Dans toutes les branches du droit, l'ordre public, notion relativement floue, constitue un ensemble de principes et de valeurs dont la force contraignante préexiste au pouvoir des volontés individuelles ; il s'agit à la fois d'un principe d'action et d'un principe d'exception. A la suite de multiples interventions législatives, la doctrine a opposé l'ordre public « de direction », faisant prévaloir sur la liberté des contractants certaines mesures auxquelles il n'est pas possible de déroger (prohibition des clauses d'indexation par exemple) et l'ordre public « de protection », destiné à protéger la partie la plus faible (salarié, assuré...). Cette distinction se retrouve tout particulièrement dans le domaine spécifique du droit du travail. L'ordre public de protection, ou principe de faveur, y constitue la règle : ce principe, autrement dénommé « principe du plus favorable », ou « principe d'application de la disposition la plus favorable », permet de régler les conflits de normes au profit de la disposition la pus favorable aux salariés. Cette simplicité de la règle cache une application souvent épineuse. Le principe connaît par ailleurs des exceptions (ordre public absolu, dérogatoire...) qui, si elles ont toujours existé, se font de plus en plus nombreuses depuis une vingtaine d'années, conduisant de nombreux auteurs à se demander s'il existe encore véritablement. Cependant encore bien vivant, il apparaît surtout aujourd'hui comme le reflet de l'ambiguïté du droit du travail dans ses rapports à la loi. Ainsi, si le principe de faveur est et reste un principe fondamental du droit du travail, avec ses modalités d'application propres, il souffre de fortes exceptions qui viennent en limiter sa portée.
[...] S'il apparaît certain que la loi peut prévoir un accord dérogatoire, le libellé de l'article L.132-26 a conduit à s'interroger sur le fait de savoir si le pouvoir réglementaire pouvait prévoir un tel accord. En effet, cet article prévoit un droit d'opposition des organisations syndicales non signataires d'un accord ou d'une convention comportant des clauses qui dérogent soit à des dispositions législatives ou réglementaires Le Conseil d'Etat a répondu par la négative dans un arrêt déjà évoqué du 27 juillet 2001 : le principe de faveur est un PGD et a donc une valeur supra- décretale ; un règlement ne saurait pouvoir y déroger. [...]
[...] Ici s'associe un principe hiérarchique et un principe chronologique (Olivier). La solution a été posée par un arrêt Comité français contre la faim du 25 janvier 1995 et confirmée par un arrêt du 9 juillet 1996 : la survenance d'un accord collectif entraîne la disparition de l'usage antérieur ayant le même objet, sans qu'il soit besoin de respecter les règles de la dénonciation. Au vu de la décision de 1996, on peut toutefois se demander s'il n'y a pas lieu de distinguer entre l'usage d'entreprise et l'usage local, le second nécessitant alors l'application de la règle de faveur en cas de conflit avec une convention collective. [...]
[...] On a alors pu parler des flux et reflux de l'ordre public absolu (Souriac-Rotschild). La dernière décennie a d'ailleurs vu un reflux progressif du nombre des règles de l'ordre public absolu, entraînant dans le même temps un élargissement du champ d'application du principe de faveur. Cet élargissement récent est toutefois fortement tempéré par la naissance de l'ordre public dérogatoire. L'ordonnance du 16 janvier 1982 consacra en effet les dérogations conventionnelles, à d'autres fins que l'amélioration du sort des salariés. L'apparition de règles dites d'ordre public dérogatoire constitue une véritable révolution en droit du travail : les partenaires sociaux peuvent désormais creuser en-dessous du plancher légal, ou à côté, de véritables galeries (Ray) ; l'ensemble de l'édifice peut alors être remis en cause. [...]
[...] Le vrai problème consiste donc à évaluer la norme la plus favorable. Or cette évaluation se révèle bien souvent très délicate : est-il par exemple plus avantageux de prévoir que le travail sera considéré comme travail de nuit entre 23h et 6h plutôt qu'entre 22h et 5h ? La méthode de détermination de la norme la plus favorable est gouvernée par deux principes : la comparaison doit être analytique et globale. Selon l'arrêt de la Haute Cour du 17 janvier 1996, il doit s'agir d'une appréciation globale, avantage par avantage Cette méthode a été critiquée par une partie de la doctrine. [...]
[...] J-E Ray compare l'ordre public social à un feu rouge : on ne peut transgresser la norme. Ce principe est affirmé au deuxième alinéa de l'article L.132-4, aux termes duquel la convention ou l'accord collectif ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public de ces lois et règlements Toute la difficulté consiste alors à identifier ces lois et règlements auxquels il est impossible de déroger. Sur ce point, un avis du Conseil d'Etat du 22 mars 1973 apporte quelques précisions : une convention ne peut déroger ni aux dispositions qui présentent un caractère impératif, ni aux principes fondamentaux énoncés dans la Constitution ou aux règles du droit interne ou international, lorsque ces principes ou règles débordent le domaine du droit du travail ou intéressent les avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels Ainsi, l'ordre public absolu règle le conflit de normes en sa faveur, sans laisser place à l'application du principe de faveur. [...]
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