La frontière entre l'abus de droit - condamné par la loi - et l'optimisation fiscale - elle permise – est souvent ténue et la tentation est grande pour les professionnels de l'investissement de la mettre à mal.
Tel a été le cas en l'espèce pour une société française qui a, sous l'impulsion d'une banque d'investissement, acquis une partie du capital social d'une société de holding au Luxembourg lui permettant de réaliser des placements exonérés d'impôt. En effet, la holding bénéficiait des avantages fiscaux luxembourgeois consentis aux sociétés holding ainsi que du régime favorable français dit « mère-fille », ceci lui permettant de ne pas être imposé sur le fruit de son investissement. L'administration fiscale mit en évidence un abus de droit sur le fondement de l'article L.64 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) consistant, par le biais d'un montage artificiel, à éluder l'impôt. Cette procédure lui permit de réintégrer les bénéfices ainsi obtenus dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés, ceci étant assorti d'une sanction de 80 % conformément à l'article précité.
[...] Sur la violation de l'esprit de la loi, le régime mère-fille vise à éviter une double imposition sur les bénéfices réalisés par une filiale à l'étranger. En l'espèce, la filiale n'avait qu'un but de placement financier, elle cherchait à éviter toute imposition sur les produits générés et détournait de ce fait l'esprit de la loi. Les deux conditions étant réunies, l'élément matériel est bien présent. C'est logiquement que le Conseil d'État en a déduit qu'il y avait abus de droit par fraude à la loi en l'espèce. [...]
[...] Le Conseil d'État conclut à la constitution de l'abus de droit, les faits relevés par les juges du fond permettant de mettre en évidence que les éléments matériels et intentionnels constitutifs de l'abus de droit sont ici réunis En outre, la procédure de répression de l'abus de droit est déclarée conforme par le juge fiscal, répondant à un motif impérieux d'intérêt général (II). I. La reconnaissance d'un abus de droit par fraude à la loi : la réunion des éléments matériel et intentionnel L'article L.64 du LPF fait reposer sur l'administration fiscale la charge de la preuve de l'abus de droit lui permettant d'écarter certains actes passés par le contribuable. [...]
[...] Ainsi, la liberté d'établissement tend non seulement à assurer le bénéfice du traitement national dans l'État membre d'accueil, mais s'oppose également à ce que l'État membre d'origine entrave l'établissement dans un autre État membre de l'un de ses ressortissants (CJCE mars 2004, de Lasteyrie du saillant en matière de taxation des plus-values latentes). Une entrave même indirecte est sanctionnée, il suffit que la mesure fiscale en cause limite le droit pour les sociétés nationales de créer des filiales dans d'autres États membres ou, du moins, les décourage de le faire (G. Tesauro à propos de CJCE juillet 1998, ICI). De ce point de vue, la sanction d'un montage fiscal réalisé à l'étranger s'inscrit en contrariété avec la liberté d'établissement. [...]
[...] Cette opération a donc initialement permis une imposition très faible grâce au montage permettant de bénéficier des avantages fiscaux de la France et du Luxembourg. Le montage est donc bien constitué, et l'actionnaire ne conteste pas ce fait. C'est l'élément intentionnel qui donne plus matière à débat. B. La preuve de l'élément intentionnel : le mobile exclusivement fiscal et la violation de l'esprit de la loi L'alinéa premier de l'article L.64 du LPF pose deux critères permettant d'identifier l'abus de droit par fraude à la loi : le fait que le contribuable en adoptant un comportement vienne violer l'esprit de la loi, c'est-à-dire cherche à obtenir le bénéfice d'un régime d'imposition qui n'était pas prévue pour servir au comportement en question, d'une part, et d'autre part le fait que le comportement du contribuable doit être animé par un mobile exclusivement fiscal : réaliser une économie d'impôt. [...]
[...] Tel serait le cas en l'espèce pour le Conseil d'État pour deux raisons. D'une part, eu égard à l'objectif poursuivi, qui consiste à prévenir l'évasion fiscale. Si la volonté d'éviter une érosion des recettes fiscales n'est pas une raison impérieuse d'intérêt général pour la Cour européenne (CJCE janvier 1986, Commission France), la prévention de l'évasion est en principe admis (CJCE, arrêt ICI précité). Ceci se comprend bien, il ne s'agit de rien d'autre que de permettre à un État membre, dans le contexte particulier de la liberté d'établissement, de se protéger contre l'abus de droit communautaire (RTDE, 15/04/2006, D. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture