Le législateur de 2002 va dans le sens de celui de 1992 en refusant d'associer un agissement de harcèlement sexuel à une atteinte à la dignité de la personne humaine et crée alors une nouvelle notion ayant pour objectif de protéger la dignité dans le monde du travail, il s'agit du harcèlement moral (a). Comment peut-on alors qualifier le harcèlement sexuel : est-ce une forme de discrimination en raison du sexe ? (b)
En 1992, le cadre législatif crée pour le harcèlement sexuel s'éloigne du concept de dignité du salarié qui ne lui servira pas de fondement. C'est la notion d'abus d'autorité qui va s'imposer, et le harcèlement sexuel est alors lié à un détournement de pouvoir de la part de l'employeur qui abuse de sa position dominante dans la relation de travail. Il se sert de son autorité à des fins autres que celles prévues dans le cadre d'un contrat de travail et détourne le lien de subordination imposé au salarié.
La législation française de 92 n'associe donc pas le harcèlement sexuel à une atteinte à la dignité de la personne et s'écarte ainsi de l'approche de certains Etats membres de l'Union européenne qui n'ont pas hésité à associer les deux notions. En Allemagne par exemple, la loi du 24 juin 1994 sur l'égalité des droits entre les hommes et les femmes prévoit une série de dispositions qui visent à sauvegarder la dignité des uns et des autres en les protégeant contre le harcèlement sexuel.
Si le harcèlement sexuel trouve son fondement dans la notion d'abus d'autorité ce n'est pas le cas du harcèlement moral. En effet les relations de travail qui sont envisagées par le législateur dépassent la simple relation de subordination. Ainsi la loi permet de condamner aussi bien le harcèlement moral vertical, qui implique une relation hiérarchique, que le harcèlement moral horizontal, en absence de tout rapport d'autorité, comme c'est le cas par exemple lorsque le harcèlement survient entre salariés, ou bien lorsqu'il a lieu entre un salarié et un client, ou encore entre un salarié et un usager de service.
Le harcèlement moral semble donc, contrairement au harcèlement sexuel, trouver son fondement dans la protection de la dignité au travail. C'est la loi de modernisation sociale de janvier 2002 qui intègre pour la première fois dans le Code du travail le terme de « dignité ». En effet, l'article L.122-49 qui définit le harcèlement moral dispose qu' « aucun salarié » ne doit subir « les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
[...] Mais la loi de modernisation sociale a modifié cet article qui ne se réfère plus à la notion de harcèlement sexuel. Elle confirme donc cette tendance à la distinction entre les notions de harcèlement sexuel et de discrimination. La loi se contente en effet d'interdire toute mesure discriminatoire à l'encontre d'un salarié ayant subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle La discrimination n'est ici envisagée que comme la conséquence d'un comportement de harcèlement sexuel. [...]
[...] : art.L.230-2 du Code du travail) ne conduisaient pas à un résultat équivalent, car le harcèlement rentrait difficilement dans leur champ d'application. D'ailleurs les victimes n'agissaient pas sur ce fondement mais mettaient seulement en jeu la responsabilité civile de l'employeur lorsque ce dernier avait réagi de façon humiliante à leur accusation de harcèlement (Soc.27 janvier 1993). Grâce à ces articles, les cas de condamnation de l'employeur se feront plus fréquents. Mais il reste à déterminer en quoi consiste cette condamnation car le texte ne précise pas comment il peut être sanctionné. [...]
[...] En effet, le législateur n'a pas réservé l'utilisation de ces deux articles à la seule victime directe du harcèlement, il a également admis le témoin des agissements litigieux. En pratique, les affaires portées devant les tribunaux émanent exclusivement des victimes du harcèlement, mais la possibilité offerte aux témoins n'en demeure pas moins fondamentale : elle conditionne leurs dépositions, lesquelles facilitent grandement la preuve des agissements. Même s'il n'est pas visé par les textes, le salarié démissionnaire peut également invoquer l'un ou l'autre article selon qu'il a été victime d'un harcèlement moral ou sexuel. [...]
[...] En effet, si l'incrimination du harcèlement moral proprement dit obéit à une définition homogène dans le Code pénal et le Code du travail, l'article 222-33-2 du Code pénal a une portée plus large que celle de l'article L.122- 49 alinéa 1 du Code du travail. Ce dernier n'est applicable qu'à une victime ayant le statut de salarié. De ce fait, le harcèlement moral vertical ascendant n'est incriminable dans le Code du travail que s'il s'agit d'un harcèlement d'un salarié envers un supérieur hiérarchique salarié. En revanche, n'entre pas dans les prévisions du texte, le harcèlement moral ascendant d'un salarié envers un dirigeant non salarié. L'incrimination contenue dans le Code pénal va pouvoir prendre la relève et permettre d'englober toutes les hypothèses de harcèlement. [...]
[...] Les sanctions civiles Les articles L.122-46 et L.122-49 retiennent la nullité de plein droit de tout acte contraire. On en déduit donc que le salarié victime peut obtenir l'annulation de son licenciement ou de sa démission requalifiée en licenciement, et comme la nullité entraîne l'effacement rétroactif de la mesure prononcée contre le salarié, ce dernier pourra exiger sa réintégration dans l'entreprise, laquelle ne pourra pas être refusée par l'employeur. Lorsque ces textes n'existaient pas, les victimes licenciées fondaient leur demande sur l'article L.122-14-4 (licenciement sans cause réelle et sérieuse), mais en vertu de ce texte, les tribunaux pouvaient seulement proposer la réintégration et l'employeur pouvait donc la refuser. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture