Les jurisprudences du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation et de la CJCE ont conduit à un renouvellement de la définition jurisprudentielle de l'abus de droit qui a jeté le trouble dans l'esprit des contribuables et de leurs conseils. (...) Il convient donc de réécrire cet article afin de préciser sans ambiguïté l'étendue du concept d'abus de droit : rappeler une définition claire et précise en la matière contribuerait fortement à une amélioration de la sécurité juridique en France et à l'égard des investissements étrangers. Ces mots, tirés du rapport Fouquet de 2008 témoignent que l'histoire de la notion d'abus de droit a toujours été le fait d'une extension continue du champ d'application de la théorie de l'abus de droit, notamment par l'action du préteur, qui, par sa force créatrice, a permis l'émergence en droit fiscal d'une notion - autrefois concurrente, aujourd'hui complémentaire - celle de fraude à la loi. La décision du Conseil d'Etat, en date du 8 octobre 2010, consorts Four, illustre davantage cette capacité créatrice du censeur notamment en ce qui a trait aux opérations de report d'imposition et plus précisément à l'émergence de certains abus - des contribuables - intervenant à l'occasion d'opérations de restructuration de patrimoine.
Du constat de cette difficulté, et de la participation de plus en plus active - contexte oblige - du préteur aux situations ayant pour objet ou pour effet d'attenter aux deniers publics, il convient de revenir sur les faits ayant conduit à la décision du 8 octobre dernier.
En l'espèce, deux associés ont apporté un immeuble - un fonds de commerce - à une société à responsabilité limitée en formation. Ces derniers, l'apport constitué, ont placé la plus-value en résultant sous le régime du report d'imposition des plus-values au titre de l'article 151 octies du Code général de impôts. Par la suite la SARL a procédé à une diminution de capital par voie de remboursement partiel des parts. Or, à l'issue d'une vérification de comptabilité l'administration fiscale a considéré que la cession en cause constituait une vente dissimulée. Appliquant la procédure de répression des abus de droit - au titre de l'article L. 64 du Livre de procédure fiscale - l'administration a remis en cause le maintien de ce report d'imposition.
Saisi dans la présente affaire, le Comité consultatif pour la répression des abus de droit dans son avis confirme l'abus de droit. A la suite de cet avis, en instance, le tribunal administratif de Rouen approuve quant à lui les redressements décidés par l'administration fiscale (...)
[...] Notamment après la décision Caisse interfédérale du Crédit Mutuel du 29 juillet 2009 selon laquelle le montage d'apport-cession ne relevait pas de la procédure de l'abus de droit. En effet, à première vue, l'avantage attendu d'un tel montage réside dans la perspective de repousser la taxation effective de la plus-value au moment de la cession des titres reçus en échange. Les motivations de l'apport-cession reposent ainsi moins sur une volonté d'éluder l'impôt que sur l'opportunité de faire coïncider le fait générateur de l'impôt avec l'appréhension effective des liquidités nécessaires à son acquittement Cependant, comme l'a relaté le rapporteur public, M. [...]
[...] Il est aisé à la lecture de l'arrêt d'affirmer que cette condition est déterminante pour constater l'absence d'abus de droit au montage d'apport-cession. En effet, déjà l'arrêt Sagal12 mettait en exergue que l'absence d'artifice d'un montage repose véritablement sur une réalité économique. Ainsi, dans la décision du 8 octobre 2008, le réinvestissement des liquidités dans une activité économique ne constitue pas un abus de droit. Et ce notamment lorsqu'« il ressort de l'ensemble de l'opération que cette société conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique Effets de la prédominance du critère objectif L'établissement du critère objectif de l'abus de droit dans l'affaire consorts Four, c'està-dire de la condition que l'abus de droit ne peut être établi que si l'utilisation des textes fiscaux au montage (purement fiscal) apparaît comme contraire aux objectifs du législateur, a eu un certain nombre d'effets notamment vis-à-vis de l'approche jurisprudentielles entre les ordres juridictionnels judiciaire et administratif. [...]
[...] En effet, selon cette condition si le contribuable est l'auteur d'un montage d'apport-cession n'ayant que pour seule finalité de lui permettre de disposer des liquidités obtenues lors de la cession de titres et tout en restant le détenteur, alors ce contribuable risque d'être censuré sous l'empire de l'abus de droit. Or, dans l'affaire consorts Four, il résultait dudit montage à la fois un acte exclusivement fiscal (éluder l'impôt de plus-value) contraire à l'objectif de la loi (différé d'imposition des plus-values restant investies dans une activité économique), et une fraude par simulation (dissimulation d'une vente de fonds de commerce par acte déguisé) »11. A l'inverse, le second critère jurisprudentiel se manifeste par sa positivité. Ce second critère c'est celui du réinvestissement dans une activité économique. [...]
[...] La relativité de la constatation de l'abus de droit par fraude à la loi au cas d'une opération permettant un report d'imposition au regard des critères employés 1. L'emploi d'un double-critère subjectif (réinvestissement activité économique) Dans sa décision du 8 octobre 2010, consorts Four, le Conseil d'Etat affirme qu'un placement en report d'imposition ne constitue point un abus de droit s'il ressort de l'ensemble de l'opération que la société a effectivement réinvesti le produit des cessions dans un activité économique Or, il est aisé de s'interroger sur le sens que compte donner le préteur au réinvestissement et surtout à l'activité économique. [...]
[...] Cet arrêt du Conseil d'Etat, rendu en date du 8 octobre 2010, contribue donc un peu plus à illustrer la place déterminante du critère objectif de l'abus de droit dégagé par le juge administratif, l'abus de droit ne pouvant être établi que si l'économie du montage apparaît comme contraire aux objectifs du législateur Or, c'est aux prémices des jurisprudences fiscales rattachées à l'abus de droit qu'une mouvance législatrice de lutte contre la fraude à la loi fiscale va voir le jour. En témoigne le mieux, la définition nouvelle résultant du rapport Fouquet de 2008 de l'abus de droit qui intègre le cas de fraude à la loi qui traduit ce critère objectif (voir supra) et renforce la protection du contribuable. Le nouvel article L du LFP retient une définition élargie et simplifiée de l'abus de droit, tout en consacrant la distinction du préteur entre l'abus de droit par simulation et l'abus de droit par fraude à la loi. [...]
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