Selon la Cour de Justice des Communautés Européennes, une prestation de service n'est taxable que s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue, la base d'imposition étant constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service rendu. Cependant concernant les services, il n'y a pas toujours de contrepartie immédiate évidente et l'on peut parfois avoir du mal à apprécier la notion de lien direct. Cela concerne notamment le cas des indemnités contractuelles et plus précisément les indemnités de résiliation de contrats, comme nous le montre cet arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes du 18 juillet 2007, Société thermale d'Eugénie-les-Bains.
Un établissement thermal comportant également des activités hôtelières et de restauration, perçoit à titre d'arrhes des sommes versées à l'avance lors des réservations de séjours effectuées par les curistes. Ces sommes sont soit déduites du paiement ultérieur des prestations de séjour, soit conservées par la société en cas de renonciation des curistes à leur séjour. A la suite d'une vérification de comptabilité en 1992, l'administration fiscale a affirmé que les arrhes perçues par la société thermale au moment de la réservation par les clients devaient être assujetties à la TVA. L'administration fiscale a alors procédé à des rappels d'impôts d'un montant de 12 814 € mis à la charge de la société thermale.
L'établissement thermal a alors saisi l'administration fiscale d'une réclamation qui a été rejetée en date du 14 février 1995. L'établissement a dès lors formé un recours devant le tribunal administratif de Pau, rejeté par un jugement du 18 novembre 1999 et a ensuite interjeté appel devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux, qui par un arrêt du 18 novembre 2003, rejette également le recours formé par la société thermale. Les deux juridictions de fond ont en effet considéré que les arrhes conservées en cas de désistement du client constituaient la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de service individualisable consistant à établir le dossier du client et à lui réserver un séjour. Un recours est alors formé par la société thermale devant le Conseil d'Etat, qui par un arrêt du 18 mai 2005, a décidé de surseoir à statuer, renvoyant l'affaire devant la Cour de Justice des Communautés Européennes au titre du renvoi préjudiciel.
Alors que pour les deux juridictions de fond ces arrhes constituent la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de service individualisable, la société thermale considère que ces arrhes sont des indemnités versées en réparation du préjudice subi par elle du fait de la défaillance de ses clients et sont donc non soumises à la TVA.
La question se trouvait ainsi posée à la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) de savoir si les arrhes versées par un client à une société hôtelière devaient être regardées comme la contrepartie d'une prestation de réservation soumise à TVA ou comme des indemnités forfaitaires de résiliation non soumises à TVA, lorsque le client procède à la faculté de dédit qui lui a été offerte et que ces arrhes sont conservées par l'exploitant.
En réponse, la CJCE affirme que les sommes versées à titre d'arrhes lors de la réservation de chambre d'hôtels doivent être analysées, lorsque le client fait usage de la faculté de dédit qui lui est ouverte et que ces sommes sont conservées par l'hôtelier, comme des indemnités forfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client. La Cour estime donc qu'il n'y a aucun lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux. Dès lors, ces indemnités se situent hors du champ d'application de la TVA.
Cet arrêt comporte de nombreux intérêts. Il soulève ainsi tout d'abord la délicate question de l'assujettissement des indemnités de résiliation de contrats (I). Tranchant la question en la matière, il affirme ainsi la nature indemnitaire des arrhes, celles-ci réparant un préjudice et se trouvant donc hors du champ d'application de la TVA (II).
[...] l'avocat général Poiares Maduro, avait alors invoqué l'arrêt Kennemer Golf pour démontrer qu'en l'espèce, la société thermale demande un paiement en contrepartie de l'avantage qu'elle procure au client (la réservation), tout comme le fait l'association avec ses membres en leur demandant une cotisation. Les critères sur lesquels s'appuie la CJCE semblent dès lors assez instables, elle-même ayant affirmé à plusieurs reprises que la 6ème directive assigne un champ d'application très large à la TVA, englobant toutes les activités économiques de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (cf. arrêts du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas et du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties). [...]
[...] Cette solution va être précisée par l'arrêt du 9 mai 1990 du Conseil d'Etat, Plants de pommes de terre, qui donne deux conditions pour qu'il y ait lien direct : le service doit être rendu à un bénéficiaire individualisé et il doit exister une relation nécessaire entre la contrepartie et l'avantage retiré. L'arrêt du 3 mars 1994 de la CJCE, Tolsma, va encore préciser la solution en avançant une dernière condition : l'existence d'un rapport juridique au cours duquel la prestation et la contre-valeur sont mises en relation. L'arrêt Géfiroute du 29 juillet 1998 va quant à lui faire application de la théorie du lien direct en matière d'indemnités contractuelles. [...]
[...] L'exploitant, par sa prestation, ne fait qu'honorer le contrat conclu avec son client Il résulte de cela que cette obligation ne peut être la contrepartie des arrhes versées. Dès lors il n'existe pas de lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue, en application des critères dégagés par la CJCE. De même la Cour affirme que le fait que le montant des arrhes imputé sur le prix de la chambre confirme que ces arrhes ne sauraient constituer la contrepartie d'une prestation autonome et individualisable. [...]
[...] Cependant la CJCE ne reprend pas cette thèse, affirmant ainsi que l'obligation de l'exploitant ne découle que du contrat en lui-même et non du versement d'arrhes. Ce versement n'emporte dès lors aucunement création d'obligations réciproques issues d'une prestation individualisable à part entière. Néanmoins certains auteurs prêchent également en faveur de l'autre thèse et affirment que cette solution serait contraire au droit français ainsi qu'au contrat d'hôtellerie. Ainsi selon Y. et I. Sérandour, les arrhes procèdent en droit français d'un rapport juridique à titre onéreux, les arrhes donnant aux parties le temps de réfléchir mais le contrat étant pleinement formé. [...]
[...] Cet arrêt comporte de nombreux intérêts. Il soulève ainsi tout d'abord la délicate question de l'assujettissement des indemnités de résiliation de contrats Tranchant la question en la matière, il affirme ainsi la nature indemnitaire des arrhes, celles-ci réparant un préjudice et se trouvant donc hors du champ d'application de la TVA (II). Un arrêt soulevant la délicate question de l'assujettissement des indemnités de résiliation de contrats L'arrêt du 18 juillet 2007 rendu par la CJCE permet en effet de replacer le cadre juridique et la jurisprudence applicable en la matière, démontrant ainsi que le renvoi préjudiciel procédé par le Conseil d'Etat est pleinement justifié Par cet arrêt, la CJCE met ainsi en évidence la non-existence de lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue Le cadre juridique et la jurisprudence applicable en la matière : un renvoi préjudiciel justifié La CJCE rappelle tout d'abord le cadre juridique applicable en matière de TVA. [...]
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