Bien souvent le Droit du travail s'est fait protecteur du salarié, conscient de sa faiblesse face à l'employeur dans la relation de travail. La modification du contrat de travail peut ainsi apparaître comme un événement où cette inégalité se concrétise. Toutefois, le concept d'un Droit du travail toujours plus généreux pour les salariés tend à s'estomper. Dès lors, il est possible de se demander si le régime de la modification du contrat de travail ne protège pas trop les intérêts des salariés.
Le contrat de travail est défini par le Vocabulaire Capitant comme « le contrat synallagmatique à titre onéreux caractérisé par la fourniture d'un travail en contrepartie du paiement d'une rémunération et par l'existence, dans l'exécution du travail, d'un lien de subordination juridique du travailleur à l'employeur ». Le Code du travail ne définit pas le contrat de travail. Tout juste son article L121-1 indique-t-il que « le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun ». Le lien de subordination présente une nature ambivalente. Il résulte du contrat de travail et pourtant suppose un pouvoir de direction de l'employeur, ce qui est contradictoire avec les principes consensualiste et égalitariste encadrant les relations contractuelles de droit commun. Ainsi, le contrat de travail dépasse le cadre du droit commun auquel le soumet l'article L121-1. C'est la jurisprudence qui définit précisément les contours du contrat de travail, délimitant ce qui y est contenu et les éléments relevant des autres sources encadrant la relation de travail. Ainsi, ne sont pas contractuels, la loi, les conventions et accords collectifs ou encore les engagements pris ou les règles émises par l'employeur. Toutefois des éléments provenant de sources autres que le contrat de travail peuvent s'y incorporer par l'effet de clauses les reprenant.
La modification est définie par le Vocabulaire Capitant comme « un changement partiel du contrat ». Elle se distingue ainsi de la novation laquelle emporte substitution d'un nouveau contrat à l'ancien qui lui s'éteint de ce fait. La modification comme la novation s'entendent ainsi en Droit commun comme émanant de la volonté de toutes les parties et non d'une seule. Le Droit du travail reprend ces éléments de définition. Mais, le terme de modification y emporte une signification encore plus précise. La modification en droit du travail suppose un élément objectif, le changement matériel, et un élément subjectif, l'intention de changement. La modification suppose aussi une durée dans le temps, une permanence. Le changement ponctuel ou provisoire n'est pas une modification. Enfin, la modification du contrat de travail emporte désormais une signification bien particulière en ce que la jurisprudence la distingue du changement dans les conditions de travail depuis un arrêt de la chambre sociale du 10 juillet 1996. Cela recoupe la distinction précédemment établie entre le contrat de travail et les autres sources. Ainsi la modification des autres sources emporte pour le salarié changement dans ses conditions de travail. De plus, il faut constater que la modification désigne le changement opéré sur un acte juridique, ici le contrat de travail. Le changement désigne lui les nouveautés sur le plan factuel, ici les modalités de l'exécution du contrat de travail.
Les intérêts des salariés sont divers. Il convient ici de se limiter à ceux qui pourraient être en jeu du fait de la modification du contrat de travail. Vient très certainement en premier lieu la stabilité de la situation, au sens large, du salarié. Mais de manière indirecte la modification peut aussi atteindre d'autres intérêts. Ainsi, elle peut constituer une discrimination larvée ou un moyen de chantage afin d'obtenir autre chose. Il faut aussi constater que les intérêts du salarié entrent souvent en conflit avec les intérêts de l'entreprise, notamment d'ordre économique. La protection du salarié lors de la modification de son contrat de travail réside ainsi essentiellement dans son droit de refuser la modification.
Une protection trop importante pose la question de l'équilibre entre ces intérêts bien souvent contradictoires. Il est donc nécessaire à la fois de connaître l'étendue de cette protection mais surtout de déterminer si elle légitime. Cette légitimité doit être envisagée sur le plan juridique. Mais, cette question de l'excès éventuel impose aussi d'envisager les aspects politiques qui motivent le régime actuel en matière de modification du contrat de travail.
Il convient ainsi de déterminer si le régime de la modification du contrat de travail protège trop les intérêts des salariés.
Ce questionnement est d'actualité. En effet, l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 a prévu qu'un régime général de la modification du contrat de travail doit figurer aux dispositions de la prochaine réforme. Le nouveau Code du travail présente ainsi un chapitre « Exécution et modification du contrat de travail », où figurent déjà les dispositions concernant la modification pour motif économique ou suite à un accord de réduction du temps de travail. Toutefois, le contenu de ce futur régime général n'est pas connu. Ainsi la réponse à la question de la surprotection éventuelle du salarié conditionne l'orientation à adopter en matière de modification du contrat de travail
Il y a par ailleurs ici un intérêt idéologique. En effet poser la question de la surprotection des salariés suppose d'envisager le Droit du travail comme ne devant pas nécessairement s'orienter dans la seule direction du progrès pour les travailleurs. Il y a là l'idée d'un Droit qui doit être réaliste et qui doit prendre en compte les réalités de l'entreprise, notamment économiques.
