En règle générale, le fisc se méfie de tout ce qui est gratuit : la vocation d'une entreprise est en effet de générer du profit et non de faire preuve de charité. En matière de TVA, il craint la consommation finale en franchise de taxe, d'où les interdictions au droit à déduction grevant l'acquisition de tel bien prévues à l'art. 238 1° annexe II du CGI (art. 206 ann. II du CGI depuis le 1er janvier 2008). Mais ces dispositions souffrent malgré tout d'exception.
En l'espèce, une entreprise accorde aux distributeurs de ses produits des gratifications, notamment sous forme de « chèques-cadeaux », calculées en proportion du chiffre d'affaires qu'elle réalise avec chacun d'eux, en vue de les inciter à accroître la distribution de ses produits. Lors d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale estime, en se fondant sur l'art. 238 de l'ann. II du CGI, que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) n'était pas déductible, celle-ci ayant grevée « des biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal » et procède, à ce titre, à un rappel de TVA. L'entreprise saisit alors le tribunal administratif en vue de contester cette décision. Elle soutient, d'une part, que les chèques-cadeaux constituent en l'espèce la rémunération d'une prestation de service reçue du cessionnaire et, d'autre part, que, pouvant être qualifiés d'avoir, ils ne présentent pas le caractère de biens meubles corporels, caractère requis pour faire partie des biens visés par l'art. 238 annexe II du CGI. Les juges du fond rejettent sa demande, estimant notamment que les bons présentaient un tel caractère par assimilation, dès lors qu'ils permettaient l'acquisition de biens corporels. L'entreprise forme alors un pourvoi devant le Conseil d'Etat.
L'ancien art. 238 1° de l'annexe II du CGI fait-il obstacle au droit à déduction de la TVA grevant les bons d'achat acquis par une entreprise ?
[...] Par un arrêt du 6 octobre 2004, le Conseil d'Etat répond par la négative en confirmant toutefois que l'art ann. II du CGI exige une absence de rémunération notable pour fermer le droit à déduction sur une opération mais en posant une condition supplémentaire à la mise en jeu de cet article, restreignant la fenêtre de tir de l'exclusion du droit à déduction (II). Une solution confirmant la nécessaire absence de rémunération notable pour fermer le droit à déduction en vertu de l'art ann. [...]
[...] Par son arrêt du 6 octobre 2004, le Conseil d'Etat estime que les biens visés par l'art ann. II du CGI se limitent aux biens meubles corporels. Il réduit ainsi considérablement le champ d'application dudit article. Il affirme que cette interprétation résulte des objectifs de la 6e directive du Conseil du 17 mai 1977. Il convient ici de préciser que les juges français sont en effet tenus d'interpréter la législation interne à la lumière du texte et de la finalité de la directive (CJCE avril 1984, Von Colson et Kamann). [...]
[...] Le Conseil d'Etat, donnant raison à la SA Daunat, estime qu'il s'agit là d'une qualification juridique inexacte des bons d'achat. Mais elle ne s'arrête pas là et propose sa propre analyse : il s'agirait d'un avoir au profit du porteur dans les comptes de l'émetteur du bon, à valoir sur le prix d'un bien ou d'un service proposé. Cette qualification excluant toute possibilité de rattacher aux bons d'achat le caractère de biens meubles corporels, ces derniers ne tombent pas sous la coupe de l'art ann. II du CGI et, par conséquent, la TVA les grevant ouvre droit à déduction. [...]
[...] II) Une solution venant réduire la fenêtre de tir de l'exclusion du droit à déduction en posant une condition supplémentaire à la mise en jeu de l'art ann. II du CGI. C'est en procédant en deux temps que le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 6 octobre 2004, va parvenir à réduire la fenêtre de tir de l'exclusion du droit à déduction, en restreignant d'une part le champ d'application de l'art ann. II du CGI aux seuls biens meubles corporels pour, d'autre part, attribuer aux bons d'achat une qualification juridique les faisant sortir de ce champ Une interprétation restrictive de l'art ann. [...]
[...] Si la solution du Conseil d'Etat du 6 octobre 2004 confirme la nécessité d'une rémunération critère imposé par l'art ann. II du CGI, elle précise la notion en affirmant la possibilité d'une prestation de service reçue du cessionnaire qualification qu'il rejette toutefois en l'espèce Une rémunération nécessaire, mais possible par le biais d'une prestation de service reçue du cessionnaire. L'art ann. II du CGI affirme l'exclusion de la déduction de la taxe grevant un bien cédé sans la contrepartie directe d'une rémunération L'objectif de ces dispositions est de faire obstacle à une consommation finale en franchise de taxe. [...]
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