Le ministre délégué aux Relations du travail a lancé le 16 février une opération de recodification qui devait s'achever pour la célébration du centenaire du ministère à l'automne 2006 : en effet, une ordonnance a été préparée en vertu de l'habilitation donnée au gouvernement par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit et les délais prévus coïncident avec cette date historique. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que cette troisième version du code, après celles de 1910-1927 et de 1973, sera elle-même historique et à la mesure des attentes de ceux qui réclament « un Code du travail plus efficace », comme le Rapport Virville, ou bien des craintes de ceux qui voient une menace d'autodafé derrière tout projet de réforme du Droit social.
Depuis la dernière codification, le Code du travail est devenu méconnaissable, en grande partie à cause du travail législatif et de la multiplication des lois fourre-tout, des articles vidés de leur contenu, et jamais remplacés, des sous-articles et des sous-sous-articles, des renvois qui rendent illisibles les règles applicables, de l'empilement des règles les unes sur les autres au mépris de toute recherche d'équilibre ou de stabilité, ou encore des textes non codifiés alors qu'ils devraient l'être.
Le communiqué du ministère insiste d'ailleurs bien sur les limites d'une codification « à droit constant ». Il témoigne aussi involontairement des difficultés de l'entreprise en s'efforçant de la justifier avec les arguments suivants : « Depuis sa dernière révision en 1973, il a subi de nombreux ajouts, plusieurs de ses dispositions sont devenues obsolètes (tel le livret ouvrier des travailleurs à domicile de tissage ou les prescriptions sur la coupe d'une pièce de velours en coton), tandis que des éléments de nature jurisprudentielle ou législative essentiels n'y figurent toujours pas (telle la loi du 19 janvier 1978 sur la mensualisation) ».
Il est bien sûr tentant d'aller chercher des règles qui fleurent bon le XIXe siècle pour démontrer l'urgence d'une modification. Encore faut-il choisir celles qui n'ont pas déjà été abrogées. Or, ce livret des tisserands à domicile prévu par l'article L. 722-1 a été supprimé par l'ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004, prise en application de la précédente loi de simplification du droit du 2 juillet 2003 et les articles correspondants de la partie réglementaire sont devenus caducs. Par ailleurs, les règles en cause ne fixaient pas « les prescriptions sur la coupe d'une pièce de velours en coton », mais déterminaient « les moyens de constater les conventions relatives aux salaires en matière (...) de coupe de velours de coton », ce qui est loin d'être la même chose et montre que l'obsolescence est une notion relative. Car ces problèmes de preuve peuvent toujours se poser, mais on y remédiera avec les moyens de droit commun, notamment pour les nouvelles formes de télétravail.
En tout cas, la présente habilitation ne vise plus spécifiquement des dispositions anciennes qui seraient devenues désuètes et on devrait encore voir subsister les articles sur les chambres d'allaitement, pourtant introuvables depuis les années 1920. Tout au plus, selon l'exposé des motifs de la loi du 9 décembre 2004, pourrait-on remplacer « ouvrier » par « salarié » ou « congédiement » par « licenciement ». Mais ceci « sous la réserve que la substitution de vocabulaire demeure sans effet juridique ».
Et c'est là qu'apparaît la grande difficulté de la réforme. La loi d'habilitation précise, selon des formules consacrées, qu'il s'agit d'inclure « les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées » et que ces dernières « sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes (...), harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet ». Or, le communiqué précité introduit deux facteurs de perplexité dans les choix à effectuer, qui vont peut-être susciter des réactions politiques. D'abord, en faisant référence aux éléments essentiels de nature jurisprudentielle, dont on n'a jamais entendu dire qu'ils appartenaient d'emblée à des matières codifiables. Et ensuite, en évoquant cette loi du 19 janvier 1978 sur la mensualisation, dont il faut remarquer que certaines dispositions ont déjà bel et bien été codifiées (art. L. 133-1, L. 133-12 et L. 226-1) et que celles qui ne le sont pas représentent en fait une extension d'un accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977, ce qui pose tout le problème de la place relative du code et des conventions collectives !
