Deux récents arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation portent sur la validité des clauses permettant à l'employeur de modifier unilatéralement un élément du contrat de travail. Il s'agit de l'arrêt rendu le 27 février 2001 dans l'affaire "société Gan Vie c/ Rouillot" et l'arrêt rendu le lendemain, le 28 février 2001 dans l'affaire "Paris c/ société Casino France"...
Le premier arrêt pose un principe général sur lequel portera notre commentaire : la prohibition des clauses de variabilité dans le contrat de travail. Le second arrêt, d'un intérêt moindre, semble être contradictoire avec le premier; il viendra nous aider à préciser les contours du principe.
Il conviendra d'exposer successivement la portée du principe posé (I), puis son fondement (II)...
[...] Le principe dégagé par l'arrêt du 27 février remet en cause la force obligatoire des stipulations contractuelles. Alors que salarié a par avance déjà consenti à la modification, cette modification ne peut lui être opposée Cette solution est contraire à la force et à l'autonomie du contrat. Or cette solution est très gênante pour l'employeur, par sa rigidité. L'entreprise doit en permanence s'adapter à la concurrence, d'où parfois la nécessité d'ajustements. Tout ne peut pas être fixé à l'embauche. Reposant sur une conception figée des relations de travail, l'arrêt du 27 février 2001 retire la possibilité d'introduire valablement une certaine souplesse dans le contrat de travail. [...]
[...] En l'espèce l'employeur soutenait que la clause était plus favorable au salarié, mais il était acquis en jurisprudence[1] que cette circonstance était indifférente : aucune modification de la rémunération contractuelle ou de son mode de calcul ne peut être imposée au salarié, même si elle lui est plus favorable. Cette solution est justifiée car une clause permettant à l'employeur de modifier unilatéralement les modalités de rémunération réduirait à néant l'accord des parties sur la rémunération, élément essentiel du contrat de travail. [...]
[...] Or les clauses de variabilité conduisent l'employeur à rompre unilatéralement le contrat si le salarié refuse de se conformer à la clause. Pour la Chambre sociale, les clauses de variabilité s'opposent à la lettre de l'article 1134 alinéas 2 en permettant une révocation unilatérale du contrat par l'employeur. L'arrêt ajoute que le salarié ne peut valablement renoncer aux droits qu'il tient de la loi. Cette mention est commentée par M. Philippe Waquet lui même : supposer que l'article 1134 ait un caractère supplétif, ce qui reste à démontrer, il est impossible d'envisager, en droit du travail que le salarié puisse renoncer, par avance, à la protection que la loi contractuelle lui procure et qu'il puisse valablement accepter sans les connaître les modifications que l'employeur se réserve d'apporter au contrat de travail”. [...]
[...] Avec l'arrêt la Cour prohibe explicitement toute clause de variabilité quel que soit son objet. Or l'arrêt du 28 février 2001, rendu le lendemain de l'arrêt semble s'opposer à la généralisation du principe. Le principe s'applique-t-il aux clauses de mutabilité? la remise en cause du caractère absolu du principe Y a-t-il contradiction totale entre l'arrêt et l'arrêt Peut-on supposer que deux arrêts rendus à un jour d'intervalle par la même Chambre sociale de la Cour de cassation puissent se contredire totalement? On peut difficilement le croire. [...]
[...] Plutôt que d'invalider a priori les clauses de variabilité, la Cour de cassation aurait pu contrôler étroitement leur mise en oeuvre, notamment au regard de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil qui exige l'exécution de bonne foi des conventions. Cette exigence de bonne foi dans l'utilisation des clauses de variabilité est déjà contrôlée par la Chambre sociale[7]. Certains auteurs font même un parallèle entre la lutte contre les clauses abusives en droit de la consommation[8] et le contrôle par la Cour de cassation des usages abusifs par l'employeur des stipulations contractuelles. On constate donc les faiblesses du fondement sur lequel repose le principe dégagé par l'arrêt Vie”. [...]
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