Toute la réglementation du travail entend clairement protéger les intérêts du plus faible à savoir le salarié. Le souci de défendre celui qui à priori ne peut le faire seul est clairement installé. A cette image, l'impression qu'il n'existe que peu de possibilités pour l'employeur de s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui peut être légitimement exprimée.
L'employeur connaît pourtant des échappatoires solides. Mais l'exonération totale est rare.
Ainsi, après la « révolution » opérée par la redéfinition de la faute inexcusable de l'employeur à travers les arrêts du 28 février 2002 de la chambre sociale de la Cour de cassation, la deuxième chambre civile apporte à son tour sa contribution à l'évolution de la réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail, en définissant cette fois la notion de faute inexcusable du salarié dans un arrêt du 27 janvier 2004. Cet arrêt s'inscrit dans le double mouvement qui caractérise aujourd'hui la remise en question du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. En rappelant que seule l'existence d'une faute inexcusable du salarié est de nature à diminuer le montant de la majoration de la rente, il participe, en effet, à l'assouplissement des conditions d'accès à une réparation complémentaire. En définissant clairement cette notion de faute inexcusable du salarié, il conduit également à mieux prendre en compte la sécurité dans l'entreprise en rappelant que celle-ci « si elle pèse à titre principal sur l'employeur, comporte aussi des devoirs pour les salariés ».
En réactivant une notion tombée en sommeil, les juges de la Cour de cassation permettent surtout de s'interroger sur le rôle que doit jouer aujourd'hui la faute inexcusable du salarié alors que le système français de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles doit prochainement être rénové. Or si l'on ne peut qu'appeler de ses vœux une meilleure prise en charge des préjudices subis par le salarié, il serait cependant regrettable que cela se fasse sans tenir compte de l'obligation de veiller à sa propre sécurité mise à la charge de celui-ci par la loi nº 91-1414 du 31 décembre 1991. En d'autres termes, on ne peut repenser le dispositif de prise en charge du risque ATMP sans intégrer dans celui-ci le vecteur prévention. Acteur de sa propre sécurité pour le droit du travail, le salarié ne doit pas être assimilé à un incapable juridique par le droit de la sécurité sociale, ce qui impose de définir un nouveau rôle pour la faute inexcusable.
La faute inexcusable du salarié n'est pas un mécanisme nouveau. Elle figurait dès 1898 à l'article 20, alinéa 2 de la loi du 9 avril créant un système d'indemnisation des victimes d'accident du travail, marquant ainsi l'intention du législateur de responsabiliser l'ouvrier qui se trouvait associé à l'effort de prévention. Cette notion figure aujourd'hui à l'article L. 453-1 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit la possibilité pour les caisses de diminuer le montant de la rente lorsque l'accident est dû à une faute inexcusable de la victime. Jusqu'à présent aussi bien les juges que les caisses de sécurité sociale répugnaient à y recourir dans la mesure où ce mécanisme est de nature à sanctionner le conjoint survivant ou les ayants droit de la victime.
La faute inexcusable du salarié était en conséquence rarement invoquée et accueillie de façon très restrictive par les juges. La résurgence de cette notion tient donc essentiellement à l'évolution récente de la notion de la faute inexcusable de l'employeur.
Antérieurement à la jurisprudence issue des arrêts rendus le 28 février 2002, la faute inexcusable de l'employeur et la faute inexcusable du salarié s'inscrivaient dans un même contexte, celui d'une gravité exceptionnelle.
L'évolution amorcée par les arrêts du 28 février 2002 rendait donc inéluctable la définition de la faute inexcusable du salarié (I). Cette définition favorable aux salariés que nous allons sûrement vers une réparation intégrale des accidents du travail et vers une responsabilisation de celui qui commet une imprudence (II)
[...] Cet arrêt a été confirmé par un arrêt du 6 février 2003 ( 01.20 .004) qui précise explicitement que dès lors que l'employeur a commis une faute inexcusable, la majoration de la rente doit être fixée au maximum. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 29 janvier 2004 complète ensuite l'œuvre de la chambre sociale en donnant pour la première fois une définition de la faute inexcusable du salarié, entendue comme une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience Dès lors que le comportement du salarié ne pourra être ainsi qualifié, la majoration de la rente sera donc portée à son maximum. [...]
[...] Mais c'est peut- être redonné à la faute plus de vigueur qu'il n'en faut. Pour autant elle a le mérite de responsabiliser celui qui commet une imprudence ou une faute et de favoriser certainement une meilleure prévention des accidents puisqu'elle oblige les employeurs et les travailleurs à adopter un comportement individuel qui respecte les règles élémentaires de sécurité. La réactivation des mécanismes de prévention La responsabilité pour faute qui se dessine ne doit pas entraver l'objectif d'indemnisation des victimes. Nous retrouvons plutôt derrière l'idée de faute celle de prévention. [...]
[...] Chacun est tenu par des devoirs, qu'il s'agisse des employeurs ou des salariés. La responsabilité pour risque engendre bien des inégalités. Nous préférons la remplacer par la responsabilité pour faute une fois que le mal s'est produit et d'anticiper au moyen d'une responsabilité préventive applicable aux accidents du travail. Il est important de franchir le pas et d'appliquer aux risques professionnels la responsabilité préventive et la détacher de la responsabilité civile. Il n'est pas rare en effet que les risques professionnels se produisent dans des établissements à hauts risques industriels. [...]
[...] La résurgence de cette notion tient donc essentiellement à l'évolution récente de la notion de la faute inexcusable de l'employeur. Antérieurement à la jurisprudence issue des arrêts rendus le 28 février 2002, la faute inexcusable de l'employeur et la faute inexcusable du salarié s'inscrivaient dans un même contexte, celui d'une gravité exceptionnelle. L'évolution amorcée par les arrêts du 28 février 2002 rendait donc inéluctable la définition de la faute inexcusable du salarié Cette définition favorable aux salariés que nous allons sûrement vers une réparation intégrale des accidents du travail et vers une responsabilisation de celui qui commet une imprudence La faute inexcusable du salarié : de l'apparition d'un concept à sa définition A l'origine, la loi du 9 avril 1898 avait conçu la faute inexcusable du salarié comme un tempérament au caractère objectif et automatique de la réparation, un gage donné aux détracteurs du nouveau régime légal d'indemnisation dans les milieux patronaux qui craignaient qu'il n'abolisse tout sens de la responsabilité chez les travailleurs : en cas de faute inexcusable du salarié, la Caisse primaire d'assurance maladie a la faculté de diminuer (mais pas de supprimer) la rente allouée au salarié qui souffre d'une incapacité permanente partielle d'au moins article L. [...]
[...] Ils ont donc largement contribué à une réflexion d'ensemble sur les conditions de mise en place d'une réparation intégrale des risques professionnels. Il est vrai que depuis le compromis historique de 1898 qui a vu la reconnaissance systématique de la présomption d'imputabilité des employeurs, l'indemnisation des préjudices liée aux accidents du travail est demeurée partielle. Contrairement à ce qui s'est progressivement imposé en pratique pour les accidents jugés de droit commun, le principe de réparation intégrale est étranger aussi bien au régime de base des accidents du travail qu'au régime amélioré lorsqu'il y a faute inexcusable de l'employeur Il n'en demeure pas moins que certains préjudices extrapatrimoniaux (préjudice sexuel ) ou économiques (dépenses d'aménagement d'un appartement pour l'adapter à l'infirmité de la victime) ne sont toujours pas pris en compte. [...]
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