Le juge fiscal français, statuant sur un litige relatif à l'imposition en France d'une personne morale étrangère à l'impôt sur les sociétés, doit se poser successivement deux questions :
- la personne morale étrangère peut-elle être assimilée, compte tenu de ses caractéristiques, à une société française de capitaux ? auquel cas elle est passible, en raison de sa forme, de l'impôt sur les sociétés (art. 206-1 CGI) ;
- si cette assimilation se révèle sinon impossible, du moins hasardeuse, la personne morale étrangère a-t-elle un objet lucratif ou se livre-t-elle à une exploitation lucrative ? auquel cas elle est également passible, non à raison de sa forme, mais à raison de son activité, de l'impôt sur les sociétés (art. 206-1 CGI).
Pour la société immobilière « Saint-Charles », société anonyme de droit monégasque, l'analyse traditionnelle de la jurisprudence s'est révélée d'une application plus délicate que les apparences ne le laissaient prévoir.
[...] Le ministre en tenait pour la jurisprudence traditionnelle qui assimile les sociétés anonymes étrangères à des sociétés anonymes françaises et les assujettit à l'impôt sur les sociétés du seul fait de leur forme : pour les sociétés anonymes de droit suisse (CE mai 1980 ; 16 juin 1982) ; les sociétés anonymes de droit belge (CE oct. 1988) ; les sociétés anonymes de droit panaméen (CE déc Ressources Management Corporation). Toutefois, il ressortait de l'instruction qu'il existait à Monaco deux sortes de sociétés anonymes. [...]
[...] Cette identification de la société immobilière Saint-Charles à une société civile française en l'espèce, des conséquences décisives conduisant à l'exclusion de la société monégasque du champ de l'impôt sur les sociétés. La société immobilière Saint-Charles avait initialement pour principal actionnaire la congrégation des frères des écoles chrétiennes qui avait fait ensuite apport de ses actions à la fondation de la Salle. La société était propriétaire à Grasse d'immeubles à usage de colonie de vacances et de maison de repos qu'elle mettait à la disposition de son principal actionnaire S'il s'était agi d'une personne morale de droit étranger non assimilable à une catégorie de personne morale française, il n'est pas exclu que le juge eût admis, sous certaines conditions, son imposition à l'impôt sur les sociétés sur une assiette constituée par les loyers que la société s'était abstenue de demander à son principal actionnaire en contrepartie de la mise à disposition des immeubles de Grasse. [...]
[...] Le Conseil d'Etat, avec sa concision habituelle (le motif tient en 17 lignes de 80 caractères) a donc confirmé le bien-fondé de la décharge d'impôt sur les sociétés que la Cour administrative d'appel de Marseille avait prononcée. Nous avons été moins concis, mais la solution méritait sans doute quelques explications. Bibliographie L'autonomie financière des collectivités locales au moyen de la fiscalité indirecte ; Sabrina Benroukia. [...]
[...] Les autres dont faisait partie la société immobilière Saint-Charles qui n'ont pas d'objet commercial, sont immatriculées au répertoire des sociétés civiles. La distinction entre sociétés commerciales et sociétés civiles étant aussi claire en droit monégasque qu'en droit français, le juge se devait de la transposer pour l'application de la loi fiscale française en refusant de qualifier la société immobilière Saint-Charles de société de capitaux au sens du droit français. Comme nous le relevions dans nos observations sous la décision Conseil d'Etat du 13 octobre 1999 : En présence d'une personne étrangère susceptible d'être imposée en France, le juge cherche à quelle catégorie de contribuable français correspond le mieux le statut étranger. [...]
[...] Mais le Conseil d'Etat n'avait pas à entrer dans ces considérations dès lors qu'il assimilait la société immobilière Saint-Charles à une société civile française. Le fait pour la société monégasque de mettre gratuitement des immeubles à la disposition de son principal actionnaire ne caractérisait pas en droit fiscal français une exploitation lucrative au sens des articles 34 et 35 du code général des impôts, de sorte qu'en application de l'article 206-2 du code, la société n'entrait pas dans le champ de l'impôt sur les sociétés. [...]
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