La syndicalisation en France a « quasiment été divisée par deux en vingt-cinq ans », constate le Président de la section sociale du Conseil d'Etat, M. Hadas-Lebel dans son rapport sur la représentativité syndicale et le financement des syndicats remis le 3 mai 2006 sur demande du Premier ministre. Cette « faiblesse du taux de syndicalisation » - environ 8%, et seulement 5% dans le secteur privé – place la France au trentième rang des pays membres de l'OCDE ». La situation est donc alarmante, le décalage s'accroît entre les réalités syndicales et les règles de représentativité syndicale… Une réforme s'impose…
Le rapport Hadas-Lebel, long de plus de 130 pages, est au centre de l'actualité sociale de notre pays. Il sert aujourd'hui de réflexion, aux côtés de l'avis du Conseil économique et social du 29 novembre dernier, à une rénovation en profondeur du dialogue social : après un état des lieux objectif et détaillé, il envisage en dans une seconde partie diverses solutions aux problèmes actuels soulevés par la représentativité des organisations professionnelles et syndicales, la négociation collective et la validité des accords - en général et plus particulièrement au sein des PME - ainsi que le financement des organisations syndicales.
Une question centrale du rapport concerne donc une réforme de la représentativité syndicale. Cette dernière intervient en effet comme un élément primordial de la négociation collective, l'article L132-2 du Code du travail subordonnant la conclusion de conventions ou accords collectifs à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, et une ou plusieurs organisations syndicales de salariés « reconnues représentatives au plan national ». La nécessité d'une telle représentativité n'est en aucun cas remise en cause par le rapport : la légitimité incontestée des syndicats, acteurs de la négociation, conditionne en effet celle des accords et convention collectives conclus par eux…
Ce qui pose problème selon l'état des lieux du rapport, ce sont les critères de représentativité lorsque celle-ci doit être prouvée, et les listes des organisations confédérées les plus représentatives, lorsqu'une telle représentativité est présumée par la loi. Il leur est principalement reproché d'être « stables depuis un demi siècle » alors que la réalité syndicale a « considérablement évolué pendant cette période »… Le rapport expose néanmoins ensuite les difficultés d'une telle réforme de la représentativité, qui se heurte à « la difficulté de mesure de l'audience et de l'influence ainsi qu'aux réticences des organisations qui bénéficient de la présomption irréfragable à faire évoluer ce système ».
Il s'agira donc ici de préciser, à la lumière de cet extrait, en quoi les critères de preuve et la présomption de représentativité syndicale posés il y a cinquante ans imposent aujourd'hui une réforme pourtant difficile à réaliser.
L'auteur du rapport, après avoir dénoncé le caractère obsolète et périmé des deux modes de représentativité syndicale (prouvée et présumée) (I), envisage donc une réforme nécessaire mais difficile de la notion (II).
[...] Le Conseil économique et social, dans son avis du 29 novembre 2006 après examen du rapport Hadas-Lebel, estime avantageux de recourir au biais des élections prudhommales. Le problème reste que ces élections, certes générales et se situant au niveau de l'entreprise, emportent un taux d'abstention très élevé et ne concernent pas la fonction publique ; en outre, cela reviendrait à reléguer à un plan secondaire leur objet premier, à presque les dénaturer : comme le constate le Conseil, l'élection prudhommale deviendrait d'abord l'élection de la représentativité des organisations syndicales et permettraient secondairement la désignation des conseils de prudhommes Si une telle solution était néanmoins adoptée, les prochaines élections auraient lieu en 2008, puis tous les cinq ans. [...]
[...] C'est ainsi que l'auteur exposer dans l'extrait les difficultés d'une telle réforme : en particulier, la mesure de l'audience et la réticence des organisations présumées représentatives Les éventuels changements envisagés : entre adaptation et transformation L'auteur du rapport envisage, d' éventuels changements en matière de représentativité syndicale. Ces changements dits éventuels - en tant que simples propositions faites au premier ministre - semblent en fait s'imposer, eu égard à la situation presque alarmante décrite dans l'état des lieux du rapport. Ce qui fait douter M. Hadas-Lebel, qui reste très prudent, c'est en fait la nature de la réforme à effectuer. [...]
[...] Aussi, exemple extrême mais fréquent, un syndicat local affilié pourra-t-il conclure un accord collectif dans une entreprise de 100 salariés dont trois seulement sont adhérents Pour le Comité économique et social, qui a rendu un avis le 29 novembre 2006 à partir du rapport Hadas-Lebel, cette présomption irréfragable de représentativité des syndicats affiliés aux cinq grandes confédérations de la liste est largement obsolète : sa réforme, c'est une exigence d'équité, de réalisme, de bon sens et d'efficacité Entrave à l'épanouissement du pluralisme, frein à la relance du dialogue social, facteur de baisse de légitimité des acteurs collectifs, la présomption irréfragable de représentativité des cinq grandes confédérations et des syndicats affiliés n'est donc pas exempte de critiques. Les syndicats non affiliés, indépendants, s'insurgent contre la rigidité et le complet décalage de la loi et de la situation sociale réelle. Suite à ce constat, se pose la question d'une réforme de cette représentativité. Une telle réforme ne risque-t-elle cependant pas de s'opposer à de vives contestations des syndicats bénéficiant de la présomption de représentation ? [...]
[...] C'est en toute hypothèse le cas de l'indépendance du syndicat : il ne s'agit pas d'un critère dépassé. Elle est en effet aujourd'hui encore nécessaire, puisqu'elle garantit la liberté d'action et de revendication du syndicat par rapport aux partis politiques et aux employeurs. Ainsi, il paraît logique qu'un syndicat recevant la totalité des moyens financiers de subventions patronales ne puisse être représentatif et donc conclure des conventions et accords collectifs avec l'employeur qui le finance En second lieu, l'influence du syndicat, appréciée au regard des différents indices légaux de L133-2, est indispensable à la légitimité du syndicat dans la négociation collective. [...]
[...] En définitive, les défauts propres à la situation actuelle en raison de la présomption irréfragable risqueraient de perdurer en pratique malgré la réforme. Compte tenu de ce contexte de tensions et de ces difficultés latentes, il est des plus probable que la réforme finale se fasse à partir du scénario d'adaptation présenté par le rapport Hadas-Lebel (et non de transformation radicale). L'avis du Conseil économique et social irait d'ailleurs en ce sens, ainsi que la réforme lancée le 25 janvier dernier par le ministre délégué au travail M. Larcher. [...]
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