La décision SARL Potchou rendue le 25 janvier 2006 par le Conseil d'État tend à résoudre la question procédurale de l'admission d'une action en réparation contre l'État du dommage résultant d'un dépassement du délai raisonnable de l'instance, alors même que le litige au fond n'a pas été tranché par une décision définitive.
En l'espèce, la SARL Potchou, constituée en société de personnes, et exploitant un restaurant niçois, a fait l'objet, au titre des exercices clos en 1981, 1982 et 1983, d'une vérification de comptabilité ayant débouché sur la notification de compléments à la taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités. Les deux gérants de la société ont recherché la responsabilité de l'État en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de la durée excessive de jugement de leurs demandes déposées devant le tribunal administratif de Nice saisi le 7 décembre 1987 (...)
[...] Une telle procédure de dessaisissement, en plus d'accélérer les délais de jugement, constituerait une alternative à l'action en responsabilité de l'Etat, et démontrerait que le problème des délais excessifs d'instance pourrait puiser des solutions en amont des questions de critères d'engagement de la responsabilité étatique pour violation du droit à un jugement dans un délai raisonnable. [...]
[...] La durée globale de la procédure n'étant pas à elle seule décisive, le caractère raisonnable du délai de jugement s'apprécie in concreto. La complexité du litige, en fait ou en droit, peut certes entrer en ligne de compte, mais c'est avant tout le comportement des autorités juridictionnelles durant le déroulement de la procédure qui sert d'indicateur principal quant au délai excessif d'une instance. L'attitude des parties lors de l'instance est également prise en considération. Mais si certains agissements sont bien de nature à ralentir le déroulement du procès, seules les manoeuvres véritablement dilatoires sont susceptibles d'influer sur l'appréciation du caractère raisonnable ou non du délai de jugement. [...]
[...] Les efforts de conformité du Conseil d'Etat à la jurisprudence européenne ont même valu à la juridiction administrative française l'approbation de la Cour européenne dans son arrêt Brocca et Texier-Micault France du 21 octobre 2003, se satisfaisant de la décision Magiera du 28 juin 2002. C'est dans ce contexte qu'est intervenue la décision SARL Potchou du 25 janvier 2006. Il s'agit de la première intervention du Conseil d'État en application du nouvel article R. 311-1, alinéa 7 du Code de justice administrative. [...]
[...] En revanche, le préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi en raison de charges qu'ils sont susceptibles de supporter à l'égard de l'administration fiscale du fait du délai de jugement n'est pas établi selon le Conseil d'Etat, compte tenu notamment de l'absence d'issue à ce jour de l'instance d'appel. La décision SARL Potchou s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence ouvrant aux justiciables, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, une action en responsabilité pour faute simple en vue d'obtenir réparation du préjudice causé par la fonctionnement défectueux du service public de la justice. [...]
[...] De surcroît, le Conseil d'Etat appuie sa solution en classant le droit à un jugement dans un délai raisonnable parmi les "principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives". Par ailleurs, le décret du 28 juillet 2005 est récemment venu compléter ce dispositif en attribuant au Conseil d'État compétence pour connaître, en premier et dernier ressort, des actions en responsabilité dirigées contre l'État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative Ce principe est visé à l'article R. [...]
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