Par ailleurs, transparaît aussi ici clairement, l'articulation classique en Droit du travail des libertés du salarié et de la liberté d'entreprendre. Le régime de la modification du contrat de travail arbitre entre ces deux intérêts. Un régime souple favorise la liberté d'entreprendre mais nuit à la sécurité du travail, et inversement. Il sera donc ici intéressant de voir si le régime actuel assure l'équilibre entre ces intérêts ou, au contre, avantage l'un des deux bords.
Le régime de la modification du contrat de travail est essentiellement issu de la jurisprudence sociale. Celle-ci, souvent favorable au salarié, a établi au profit de celui-ci un droit de refus à la modification. Sans qu'ici une recherche d'autonomie ne soit nécessaire, le Droit du travail parvient ainsi à protéger le salarié en faisant application du principe classique du consensualisme. Ce régime apparaît comme légitime dans la mesure où l'acte de modification peut être lourd de conséquences sur la situation du salarié. De plus, il apparaît inconcevable que le salarié qui est le plus faible dans la relation de travail dispose de droits moindres et ne puisse s'exprimer à l'occasion de la modification de son contrat de travail. Toutefois, l'intérêt du salarié entre en conflit avec l'intérêt de l'entreprise. Celle-ci a ainsi parfois véritablement besoin de modifier le contrat de ses salariés, auquel cas un refus pourrait leur être véritablement préjudiciable. Ainsi, le législateur s'est attaché à amoindrir la protection lorsqu'elle paraissait trop importante et pouvait conduire à des situations injustes ou ingérables pour l'employeur. Ces réformes étaient nécessaires. Un certain équilibre semble ainsi exister. Toutefois, l'idée que le Droit du travail en s'assouplissant, s'il favorise directement les employeurs, bénéficie aux salariés en introduisant de la flexibilité dans les relations de travail, combinée aux perspectives de réformes à venir, peut faire craindre une sous protection future des salariés.
Ainsi, la protection dont bénéficie les salariés lors de la modification de leur contrat de travail est légitime (I), les restrictions qui y sont apportées permettent d'assurer un fragile équilibre (II).
[...] En réalité, cette nouvelle dichotomie précise la limite de ce qu'il convient d'appeler modification. Ainsi, seuls les éléments essentiels du contrat de travail peuvent être modifiés, les autres éléments sont eux changés, ce qui n'ouvre pas droit au refus. Le refus d'un changement sera alors une faute, dont la gravité sera appréciée par le juge, et qui ouvre donc droit à sanction disciplinaire par l'employeur. Le salarié pourra toutefois essayer de prouver la mauvaise foi de l'employeur ou que le changement est contraire aux intérêts de l'entreprise. [...]
[...] Ce régime apparaît comme légitime dans la mesure où l'acte de modification peut être lourd de conséquences sur la situation du salarié. De plus, il apparaît inconcevable que le salarié qui est le plus faible dans la relation de travail dispose de droits moindres et ne puisse s'exprimer à l'occasion de la modification de son contrat de travail. Toutefois, l'intérêt du salarié entre en conflit avec l'intérêt de l'entreprise. Celle-ci a ainsi parfois véritablement besoin de modifier le contrat de ses salariés, auquel cas un refus pourrait leur être véritablement préjudiciable. [...]
[...] Cette restriction s'explique, car la modification touche tout le personnel. Ainsi, il n'y a pas d'atteinte à l'intérêt individuel du salarié bien que son contrat s'en trouve modifié. De manière plus pragmatique, un droit de refus dans cette hypothèse nuirait fortement au jeu des cessions entre sociétés. Une autre restriction du droit de refus concerne l'hypothèse d'une modification des contrats pour motif économique. L'article L321-2 prévoit ainsi un délai pour le salarié pour manifester son refus, son silence au-delà vaut acceptation. [...]
[...] Des restrictions nécessaires de la protection du salarié lors de la modification du contrat de travail Des restrictions ont été apportées au droit de refus du salarié à la modification de son contrat de travail. Elles permettent ainsi d'établir un équilibre entre la nécessité de stabilité du salarié et les contraintes diverses que peut subir l'entreprise. Ainsi, ces restrictions sont nécessaires à la protection des intérêts de l'entreprise elles doivent se limiter à la protection de ces intérêts Des restrictions nécessaires à la protection des intérêts de l'entreprise La première restriction concerne la modification de la situation juridique de l'employeur. [...]
[...] Le salarié a le droit de refuser, car la modification qui porte sur un contrat et donc entraîne modification de certains de ses éléments, a une nature contractuelle. Cette obligation de recueillir l'acceptation du salarié se limite toutefois au seul champ de la modification du contrat Une protection proportionnée à la seule modification du contrat Si le salarié peut refuser la modification du contrat de travail, il ne peut refuser que la modification du contrat de travail. Ainsi, la modification du statut collectif qui emporterait des conséquences individuelles ne saurait faire l'objet d'un refus. [...]
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