« Le contribuable tombe sous le coup de l'abus de droit en cas d'excès d'habileté fiscale ». Cette formule empruntée à M. Cozian permet de cerner la notion telle que le législateur l'entend en matière fiscale depuis la loi de finance rectificative de 2008 (art. L. 64 livre des procédures fiscales). Auparavant, la loi donnait une image tronquée de l'abus de droit en limitant son champ d'application, si bien que la jurisprudence fut presque contrainte d'intervenir.
En l'espèce, la SA Janfin acquiert des titres de diverses sociétés et les revend après perception des dividendes, l'opération faisant ressortir une moins-value égale à ces derniers. Suite à un contrôle, l'administration fiscale va estimer que de telles opérations sont constitutives d'abus de droit sur le fondement de l'art. L. 64 LPF, leur but exclusif étant de bénéficier d'un crédit d'impôt. La société, suite à un jugement défavorable du tribunal administratif de Paris, interjette appel devant la cour administrative de Paris qui rejette sa demande relative à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. La SA forme alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, prônant une interprétation restrictive de l'art. L. 64 LPF. Elle estime en effet que l'utilisation de l'avoir fiscal ne déguisant ni une réalisation, ni un transfert de bénéfices ou de revenus, la situation litigieuse ne tombait pas sous la coupe de l'art. L. 64 CPF.
L'administration fiscale pouvait-elle se fonder sur l'ancien art. L. 64 LPF pour dénoncer un abus de droit résultant d'une situation n'entrant pas dans son champ d'application strico sensu?
[...] On peut presque y voir une sonnette d'alarme adressée au législateur, afin qu'il soit prompt à agir. Une solution convaincante aux yeux du législateur : la loi de finance rectificative de 2008, source d'unification du fondement de la répression de l'abus de droit. Le législateur ne tardera d'ailleurs pas à réagir, puisque dans sa loi de finance rectificative de 2008 il mettra fin à cette situation en posant à l'art. L LPF une définition générale de l'abus de droit, reprenant mot pour mot celle de l'arrêt Janfin. [...]
[...] Comment qualifier objectivement une telle situation si ce n'est par l'abus de droit ? L'ancien art. L LPF, supposé combattre l'abus de droit, laissait en marge ce type situation. L'abus de droit exclu d'office concernant certains impôts ainsi que les opérations de liquidation et de paiement. L'ancien art. L LPF était en outre silencieux concernant certains impôts tels que les impôts locaux ou les taxes sur les salaires et ne visait que les opérations aboutissant à la minoration de l'assiette de l'impôt, excluant donc celles relatives à la liquidation et au paiement. [...]
[...] Que la réelle intention du législateur était de sanctionner l'abus de droit en général. Le recours à ce principe s'inscrit dans une volonté d'aboutir sur la situation réellement souhaitée par le législateur. Aussi, malgré le caractère très général du principe, le contexte de l'espèce lui donne une place toute légitime. Ce principe général de fraude à la loi est repris par l'arrêt Janfin, ce qui est inédit en matière fiscale. Le juge administratif fait ici preuve d'initiative dans la mesure où aucune des parties n'avait soulevé ce biais. [...]
[...] 64B LPF)) que celui fondé sur le principe général (procédure de droit commun : contradictoire ou taxation d'office), ce qui eut bien évidemment pour effet de faciliter le recours, par l'administration, à l'abus de droit dans l'hypothèse qui n'avait pas été expressément consacrée par le législateur. En outre, en fonction qu'il découle de l'art. L LPF ou du principe général, l'abus de droit n'était pas sanctionné pareillement. Dans le premier cas, la sanction était particulièrement lourde : une pénalité d'application automatique (amende de 80 tandis que dans le second cas les sanctions ordinaires étaient susceptibles de tomber (pénalité de pour manquement délibéré/mauvaise foi ou de en cas de manœuvres frauduleuses). [...]
[...] Cozian proposa une argumentation originale qui fut, par la suite, reprise par la jurisprudence Janfin. Une intervention jurisprudentielle nécessaire face à l'inertie du législateur. Une solution astucieuse : le recours au principe général de la fraude à la loi. Si la majorité de la doctrine restait sur une position frileuse, prônant une interprétation restrictive de l'art LPF c'est que le texte n'offrait pas de marge de manœuvre. Il était en effet relativement précis, visant des situations particulières, ce qui faisait de lui un texte spécial. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture