L'actualité économique et fiscale récente témoigne de l'impact de la crise tant à l'échelle macroéconomique que microéconomique. Aussi, plus que jamais en cette période de crise, l'Etat tente de préserver ses ressources. Cependant, même en période de vache maigre, la fiscalité se doit d'être adaptée au contexte morose. En 2006, les recettes fiscales nettes, c'est-à-dire après les dégrèvements et remboursements d'impôts, du budget général de l'État, s'élevaient à 267,89 milliards d'euros. En brut, elles représentaient 340,13 milliards d'euros, et à elle seule la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) représentait près de la moitié des ressources de l'Etat. C'est donc une ressource essentielle sinon indispensable, qui à titre de comparaison représente près de trois fois le produit de l'impôt sur le revenu.
Or, paradoxalement la TVA demeure un impôt sur lequel les fraudes sont nombreuses et coûteuses, voire parfois très couteuses ; la presse s'en faisant très souvent l'écho, notamment en 2008 où les médias avaient pu titrer "une gigantesque fraude à la TVA démantelée". En effet, le syndicat national unifié des impôts (SNUI) avait estimé encore récemment que la fraude à la TVA représentait un manque à gagner de 13 à 15 milliards d'euros, autant dire un grand trou dans les poches des finances publiques. A y regarder de plus près, une fraude particulière représente à elle seule plus de la moitié de ce manque à gagner à savoir, le "carrousel TVA" ou "fraude carrousel", qui atteindrait 5 à 7 milliards d'euros en 2006 pour la France. De manière schématique, cette fraude qui repose sur des facturations virtuelles, déconnectées de toute réalité, est organisée parfois sous la forme de véritables réseaux.
Pourtant, la fraude à la TVA n'est pas une invention nouvelle et comme le fait remarquer Maurice COZIAN, "il y a 50 ans déjà, on dénonçait l'industrie de la fraude à la TVA". En effet, cette fraude complexe a su se jouer des faiblesses de la TVA liées aux échanges intracommunautaires, et ce surtout depuis le 1er janvier 1993 et la mise en place du marché commun. La suppression des frontières fiscales, la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux rendent alors plus difficile la lutte contre la fraude fiscale. De même, l'inertie des Etats membres devant l'instauration du régime transitoire de TVA, a permis de laisser place à la moralité douteuse de certaines entreprises qui n'ont pas hésité à s'engouffrer dans les failles de ce régime transitoire pour en retirer des profits parfois colossaux.
Le mécanisme de la TVA faisant appel à une logique cohérente, les différents acteurs politiques, nationaux et communautaires, de cette taxe ont considéré que le système était efficace et ils n'avaient pas envisagé une fraude possible sur cet impôt. C'était sans compter sur l'acharnement de certains fraudeurs, qui ont su se jouer des principes fondamentaux de la TVA, et plus particulièrement du régime particulier des échanges intracommunautaires.
[...] D'une part, les profits réalisés seront d'autant plus grands, d'autre part, parce que les réseaux de proxénétisme sont davantage sous le coup d'enquêtes et de sanctions plus fortes, les exposant ainsi à une plus grande prise de risque. En effet, les affaires de fraude carrousel les plus "célèbres" témoignent allégrement de cette réalité. Pour illustration, le 04 mars 2008, le journal Le Parisien révélait le Cour de Cassation, Crim octobre 2008, n°08-80580, NGOK ASHTON Cf. Supra note La fraude carrousel P a g e 15 démantèlement d'une fraude à la TVA, la plus importante connue en France dont le montant s'évalue à près de 100 millions d'euros. [...]
[...] "Fraude à la TVA: propositions de la Commission Européenne", La semaine juridique Entreprise et affaires, mars La fraude carrousel P a g e 28 types de fraudes qui auraient également des effets négatifs sur les recettes des Etats. Ainsi, le système d'auto-liquidation, s'il est mis en place devra être accompagné de nombreuses mesures de contrôle permettant d'éviter tout autre type de fraude à la TVA. Le risque serait de complexifier le système à l'extrême et par conséquent de "perdre" les PME qui ne pourraient suivre financièrement face à ces mesures administratives trop lourdes. [...]
[...] Devant tant d'incertitudes et de critiques l'administration a décidé en 2007 d'éclaircir la situation. En effet, une instruction de Bercy du 30 novembre 200757 vient préciser le dispositif de 2006 en incluant la jurisprudence communautaire selon laquelle il appartient à l'administration d'apporter les éléments objectifs qui établissent que l'acquéreur savait ou aurait dû savoir que pour son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA. Cette démonstration se fera selon la fameuse méthode dite du "faisceau d'indices". [...]
[...] Aussi, la fraude carrousel prend quant à elle une tout autre ampleur, et s'insère dans le contexte particulier des échanges intracommunautaires. II. Une fraude liée aux échanges intracommunautaires : un régime particulier "La réalisation du grand marché commun et la modification des règles de paiement de TVA dans les échanges intracommunautaires ont eu comme conséquence une explosion de la fraude à la TVA intracommunautaire dont on estime qu'elle entraîne aujourd'hui pour les Etats membres une perte de recettes fiscales pouvant atteindre 10% des recettes de TVA." Voilà en quelques lignes un résumé complet de la situation, dressé par Olivier 12 FOUQUET, alors Président de la Section des Finances du Conseil d'Etat. [...]
[...] Supra note n°20 Le régime simplifié d'imposition dit "réel simplifié", est un régime d'imposition pour lequel l'impôt est déterminé à partir du bénéfice réel. Il permet aux entreprises de bénéficier d'obligations comptables et déclaratives allégées 49 Livre des procédures fiscales article 16 D (loi 30 décembre 2005 art. 90) 50 Livre des procédures fiscales article 16-0 BA (loi du 25 décembre 2007) 48 La fraude carrousel P a g e 21 et de surveillance. En réalité, ce n'est qu'en 2006, avec la loi de finances rectificative que la lutte nationale contre la fraude "carrousel" prend une tout autre ampleur. [...]
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