La rétroactivité trouve une place privilégiée dans le droit fiscal français. Chaque année, en effet, la loi de finances fixe l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement pour l'année écoulée. Pourtant, cette situation est jugée normale. De ce fait, et en raison des conséquences économiques pour les contribuables qui découlent inévitablement de lois fiscales rétroactives, la rétroactivité en matière fiscale est souvent contestée. Les juges de la Constitution se sont néanmoins efforcés, notamment dans la dernière décennie du XXe siècle, de limiter les abus du législateur. Ces abus concernent en particulier l'hypothèse des lois de validation, par lesquelles il pallie l'éventuelle illégalité d'un acte administratif attaquable par recours pour excès de pouvoir en lui donnant force de loi, et le plaçant ainsi hors d'atteinte du juge administratif. C'est une telle hypothèse que concernait la décision nº 98-404 DC du 18 décembre 1998.
En effet, suite à la saisine de 60 députés d'une part, et de 60 sénateurs d'autre part, la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 1999 a été déférée au Conseil constitutionnel. Les deux groupes se plaignaient notamment, en ce qui nous concerne, d'une non-conformité à la norme fondamentale de l'article 10. Les députés et sénateurs, contestant tous la constitutionnalité de l'article 10, lui reprochaient un caractère rétroactif « bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale », ainsi que la violation de plusieurs principes, parmi lesquels la sécurité juridique et l'annualité de l'impôt. Finalement, la question posée au Conseil constitutionnel se résume ainsi : le législateur peut-il, et dans quelle mesure, édicter des lois fiscales rétroactives modifiant le taux et l'assiette d'un impôt déjà recouvré ?
[...] Enfin, le Conseil répond par la censure de l'article 10 de la loi, déclaré contraire à la Constitution. Ce faisant, il amorce un mouvement de perfectionnement du contrôle des lois fiscales rétroactives déjà initié dans ses précédentes décisions sans toutefois affirmer de fondement rationnel sur lequel asseoir sa solution, qui présente désormais une certaine pérennité (II). I. L'accentuation du contrôle exercé sur les lois fiscales rétroactives Le Conseil constitutionnel n'en est pas à sa première décision rendue au sujet de la rétroactivité en matière fiscale. [...]
[...] Mais on l'a dit, l'absence de fondement exprimé semble gêner : ainsi, depuis la mise en place de ce contrôle, beaucoup de propositions de lois organiques et constitutionnelles ont visé à inscrire un tel fondement dans le texte fondamental. Les premières propositions voulaient que la Constitution incorpore un principe de non-rétroactivité de la loi fiscale. Mais cette solution va contre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et rien n'a abouti en ce sens. Puis, dans la continuité, d'autres ont voulu que soit inscrit le principe de sécurité juridique à l'article 34 de la norme fondamentale proposition déposée le 15 mars 2000 par MM. [...]
[...] Voyant que l'ordonnance risquait fort d'encourir l'annulation contentieuse, le législateur avait inséré l'article 10 litigieux dans la loi déférée au Conseil constitutionnel, qui supprimait simplement et rétroactivement la possibilité de déduction, tout en abaissant le taux de la contribution. Les députés et sénateurs, contestant tous la constitutionnalité de l'article 10, lui reprochaient un caractère rétroactif bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale ainsi que la violation de plusieurs principes, parmi lesquels la sécurité juridique et l'annualité de l'impôt. [...]
[...] Le rejet du principe de confiance légitime par les juges constitutionnels semble donc justifié, de même que l'harmonisation sur les jurisprudences européennes est opportune. En effet, en vertu du principe de supériorité des normes internationales sur les normes internes, le contentieux de la rétroactivité des lois fiscales aurait pu être soustrait de facto au contrôle du juge constitutionnel, au profit des juges européen ou communautaire, plus exigeants. Nous avons vu toutefois que l'harmonisation des solutions internes et européennes s'arrête là, sans s'étendre au fondement : en droit communautaire, le principe de sécurité juridique est clairement invoqué par la CJCE pour justifier sa jurisprudence, contrairement au Conseil constitutionnel français qui se contente d'affirmer la solution. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : décision du Conseil constitutionnel du 18 décembre 1998 La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif (Code civil, article 2e). Cet article plus que bicentenaire pose le principe de non-rétroactivité des lois, justifié par une protection de la sûreté et de la constance du paysage juridique. Toutefois, posé par le Code civil, ce principe, jugé essentiel par certains, n'a que valeur législative. En conséquence, une norme de valeur égale ou supérieure pouvant toujours déroger à une autre, le législateur peut s'en écarter. [...]
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