ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges». Deux éléments semblent pouvoir caractériser ces relations entre les juges selon le Professeur Picard : « d'une part le dialogue doit être libre de sorte que les participants ne doivent pas être sous l'emprise l'un de l'autre, d'autre part ce dialogue doit être nécessaire ».
Ainsi, il est par exemple admis depuis un important arrêt Ferrazzini c/ Italie du 12 juillet 2001 de la Cour EDH, que les contribuables peuvent contester, sur le fondement de l'article 6, la sanction pécuniaire complément de l'imposition qui les vise, et plus généralement la procédure de sanction. La Cour EDH étant compétente pour interpréter la Convention et ses protocoles additionnels selon les règles générales d'interprétation des traités définies par la Convention de Vienne du 23 mai 1969, mais aussi pour veiller au respect de la CEDH par les états signataires.
Néanmoins, l'existence d'un véritable échange entre les juridictions, au regard de la jurisprudence de ces dernières années, semble quelque peu remise en cause par le caractère supranational de la Cour EDH à laquelle les juridictions nationales doivent se soumettre. Dès lors, son intérêt parait amoindri, d'autant plus que cette jurisprudence à largement précisé le champ d'application de la CEDH en matière de procédures fiscales.
Ainsi, la question est aujourd'hui de savoir si, alors que l'application des dispositions de la CEDH aux procédures fiscales semble largement balisée par la jurisprudence et notamment celle de la Cour EDH, un dialogue entre les juges est encore nécessaire, ou si une simple soumission des juridictions nationales à la Cour EDH ne serait pas suffisante.
[...] Toutefois, il subsiste quelques zones d'incertitudes comme à propos de la différence de traitement à laquelle la loi soumet des contribuables placés dans des situations objectivement différentes. La Cour EDH ne s'étant jusqu'à présent pas prononcée sur ce sujet, un tel contrôle sur le fondement de l'article 1P1 reste donc attendu. Il apparait, de manière sous-jacente, que le dialogue des juges est un véritable échange entre les différentes juridictions. Echange qui, dans l'essor que connait l'application de la CEDH en matière fiscale, va également permettre de tenir compte et de préserver certains particularismes fiscaux propres à chaque Etat. [...]
[...] Cour EDH décembre 1992. Cour EDH novembre 1995. Conseil d'Etat juillet 2000. Cass com juillet 2004 Cass com avril 1997 Conseil d'Etat décembre 2008 Pr Collet, Les bienfaits du dialogue des juges Revue de droit fiscal décembre 2006. Cour EDH septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède Cass com janvier 2005, CE, avis mai 2005 Cour EDH 29 août 1997 Pr Collet, RJEP à paraître. [...]
[...] Cette exigence de proportionnalité est reprise à l'identique par les juridictions internes[11] qui sur le fondement de l'article 1P1 vont vérifier que les atteintes portées par les textes fiscaux aux biens ou à la propriété du contribuable sont justifiées par l'utilité publique et qu'elles sont proportionnées. Exigence également exprimée dans l'arrêt Sarteur lors de la combinaison entre les articles 14 et 1P1 : les différences de traitement entre contribuables placés dans des situations analogues n'étant justifiées que par des justifications objectives et raisonnables. [...]
[...] Le Conseil d'Etat relève ainsi ‘qu'un système d'imposition se fondant principalement sur les déclarations établies par les contribuables ne saurait préserver les intérêts légitimes de l'Etat sans un régime de sanction efficace', c'est-à-dire un régime qui préserve le ‘caractère effectif et dissuasif des pénalités fiscales' Reste donc à savoir si le Conseil d'Etat, dans ce dialogue des juges, sera entendu par la Cour EDH. Pr Picard, Colloque« Juge administratif et juge communautaire : Où en est le dialogue des juges juin 2007. Cour EDH mars 1989. [...]
[...] Pour reprendre les mots de Jean Paulhan, Tout a été dit, sans doute. Si les mots n'avaient changé de sens, et les sens de mots Le problème va donc être de savoir comment les juridictions nationales vont interpréter les termes de la CEDH. Un premier exemple est celui du terme domicile employé par l'article 8 de la CEDH. Alors qu'en droit français ce terme se limite à la localisation géographique stable et réputée permanente des sujets de droit, permettant, selon le doyen Jean Carbonnier, attacher au domicile une présomption simple de présence permanente la Cour EDH par plusieurs arrêts, jugé qu'il s'entendait également à un local mixte[2] et même purement professionnel[3]. [...]
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