Philippe- acte anormal de gestion - déduction charges sur le résultat - condamnations civiles
Par principe, l'Administration fiscale n'a pas à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise. En effet, elle n'a pas le rôle d'auditeur, ni de contrôleur de gestion. Pour autant, le chef d'entreprise ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi dans la gestion de sa société. C'est pourquoi a été créée de manière prétorienne la notion d'acte anormal de gestion.
En effet, le CE en date du 7 juillet 1958 a établi cette notion pour pallier l'absence de moyens que possède l'administration fiscale face à des évaporations financières dommageables pour elle et pour les contribuables.
En outre, il était permis au chef d'entreprise de déduire, selon les articles 38 et 39 du CGI, de son bénéfice les frais qu'il engage pour le fonctionnement de son entreprise. Cependant, des dirigeants ont abusé de ce droit en élaborant des montages juridiques pour minorer la base d'imposition ou pour déduire des actes réguliers, mais qui n'ont pas la finalité pour préserver le bénéfice de l'entreprise. Le législateur a donc interdit la déduction fiscale de certaines dépenses appelées « les actes anormaux de gestion par détermination de la loi » qui sont les dépenses somptuaires (art. 39-4 CGI), les dépenses excessives (39-1-1°) et les transferts indirects de bénéfices (57 et 238 bis A).
Ainsi, la liste que le législateur a élaborée est très lacunaire ; c'est pourquoi les juges ont souvent dû se réunir pour régler le problème, notamment dans l'arrêt qu'il convient de commenter du Conseil d'Etat en date du 7 janvier 2000 Philippe.
[...] Ainsi, après avoir constaté qu'un acte illicite n'est pas forcément constitutif d'un acte anormal de gestion, il convient de s'intéresser plus en détail des raisons de l'application de l'article 39 du CGI aux condamnations civiles. II- L'application de l'article 39 CGI aux condamnations civiles permettant ainsi la déductibilité de ces charges sur le résultat de l'entreprise. En effet, en appliquant l'article 39 du CGI aux condamnations civiles, le CE permet de déduire ces charges du résultat de l'entreprise. Ainsi, les juges du droit fiscal montrent bien leur indépendance par rapport au droit pénal en se donnant la possibilité de ne pas assimiler un acte illicite à un acte anormal Cependant, cette solution s'avère critiquable notamment au regard de la moralité L'autonomie du droit fiscal rapport au droit pénal. [...]
[...] Ce juge ne se permet pas d'exercer un contrôle de légalité pour admettre un lien automatique entre illicéité et acte anormal de gestion. En effet, lorsqu'il existe une incertitude quant au caractère illicite d'un acte, le juge fiscal doit seulement statuer au cas par cas, en se demandant si la dépense est ou non anormale en appréciant les risques de sanctions que fait peser sur l'entreprise le comportement du contribuable, en raison du montant de la condamnation ou de l'atteinte à l'image de marque de l'entreprise qui pourrait en résulter. [...]
[...] Il convient donc d'étudier l'acte illicite comme critère insuffisant dans l'établissement prétorien de l'acte anormal de gestion dans une première partie, pour ensuite s'intéresser à l'application de l'article 39 du CGI aux condamnations civiles permettant ainsi la déductibilité de ces charges sur le résultat de l'entreprise (II). Un acte illicite : critère insuffisant dans l'établissement prétorien de l'acte anormal de gestion. En effet, l'arrêt Philippe vient poser une distinction entre l'illicéité et l'anormalité d'un acte. En effet, une dépense illicite n'est pas forcément anormale si elle est inscrite dans l'intérêt financier de la société en ce qu'elle vise à augmenter son CA et son bénéfice. [...]
[...] Mais à long terme, commettre des actes illicites n'est pas compatible avec une gestion financière correcte, car l'entreprise prend un risque jugé excessif. Également, commettre des actes susceptibles de sanctions pénales porte atteinte à la continuité et la viabilité de l'entreprise dans la mesure où la réputation, l'image de marque et la perte de clientèle sont touchées. Mais aussi, l'entrepreneur individuel peut être frappé d'emprisonnement. Enfin, cette solution s'avère juridiquement immorale puisqu'en déduisant fiscalement les condamnations civiles des charges de l'entrepreneur coupable, cela revient à faire peser le poids de la réparation sur l'État et donc sur les contribuables. [...]
[...] La CAA ne définit pas l'intérêt social pour juger ou non si l'acte de gestion est anormal. Le CE casse l'arrêt de la CAA pour erreur de droit au motif que l'administration n'établit pas que les activités délictueuses ayant entrainé les condamnations pécuniaires à raison desquelles [l'entrepreneur individuel] a déduit des résultats de son entreprise personnelle les différentes sommes en litige, n'ont pas été effectuées pour le compte et dans l'intérêt de ladite entreprise Ainsi, le CE rappelle que le critère principal pour établir qu'un acte est ou non normal est l'intérêt social. [...]
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