Selon Gérard Lyon-Caen, il est possible de définir le droit du travail français comme « l'ensemble des règles juridiques applicables aux relations individuelles et collectives qui naissent entre les employeurs privés et ceux qui travaillent sous leur autorité moyennant une rémunération appelée salaire ». Mais la question se pose rapidement de savoir à quelle époque il convient de situer l'apparition d'un tel droit. En réalité, l'histoire du droit du travail est marquée par plusieurs étapes primordiales comme notamment l'abolition des corporations fin XVIIIème, l'apparition de lois sociales en faveur des travailleurs courant XIXème, et le développement d'une réelle législation en la matière courant XXème.
Cependant, pour certains, la loi du 22 mars 1841 sur le travail des enfants marque véritablement la première avancée sociale en France du fait particulièrement de l'intervention de l'Etat dans un domaine régi auparavant par un « droit capitaliste ». C'est en effet grâce à cette loi qu'on a pu espérer déboucher sur des conditions d'emploi plus rigoureuses car réglementées.
Il convient donc de s'interroger sur l'effective portée de cette loi : est-elle suffisante pour marquer à elle seule l'ensemble des règles fondamentales indispensables à la naissance d'un droit du travail ? Nous verrons en effet que bien qu'elle représente la première intervention de l'Etat, elle ne constitue pas pour autant l'acte de naissance du droit travail.
Pour traiter cette question, nous nous demanderons en premier lieu dans quelle mesure la loi du 22 mars 1841 a pu être considérée comme première loi sociale, en examinant d'une part, la rupture qu'elle a opérée avec les conceptions antérieures, et en définissant d'autre part, le rôle qu'a eu l'Etat dans cette intervention. Cependant, nous montrerons en second lieu que cette loi a été insuffisante à la création d'un droit du travail, en exposant d'une part son aspect trop individualiste excluant les relations collectives, et en présentant d'autre part, les évolutions ultérieures indispensables au développement d'un effectif droit du travail.
[...] Ainsi, les règles découlant de la législation n'encadrent qu'un certain type de travail ou que certaines catégories de travailleurs comme par exemple ici, les enfants. Le travailleur n'a pas de réglementation propre à son statut et n'est pas considéré comme sujet de son travail. La représentation du système juridique est de ce fait individuelle. L'époque de la loi sociale de 1841 représente ainsi une avancée bien limitée car faire grève à cette époque est encore une faute sur le plan contractuel justifiant la rupture par le patron de contrat de louage de services. [...]
[...] Vers une protection des intérêts collectifs Il semble alors plus juste de situer l'effective naissance d'un droit du travail au moment où la dimension collective des relations de travail a été reconnue. Selon l'expression de Supiot, deux phénomènes marquent principalement cette réappropriation d'une identité collective : l'apparition de sociétés de secours mutuels, ébauche d'une formule de protection, et les sociétés de résistance tels les Canuts de Lyon, préfigures d'un syndicalisme en France. D'un point de vue législatif, il faudra attendre la loi du 21 mars 1884 qui a consacré la liberté syndicale. [...]
[...] La loi du 22 mars 1841 comme première loi sociale française La loi du 22 mars 1841 fut la première loi à énoncer des interdits ou plutôt à réglementer les conditions d'emploi, notamment en l'espèce, l'emploi des enfants. Cette grande avancée est marquée par la rupture avec les conceptions antérieures qui, après la Révolution, prônaient une grande liberté contractuelle régie par l'autonomie de la volonté, mais aussi par l'intervention de l'Etat pour la première fois, désireux de protéger les plus faibles. [...]
[...] Cependant, il est aujourd'hui évident qu'à elle seule, loi du 22 mars 1841 ne peut marquer la naissance du droit du travail. En effet, d'une part, elle ne présente qu'un aspect minime de la réglementation devant exister en matière de droit du travail, d'autre part, son effectivité est discutable puisqu'elle avait laissé le soin au gouvernement d'organiser le contrôle de sa mise en œuvre et qu'il n'en a rien été puisque le système d'inspection crée était local et bénévole, donc inefficace. [...]
[...] Jusqu'en 1841, l'intervention de l'Etat s'est ainsi bornée vis- à-vis de la population ouvrière naissante, à des mesures de contrôle et des règles de police, comme par exemple le livret ouvrier qui subsistera jusqu'en 1890. Il faudra donc bel et bien attendre la loi du 22 mars 1841 pour que certaines interdictions et donc un public de protection apparaissent. L'interventionnisme de l'Etat comme garant de l'ordre social La loi du 22 mars 1841 a été considérée par beaucoup comme étant la première loi sociale en France. [...]
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