Les notions de vie personnelle et de pouvoir disciplinaire, dans le contexte de la vie professionnelle, recouvrent des intérêts divergents du salarié et de l'employeur.
Les rapports de travail entre ces deux agents sont essentiellement caractérisés par l'existence entre eux d'un lien de subordination, lequel procure à l'employeur un pouvoir disciplinaire qui va venir encadrer le comportement de ses salariés. Toutefois, l'étendue des pouvoirs conférés à l'employeur est modérée par le droit pour garantir au salarié le respect de sa vie personnelle.
Bien que la vie personnelle du salarié s'exerce principalement en dehors du lieu et temps de travail, elle existe aussi inévitablement dans la sphère professionnelle. Il s'agit alors de savoir dans quelles mesures la vie personnelle du salarié peut être prise en compte dans l'établissement des règles et des sanctions disciplinaires ? Au-delà de la question du champ d'application du pouvoir disciplinaire de l'employeur, il s'agit de se demander si le salarié doit « laisser sa vie personnelle aux portes de l'entreprise » ou s'il peut la faire entrer sans sa vie professionnelle en toute liberté ?
Ne risquerait-il pas dans ce cas de nuire à l'activité de son employeur et donc de commettre une faute professionnelle qui pourrait être sanctionnée par le pouvoir disciplinaire de l'employeur ?
Existe-t-il une place pour la vie personnelle au travail ?
[...] La Cour de cassation aménage d'une nouvelle façon les rapports entre vie personnelle du salarié et pouvoirs disciplinaires de l'employeur. Un tel aménagement est nécessaire car la rigueur juridique qui consisterait à dire qu'aucun fait personnel ne peut faire l'objet d'une procédure disciplinaire protégerait certes absolument les libertés et droits du salarié en tant que citoyen mais aboutirait à des situations dangereuses et dépourvues de toute moralité et responsabilité, on peut même aller jusqu'à dire que de telles solutions sembleraient irréalistes. [...]
[...] Lorsque la présence du salarié dans l'entreprise est directement affectée, on parle de licenciement disciplinaire. Ce pouvoir disciplinaire qui est, selon la Cour de Cassation, (Soc, 16/06/1945), inhérent à la qualité de patron est parfois utilisé à mauvais escient par l'employeur qui dispose d'un large pouvoir d'interprétation dans la qualification du comportement du salarié fautif. Face aux dérives provoquées par la confrontation de ces deux notions, le législateur est intervenu de plus en plus afin de marquer la frontière entre le travail et la vie personnelle du salarié avec notamment la Loi du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, la Loi du 31 décembre 1992 visant à limiter les atteintes aux libertés du travailleur par voie informatique et électronique ainsi que la Loi du 17 janvier 2002 sur le harcèlement moral. [...]
[...] Ainsi, dans le cas d'un salarié qui, se trouvant en arrêt de maladie, avait adressé une carte postale à l'employeur depuis un lieu de vacance et avait été licencié pour ce fait, la Cour a rappelé que le fait reproché ne constituant pas un manquement aux obligations résultant du contrat de travail, il ne peut justifier un licenciement (Soc juin 1998, Bull. 323). La Cour de Cassation admet que les agissements du salarié relevant de sa vie personnelle puissent constituer une faute, cause réelle et sérieuse de licenciement, si le salarié a violé son obligation de loyauté envers l'employeur. L'obligation de loyauté découle de l'article 1134 du Code civil selon lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi. [...]
[...] Lorsqu'il l'édicte, l'employeur doit respecter le principe de l'autonomie de la vie personnelle de ses salariés, et c'est en vertu de ce principe qu'ont pu être déclarées nulles un certain nombre de clauses : - les clauses interdisant toute conversation étrangère au service 25/01/1989, Sté SITA) - les clauses interdisant le mariage entre salariés d'une même entreprise 10/06/1982) - les clauses obligeant le port d'une blouse dans l'entreprise alors que l'activité ne le rend pas nécessaire (Cass., Soc, 18/02/1998) - la clause autorisant la direction à ouvrir à tout moment les vestiaires et armoires individuels (CE 12/06/1987, Sté GANTOIS) Ces clauses montrent une ingérence du pouvoir disciplinaire dans la vie personnelle du salarié, ingérence non tolérée par le juge de l'excès de pouvoir ni par le juge judiciaire. A la périphérie du règlement intérieur est apparu un pouvoir normatif de l'employeur. [...]
[...] Un salarié qui violerait cette obligation, même dans le cadre de sa vie personnelle, se verrait sanctionné par le juge, et ne bénéficierait pas du principe d'indépendance de la vie personnelle. Cette obligation consiste pour le salarié à ne pas émettre de graves critiques sur son entreprise que risqueraient de la discréditer, la décrédibiliser, en somme de lui nuire. Il s'agit donc d'une obligation de réserve qui va à l'encontre de sa liberté d'expression dans sa vie personnelle. Par ailleurs, l'obligation de loyauté consiste également en le respect du contrat de travail. [...]
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