Selon l'article 1110 du Code civil : « L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ». Dans un contrat de cautionnement, c'est-à-dire dans un contrat où une personne s'engage à garantir l'exécution d'un contrat par l'une des parties au profit de l'autre, l'erreur sur la solvabilité du débiteur principal n'est pas une erreur sur la personne car le débiteur principal est un tiers à ce contrat. Il s'agit donc d'une erreur sur la substance au sens de motif de l'engagement de la caution. Mais une telle erreur n'a pas toujours été appréciée de la même manière par la jurisprudence.
Dans l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 1er octobre 2002, M. Burtin s'est porté caution en mars 1989 pour la société Pro-collectivités envers la BNP pour le remboursement de toutes sommes dues ou à devoir par elle à concurrence d'un certain montant et a affecté un portefeuille de titres en garantie de son engagement. Quatre mois plus tard, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque assigne la caution en paiement mais cette dernière a invoqué l'erreur sur la solvabilité du débiteur principal. La Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt confirmatif du 13 janvier 2000, annule la constitution de gage souscrite par M. Burtin et rejette l'intégralité des demandes de a BNP, au motif que la caution avait entendu prendre le risque d'aider une société présentée comme en difficulté mais non de s'engager pour une société en situation déjà irrémédiablement compromise, ce dont la banque était au courant. La BNP forme un pourvoi car selon elle, pour se prévaloir d'une telle erreur, la caution aurait dû faire rentrer dans le champ contractuel la solvabilité du débiteur comme une condition déterminante de son engagement en l'indiquant expressément dans le contrat de cautionnement. Or tel n'est pas le cas donc la CA aurait violé les articles 1110 et 2011 du Code civil.
Mais la solvabilité du débiteur principal peut-elle être une condition tacite de l'engagement d'une caution ?
L'intérêt de cette question réside dans le fait de savoir dans quels cas une caution pourra se prévaloir de la solvabilité du débiteur pour voir annuler son cautionnement et ainsi être libéré de son obligation. Jusqu'ici, les juges admettent cette condition si elle est expressément inscrite dans le contrat de cautionnement. S'ils décident de l'accepter également lorsqu'elle n'est que tacite, ils permettraient d'élargir considérablement les possibilités des cautions à se délier de leur engagement.
La Cour de cassation dans son arrêt à commenter du 1er octobre a retenu que selon l'appréciation souveraine des juges du fond, le caractère viable de l'entreprise était une condition déterminante de l'engagement de la caution donc la caution avait fait de la solvabilité du débiteur principal la condition tacite de sa garantie.
Ainsi, il convient de voir tout d'abord la solvabilité du débiteur principal comme condition déterminante de l'engagement de la caution (I), puis la position de la banque créancière dans le contrat de cautionnement (II).
[...] Mais une telle erreur n'a pas toujours été appréciée de la même manière par la jurisprudence. Dans l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 1er octobre 2002, M. Burtin s'est porté caution en mars 1989 pour la société Pro-collectivités envers la BNP pour le remboursement de toutes sommes dues ou à devoir par elle à concurrence d'un certain montant et a affecté un portefeuille de titres en garantie de son engagement. Quatre mois plus tard, la société a été mise en redressement judiciaire. [...]
[...] II La position de la banque créancière dans le contrat de cautionnement La banque créancière est dans une position délicate car elle a une obligation d'informer la caution sur la situation du débiteur principal et de plus, elle risque désormais de voir de plus en plus annuler les contrats de cautionnement sur le fondement de l'erreur sur la solvabilité du débiteur principal L'obligation d'information du banquier sur la situation du débiteur principal La Cour d'appel et la Cour de cassation se sont fondées, en l'espèce, sur l'erreur sur la solvabilité du débiteur pour annuler le cautionnement. Il a été relevé que la banque était en relations d'affaires avec cette société depuis plusieurs années et ne pouvait donc ignorer cette situation. On peut donc se demander si l'arrêt aurait aussi pu se fonder sur la réticence dolosive de la BNP pour conclure à la nullité du cautionnement de M. Burtin puisqu'elle n'avait pas informé celui-ci de la situation déjà irrémédiablement compromise de la société qu'il cautionnait. En effet, de nombreux arrêts vont de ce sens. [...]
[...] Burtin et rejette l'intégralité des demandes de a BNP, au motif que la caution avait entendu prendre le risque d'aider une société présentée comme en difficulté mais non de s'engager pour une société en situation déjà irrémédiablement compromise, ce dont la banque était au courant. La BNP forme un pourvoi car selon elle, pour se prévaloir d'une telle erreur, la caution aurait dû faire rentrer dans le champ contractuel la solvabilité du débiteur comme une condition déterminante de son engagement en l'indiquant expressément dans le contrat de cautionnement. Or tel n'est pas le cas donc la CA aurait violé les articles 1110 et 2011 du Code civil. Mais la solvabilité du débiteur principal peut-elle être une condition tacite de l'engagement d'une caution ? [...]
[...] En l'espèce, dans l'arrêt à commenter du 1er octobre 2002, se basant sur cette jurisprudence constante, la BNP a adopté comme moyen à son pourvoi le fait qu'il appartenait à la caution d'introduire la solvabilité du débiteur principal comme condition déterminante de son engagement de manière expresse dans le contrat de cautionnement : il appartient à la caution qui désire faire de la solvabilité du débiteur la condition déterminante de son engagement d'introduire cette condition dans le champ contractuel en l'indiquant expressément dans l'acte de cautionnement Or M. Burtin ne l'a pas fait. Mais cela a été critiqué, notamment par Simler dans son ouvrage Cautionnement et garanties autonomes. En effet une telle condition risque d'éveiller les soupçons du créancier risquant de faire échouer l'opération. Si la condition de solvabilité du débiteur principale devait être expresse, tel n'est plus le cas depuis l'arrêt du 1er octobre 2002 de la première chambre civile de la Cour de cassation. [...]
[...] La banque n'est donc pas dans une situation avantageuse car elle risque de décourager une éventuelle caution en l'informant sur la situation plus ou moins mauvaise du débiteur principal. De plus, même lorsqu'une caution s'engage, les moyens d'annuler son cautionnement se trouvent plus nombreux et plus faciles depuis l'arrêt du 1er octobre 2002. Une jurisprudence à suivre Le risque qu'a pris la Cour de cassation dans l'arrêt à commenter d'étendre les causes d'annulation des cautionnements par une condition tacite est que les créanciers vont voir de plus en plus les cautions se défiler de leurs obligations. [...]
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