Droit fiscal, Fiscalité, TVA, Déduction, Bon d'achat, Clause de gel, Conseil d'Etat, Daunat, 6 octobre 2004
Dans cet arrêt SA Daunat du 6 octobre 2004, le Conseil d'Etat estime que l'article 206 IV 3° de l'annexe II au CGI, excluant le droit à déduction de la TVA de biens cédés sans rémunération ou pour une rémunération très faible, ne doit pas s'appliquer à des bons d'achats, ceux-ci étant des biens meubles incorporels rattachés à la catégorie prestation de services et donc exclus du champ d'application du texte.
En l'espèce, une société anonyme dont l'activité consiste en la confection et la vente de plats de restauration rapide, a sur plusieurs années, accordées à ses revendeurs des gratifications calculées en proposition du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec chacun d'eux en vue de les inciter à accroître la distribution de ses produits. Ces gratifications revêtaient la forme de « chèques cadeaux » constitués par des bons d'achat que la SA avait acquis auprès d'entreprises de vente par correspondance, et exceptionnellement, d'un engagement de sa part à régler un achat que les revendeurs effectueraient dans le magasin de leur choix.
L'administration a procédé à une vérification de comptabilité, et a constaté que la SA avait déduit de la TVA dont elle était redevable à raison de ses ventes, ce qui correspondait aux taxes mentionnées sur des factures émanant d'une entreprise de vente par correspondance, et relatifs à la délivrance par celle-ci de bons d'achat, ainsi qu'une somme correspondant à la taxe figurant sur la facture établie par un magasin de détail.
L'administration opère un rappel de TVA au motif que la SA n'avait pas le droit d'opérer ces déductions, en se fondant sur l'article 238 de l'annexe II du CGI. Le tribunal administratif de Rennes a jugé du bien-fondé du redressement. La cour administrative d'appel de Nantes rend un arrêt confirmatif du jugement de 1ère instance, au motif qu'on ne pouvait déduire de l'espèce qu'en échange des gratifications accordées par la société à ses clients, bien qu'étant calculées en fonction du chiffre d'affaires réalisé avec chacun d'eux, ce chiffre d'affaires puisse être qualifié de prestation de services constitutive d'une « rémunération », et d'autre part, que les bons devaient être assimilés aux biens corporels dont ils permettraient l'obtention, d'autant plus qu'il n'était pas établi que certains aient été utilisés à d'autres fins que l'acquisition de biens corporels.
La SA fait valoir d'une part que la « rémunération » peut éventuellement être constituée par le bénéfice d'une prestation de services reçue du cessionnaire, et d'autre part, que les bons d'achat remis par la SA à ses clients ne constituent pas des meubles corporels, alors même que les biens visés à l'article 238 1° de l'annexe II du CGI s'entendent, compte tenu des objectifs de la 6ème directive, de biens meubles corporels.
La question de droit qui se pose en l'espèce est la suivante : Est-il possible pour une société de déduire la TVA payée en amont sur des bons d'achat destinés à être offerts à ses fournisseurs ?
[...] Dans le cas analysé, la société soutenait que la remise de bons d'achat à ses clients doit s'analyser comme une prestation de services et non, comme l'a jugé la cour, comme une livraison de biens. En effet, l'Article 206 IV de l'annexe II au CGI vise les biens Or, en principe, cette catégorie est plutôt large. L'enjeu de l'arrêt commenté, à savoir la possibilité de déduire ou non la TVA payée sur les bons d'achat, était donc lié au caractère du bon d'achat et à ce qu'il faut entendre par bien dans cet article. [...]
[...] Un décret du 29 décembre 1979, qui modifiait l'article 238, avait étendu l'exclusion du droit à déduction de la TVA aux services rendus sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal. Ces services correspondaient alors à ceux mentionnés au III de l'article 256 issu de la loi du 29 décembre 1978 et incluaient notamment la livraison de biens meubles incorporels. Le Conseil d'Etat, par sa célèbre décision Alitalia du 3 février 1989, avait alors jugé ce décret illégal en ce qu'il méconnaissant les objectifs de la 6ème directive et de la clause de gel par cette extension. [...]
[...] L'administration opère un rappel de TVA au motif que la SA n'avait pas le droit d'opérer ces déductions, en se fondant sur l'article 238 de l'annexe II du CGI. Le tribunal administratif de Rennes a jugé du bien-fondé du redressement. La cour administrative d'appel de Nantes rend un arrêt confirmatif du jugement de 1ère instance, au motif qu'on ne pouvait déduire de l'espèce qu'en échange des gratifications accordées par la société à ses clients, bien qu'étant calculées en fonction du chiffre d'affaires réalisé avec chacun d'eux, ce chiffre d'affaires puisse être qualifié de prestation de services constitutives d'une rémunération et d'autre part, que les bons devaient être assimilés aux biens corporels dont ils permettraient l'obtention, d'autant plus qu'il n'était pas établi que certains aient été utilisés à d'autres fins que l'acquisition de biens corporels. [...]
[...] Cela ressort d'un arrêt de la chambre commercial du 6 juin 2001, dit La Redoute. Le Conseil d'Etat estime donc que le bon d'achat ne saurait s'analyser autrement que comme une prestation de service, devant de ce fait être rattaché à la catégorie des prestations de services pour la lecture de ce texte. Par conséquent, les bons d'achat n'entrent pas dans le champ d'application de cet article excluant le droit à déduction. Le Conseil d'Etat à travers cet arrêt, clairement déduit de la modification réglementaire intervenue, excluant les services de l'article 238, à la suite de la décision Alitalia, que le décret du 11 mai 1989 doit être interprété comme n'ayant laissé subsister que la cession de biens corporels dans le texte de l'annexe II. [...]
[...] Elle va venir grever chaque opération économique. Mais ce sera le consommateur final qui portera le poids de l'impôt. En effet, le système de TVA prévoit l'imposition des opérations réalisées à chacun des stades de la production et de la distribution des biens et services. L'exercice du droit à déduction permet de neutraliser cette imposition au profit de tout acheteur qui utilise ces biens et services pour les besoins d'opérations également imposables. L'exercice par les redevables du droit à déduction de la taxe ayant grevé les éléments du prix de leurs opérations imposables constitue ainsi l'un des mécanismes essentiels de la TVA. [...]
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