Cependant plusieurs très bons connaisseurs de ces questions sont appelés à confronter leurs opinions, et notamment leur vision de la jurisprudence ancienne ou actuelle, en siégeant dans un comité d'experts constitué à côté d'une commission des organisations professionnelles. Ces magistrats, fonctionnaires, universitaires et avocats expérimentés forment une commission diversifiée, qui fait songer à un illustre exemple bicentenaire et qui offre les meilleures garanties pour un projet capable de passer l'épreuve de la loi de validation et celle de la réception sociale.
Or, depuis l'annonce du projet, quelques inquiétudes ont été formulées, pour remettre en cause, soit l'utilité de l'entreprise, considérée comme dérisoire au regard de la nécessité de repenser totalement le Droit du travail, soit la sincérité des intentions des pouvoirs publics suspectés de préparer de manière sournoise une « décodification à droit constant ».
Il convient de reprendre point par point les éléments de la recodification qui furent l'objet des plus vives analyses et critiques.
[...] Recodification ou décodification ? Le ministre délégué aux Relations du travail a lancé le 16 février une opération de recodification qui devait s'achever pour la célébration du centenaire du ministère à l'automne 2006 : en effet, une ordonnance a été préparée en vertu de l'habilitation donnée au gouvernement par la loi nº 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit et les délais prévus coïncident avec cette date historique. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que cette troisième version du code, après celles de 1910-1927 et de 1973, sera elle-même historique et à la mesure des attentes de ceux qui réclament un Code du travail plus efficace comme le Rapport Virville, ou bien des craintes de ceux qui voient une menace d'autodafé derrière tout projet de réforme du Droit social. [...]
[...] S'il paraît, en effet, pertinent de débarrasser le Code de dispositions n'y ayant pas leur place, l'accessibilité au Droit du travail risque d'être limitée si les règles sont trop éparpillées entre les différents codes. En ce sens, la remarque des députés n'était donc pas dépourvue de toute justesse, qui mettait en garde contre le risque d'un Droit du travail peu lisible faute d'un traitement unifié des relations de travail, seule garantie de normes sociales protectrices communes à tous les salariés L'inclusion de la jurisprudence De nouvelles dispositions sont introduites, qui se font parfois l´écho de solutions jurisprudentielles : d'une règle forgée par un juge, susceptible d'évoluer par la volonté du juge pour tenir compte, entre autres, des métamorphoses du tissu social ou économique, la transmutation est opérée en norme de caractère législatif. [...]
[...] Il est suivi d'un livre II consacré à leurs outils de contractualisation : la convention et l'accord. Vient ensuite un livre III consacré aux institutions représentatives du personnel. Un livre entier est consacré à la protection des salariés dotés d'un mandat de représentation. Tous les cas régis dans l'ancien code par des dispositions éparses, voire par des textes non codifiés, ont été rassemblés dans ce livre. Seul le médecin du travail, dont le licenciement est cependant soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail n'a pas été intégré car il n'est pas titulaire d'un mandat. [...]
[...] Ce plan en huit parties a permis de codifier des dispositions qui n'avaient jamais été intégrées au Code du travail. Il s'agit, en premier lieu, de la loi du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation, dont les articles de l'ANI de 1977, qui lui sont annexés, ont été intégrés dans le nouveau Code (mensualisation, jours fériés, indemnisation maladie, indemnité de départ en retraite). Il s'agit en second lieu, de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, de l'ordonnance du 27 septembre 1967 relative aux titres-restaurants, de la loi du 4 août 1982 relative aux chèques- transports, des dispositions de Droit du travail du Code professionnel local et du Code civil applicable en Alsace-Moselle, et de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité. [...]
[...] La création d'une partie IV consacrée à la santé et à la sécurité au travail obéit à une logique propre. La première raison, purement pratique, est de donner de l'espace à des dispositions de plus en plus nombreuses, dont la numérotation était devenue erratique. Les dispositions législatives en matière de coordination de chantier trouvaient leur équivalent réglementaire dans un chapitre différent. Des décrets non codifiés, de première importance[4], devaient être codifiés et trouver leur place dans une nouvelle architecture, suffisamment large pour pouvoir accueillir d'autres décrets à venir dans un domaine particulièrement prolifique sur le plan réglementaire. [...]
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