Si dans sa thèse sur le pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise, Hugueney a pu dire qu' « en l'état actuel du droit personne ne peut dire au juste ce qu'est l'entreprise », c'était en 1948. De nos jours, même si le droit du travail a subi quelques évolutions, il est toujours aussi délicat d'appréhender la notion d'entreprise.
L'entreprise n'existe pas en tant que telle en droit français, si bien qu'il est possible d'opérer une confusion entre les termes « société » et « entreprise ». D'ailleurs, en droit anglais la même confusion peut avoir lieu entre les termes de «corporation » et de « company », qui selon le contexte signifient soit « entreprise », soit « société ». Le sens que revêt le mot « entreprise » dépend du contexte dans lequel il est utilisé.
Pour Pierre Verge et Sophie Dufour: « le droit du travail et l'entreprise vivent en symbiose ». L'entreprise est avant tout le cadre d'exécution du travail subordonné, même si elle est également celui du droit du travail indépendant. Bien qu'il n'existe pas une, mais plusieurs approches de l'entreprise au sens du droit du travail, celle-ci implique la poursuite d'une certaine activité, économique ou non, quelle que soit sa nature, laïque ou religieuse, professionnelle ou de bienfaisance, correspondant à un but intéressé ou désintéressé. Néanmoins, ce terme fut ignoré des premières lois sociales, avant de connaitre quelques occurrences dans le premier code du travail promulgué de 1910 à 1927; pour enfin acquérir plus de relief avec la loi de 1928. Ce n'est qu'avec l'ordonnance de 1945 sur les comités d‘entreprise et le Préambule de la Constitution de 1946, que le terme prit plus d'ampleur et désigna un type d'organisation, un cadre des relations de travail. Il connut par la suite une grande prospérité et se retrouva dans le Code du travail de 1973. Sa présence de plus en plus significative dans le droit français conduit à en faire une réelle catégorie juridique, qui n'a pas manqué d'être appréhendée par des dispositions du traité de Rome ou par des directives de rapprochement des législations nationales. Ainsi, qu'elle s'entende du cadre d'exercice de certains droits ou de l'exécution de certaines obligations, du cadre de mise en place d'une institution représentative du personnel ou de celui de la négociation d'un accord collectif, l'entreprise est mise en œuvre par des opérations de qualification, dans l'application de diverses règles relatives au droit du travail.
Il convient de préciser que le droit du travail est avant tout celui qui réglemente l'activité salariée au sein de l'entreprise. Il est par conséquent étranger au rapport de travail qui régit l'un des statuts de la fonction publique; il ne s'applique pas aux fonctionnaires. Pour autant, certaines dispositions du Code du travail sont applicables aux personnes morales de droit public. Par exemple, une loi du 26 juillet 1983 organise la représentation d'un comité d'entreprise au sein des entreprises publiques.
[...] Enfin, la loi accentue la symbiose entre les organisations syndicales de l'entreprise et les instances représentatives élues. Depuis 1986, les patrons comme les syndicats de salariés ont voulu déconcentrer les niveaux de négociations, ainsi l'entreprise se révèle être de plus en plus le lieu privilégié des négociations. Le système juridique a opéré un basculement du niveau national ou niveau local, c'est d'autant plus vrai au regard des lois du 4 mai 2004 et du 20 août 2008, qui réforment la négociation des accords collectifs. [...]
[...] L'UES devient conflictuelle dans l'hypothèse où aucun accord n'a pu être trouvé. C'est alors au juge qu'il incombe de fixer le périmètre de l'UES et d'indiquer les institutions qu'il est nécessaire de mettre en place. Si l'UES a d'abord concerné la matière des institutions représentatives du personnel, elle s'est progressivement étendue à d'autres questions par la multiplication des dispositions légales y faisant référence. Comme la loi ne donne aucune indication concernant les critères de l'UES, ceux-ci furent dégagés par la jurisprudence et font l'objet d'un affinement constant. [...]
[...] Pour toutes ces raisons, il apparaît essentiel de s'interroger sur l'existence d'une conception unitaire de l'entreprise, au regard du droit régissant le travail. Bien qu'elle puisse apparaître éminemment compliquée, cette question est pourtant essentielle pour assurer l'effectivité du droit du travail, qui est amené à s'appliquer de manière différente selon l'entreprise considérée. Ainsi est-il nécessaire de rechercher s'il existe des critères communs à toutes les entreprises et de s'interroger sur la nature juridique de celles-ci. Il apparaît dès lors difficile de proposer une définition juridique précise de l'entreprise, dans la mesure où celle-ci est amenée à se structurer de manière très variée Néanmoins, l'entreprise demeure le lieu de l'exécution du travail, et apparaît comme le principal cadre d'application des droits et des libertés s'y rattachant (II). [...]
[...] L'unité économique implique également une complémentarité des activités des différentes entités juridiques concernées. L'unité sociale est plus difficile à établir: l'essentiel est de parvenir à cerner l'existence d'une seule et même communauté de travail, par delà le rattachement contractuel des salariés à des employeurs juridiquement distincts les uns des autres. Cette homogénéité des la collectivité des salariés peut être appréciée au travers de la permutabilité du personnel, c'est-ce qu'il résulte d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 6 mai 1985. [...]
[...] Le groupe est une notion d'origine légale (loi d'octobre 1982), une réalité économique et financière constituant souvent un ensemble plus vaste, à l'intérieur duquel peuvent figurer plusieurs entreprises au sens du droit du travail; permettant la mise en place d'un comité de groupe. La notion de site quant à elle, offre la possibilité de mettre en place l'élection de délégué du personnel. Enfin, la loi du 12 novembre 1996 prend en considération des groupes transfrontaliers à travers la notion d'entreprise de dimension communautaire; tout comme une loi de juillet 2005, qui institue la notion de société européenne. [...]
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