La règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture est aujourd'hui plus que jamais sujette à critiques dès lors notamment que l'administration, soutenue par les juges, en vient à imposer une opération par essence non bénéfique tout simplement pour reprendre une charge dont la reprise est prescrite. N'est-il pas temps pour les juges de prêter un nouveau regard sur cette théorie ? (Jacqueline Sollier). En effet, la théorie prétorienne de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit fut largement remise en cause par de nombreux auteurs. Après de nombreuses confirmations de cette théorie, le Conseil d'État semble effectuer le revirement de jurisprudence attendu dans son arrêt du 7 juillet 2004.
Le Conseil d'État, aux termes de cet arrêt du 7 juillet 2004, eut à traiter de la situation de la SARL Ghesquière, exerçant une activité de représentation commerciale en matériels industriels. Cette dernière fit, effectivement, l'objet d'une vérification de comptabilité sur les exercices des années 1990 à 1993. Il fut alors observé que la société avait porté les créances correspondant aux commissions dues à la société en contrepartie de prestations à l'actif de son bilan lors de l'encaissement de ces dernières, alors qu'elles devaient y être portées dès leur accomplissement. Dès lors, les revenus déclarés par la société furent rehaussés de toutes les créances relatives aux commissions, n'étant alors pas comptabilisées, mais que l'administration fiscale considérait comme acquises. Cependant, après la vérification de comptabilité, l'administration fiscale fit application de la correction symétrique des bilans. Cela entraina alors une déduction des commissions des exercices des années 1991 et 1992, car ils étaient rattachés à un exercice antérieur non prescrit. Néanmoins, cette déduction fut refusée pour l'exercice clôt en 1990, car son fait générateur était prescrit. Fut ainsi prononcé un supplément d'imposition et des pénalités au titre de l'exercice clôt en 1990.
[...] Fut ainsi prononcé un supplément d'imposition et des pénalités au titre de l'exercice clôt en 1990. La SARL Ghesquière demanda alors la décharge de l'imposition supplémentaire au titre de l'exercice clôt en 1990. Sa demande fut rejetée par un jugement du 26 mars 1998. Un appel fut formé devant la Cour administrative d'appel de Douai qui prononça la réduction du supplément d'imposition par l'application du principe de la correction symétrique. Le Ministre de l'Économie et des Finances s'est alors pourvu en cassation, contestant la réduction du supplément d'imposition. [...]
[...] Il s'agit de permettre l'application de la correction symétrique des bilans à des situations précises dans lesquelles la théorie de l'intangibilité du dernier bilan créait une inégalité flagrante entre le contribuable et l'État. Cela permet de rétablir un certain équilibre entre ces deux parties. Néanmoins, cette décision du Conseil d'État fut particulièrement limitée dans ses effets, bien que le revirement ait été très longtemps attendu. B. Les limites opposées à la jurisprudence du Conseil d'État Malgré un revirement de jurisprudence mesuré, soumis à des conditions relativement précises, cette décision déclencha une vive opposition de la part de l'administration fiscale. [...]
[...] En outre, le Conseil d'État intègre une condition supplémentaire, celle de la bonne foi du contribuable responsable de l'erreur comptable. En effet, la correction symétrique des bilans ne pourra pas s'appliquer à une erreur commise délibérément, car elle aurait pour effet de favoriser un contribuable fautif. Le commissaire du gouvernement M. Pierre Collin, dans ses conclusions relatives à cet arrêt du 7 juillet 2004, explicitait que réserver le cas des erreurs comptables délibérées, c'est-à-dire commises par des contribuables de mauvaise foi permet de faire obstacle à ce que des comportements manifestement frauduleux trouvent une récompense fiscale En l'espèce, on observe effectivement que la SARL Ghesquière n'a pas délibérément commis l'erreur de porter les créances des commissions à l'actif du bilan après leur encaissement, plutôt qu'au moment de l'accomplissement des prestations. [...]
[...] Le législateur a donc évincé la décision du Conseil d'État, en affirmant un principe qui n'était que simplement jurisprudentiel à l'origine. Malgré de nombreuses oppositions doctrinales, mais également en séances parlementaires, la règle de la correction symétrique des bilans a été véritablement abandonnée au profit de l'intangibilité du bilan d'ouverture. Ainsi, les dysfonctionnements, précédemment rappelés, relatifs à ce principe et notamment l'avantage détenu par l'État au détriment des contribuables sont légitimés par l'intégration du principe à la loi. Nombre de parlementaires tentèrent d'amender la loi de finances rectificative pour 2004, sans succès. [...]
[...] Ainsi, cette règle de la correction symétrique des bilans trouve une limite certaine du fait de la prescription en trois ans. Le Conseil d'État a donc complété cette théorie de correction symétrique par un arrêt d'assemblée plénière du 31 octobre 1973 et a donc affirmé le principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. En vertu de cette théorie, l'actif net du dernier exercice touché par la prescription demeure intangible, les écritures de cet exercice ne peuvent alors plus être modifiées. [...]
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