La France fait partie de l'un des États dont le taux de prélèvement obligatoire est le plus élevé 43,4%. Face à cette pression fiscale, nombreux sont les contribuables qui recherchent à payer moins d'impôt. Les contribuables usent de montage afin d'optimiser la fiscalité : les fiscalistes ont coutume de parler d'habileté fiscale. Toutefois, l'habileté fiscale peut être jugée excessive par l'administration fiscale et ladite habileté dégénère alors en abus de droit. L'abus de droit est prévu à l'article L.64 du Livre de Procédures Fiscales (LPF) ; il vise à sanctionner les surdoués de la fiscalité en couvrant deux hypothèses : d'une part, la fictivité, notamment par un acte déguisé ou par l'interposition de personne et d'autre part par la recherche d'un but exclusivement fiscal depuis un arrêt du Conseil d'État du 10 juin 1981. Cependant, l'article L.64 du LPF n'est pas en soi un principe général d'abus de droit ; en effet, celui-ci est limité à l'assiette des impôts qui sont limitativement mentionnés (IR, IS, TVA, ISF…) au terme de ce texte. L'article L.64 du LPF ne vise donc en aucun cas le paiement de l'impôt. Pourtant, l'administration fiscale a tenté de s'en prévaloir dans l'arrêt Janfin, rendu par le Conseil d'État en date du 27 septembre 2006. En l'espèce, il s'agissait d'une opération « autour du coupon » effectuée par la société dont l'administration fiscale prétendait requalifier en abus de droit.
[...] Quelles sont les conséquences de cette jurisprudence ? Cette jurisprudence, issue de l'arrêt Janfin, pose un problème de sécurité juridique et ce, pour plusieurs raisons ; Tout d'abord, le principe général de fraude à la loi se définit en creux par rapport aux dispositions de l'article L.64 du LPF : tout ce qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.64 peut faire l'objet d'une rectification au titre du principe général de fraude à la loi : il s'agit donc clairement d'une extension du champ d'application de l'article L.64 du LPF ; en effet, le principe de fraude à la loi pourra d'une part englober le paiement de l'impôt (ce qui s'avérait impossible avant l'arrêt Janfin) et d'autre part concerner tous les impôts et non seulement ceux qui sont limitativement énumérés par l'article L.64 du LPF. [...]
[...] La condition de détournement de l'esprit du texte dégagé par l'arrêt Janfin est, dans cette espèce, appliquée et permet à cette opération de ne pas être considérée comme frauduleuse. Il convient brièvement de s'interroger sur l'apport du droit communautaire dans le dégagement d'une telle notion. Il ressort des points de convergence et de divergence entre le droit communautaire et le droit français au sujet de l'abus de droit. Concernant la convergence avec le droit communautaire, le concept de fraude à la loi est largement inspiré de la jurisprudence communautaire sur la lutte contre les pratiques abusives qui exclut du bénéfice de dispositions fiscales favorables les montages purement artificiels dont le seul objet est de contourner la législation fiscale nationale, ainsi qu'aux conditions de leur mise en œuvre. [...]
[...] Enfin, le Comité consultatif pour la répression des abus de droit (CCRAD) est également revu et corrigé, dans la forme d'une part, puisqu'il est rebaptisé "Comité de l'abus de droit". L'abandon de la référence au caractère répressif de la procédure de l'abus de droit viserait à réaffirmer l'impartialité et l'indépendance de l'intervention du comité à l'égard de l'administration et du contribuable, selon le Ministre du Budget Eric Woerth. Il est également modifié quant au fond afin de donner une plus grande portée juridique à ses avis et de leur conférer une qualité plus doctrinale. [...]
[...] Le Conseil d'Etat vient censurer l'arrêt de la Cour administrative d'appel, jugeant que l'opération est hors du champ d'application de L.64 du LPF. Le Conseil d'Etat a alors sanctionné les juges du fond, décidant que l'administration ne peut invoquer l'article L.64 pour contester l'utilisation d'un avoir fiscal comme moyen de paiement de l'impôt car celle-ci ne déguise ni la réalisation, ni le transfert de bénéfices ou de revenus Se pose alors la question de savoir s'il est possible pour l'administration de sanctionner un acte qui ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L.64 mais qui néanmoins pourrait être constitutif d'un abus de droit. [...]
[...] Se pose également la question de la constitutionnalité de l'article L.64 du LPF comme l'a très justement fait remarquer Daniel Gutmann ;en effet, l'article 34 de la Constitution pose le principe de légalité de l'impôt mais aussi celui de légalité des délits et des peines. Or, l'application de l'article L.64 conduit à une pénalité prévue à l'article 1729 du CGI. Or, ce taux est automatiquement de 80% sans que le juge ne puisse moduler ce taux selon la gravité des manœuvres frauduleuses ou de l'abus de droit. [...]
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